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Editorial – Le temps des questions

L’épilogue de trois jours de traques, vendredi soir, en France, ne doit pas éluder la profonde remise en cause à laquelle le pays doit s’atteler.

Le malaise est profond et les questions posées par la folie meurtrière des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly nombreuses.

Depuis quarante ans, les banlieues sont abandonnées par l’action publique, tiraillées entre répression et dialogue de sourds. Les trois terroristes morts vendredi sont les fruits de cet abandon, comme l’ont été avant eux Mohammed Merah ou Mehdi Nemmouche. Tous sont passés par la case prison. Les geôles françaises sont des cloaques incubateurs de djihadistes. Tous, à l’exception d’Amedy Coulibaly, ont été placés pendant leur enfance dans des foyers ou des familles d’accueil pour répondre aux défaillances de leurs familles. Si le malaise est si profond, c’est parce que les terroristes d’aujourd’hui sont des enfants d’immigrés qui ont souffert dans leur pays d’adoption. Depuis quarante ans grandit dans les banlieues une jeunesse française qui n’a pas d’autre réalité que l’abandon.

Face à elle, une classe politique obsédée par la conquête ou la conservation du pouvoir, par le conflit permanent contre l’adversaire. Une classe politique qui n’a de cesse de défaire ce qui a été fait. Et rien, aucun espoir offert à une partie non négligeable de la population, stigmatisée, montrée du doigt, méprisée. Les priorités des gouvernements sont ailleurs.

Cela ne suffit pas, pourtant, pour justifier les gestes de ces terroristes qui ont basculé dans la violence sur la fin. On regrettera longtemps qu’ils ne puissent être jugés, comme on l’avait déjà regretté pour Mohammed Merah ou Khaled Kelkal. Un procès aurait permis de mieux comprendre comment ils en sont arrivés à ce point de non-retour, comment ils ont franchi la ligne rouge. Au lieu de ça, c’est en martyrs de leur cause que Chérif et Saïd Kouachi et qu’Amedy Coulibaly sont tombés. N’oublions pas aujourd’hui que la génération des Kouachi, Merah, Coulibaly et Nemmouche a des enfants. Et qu’il est peut-être encore temps de les sauver.

De notre rédacteur en chef adjoint Christophe Chohin

 

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