De l’Olympe à Hollywood, l’ange Gabriel, trompé par son GPS, cherche désespérément Marie… Détournant avec humour et érudition le thème de l’Annonciation, Le Divin Scénario (Actes Sud/ L’An 2) célèbre l’amour et la poésie à travers les époques.
Dans l’Olympe, l’ambiance bat son plein. «Une super boîte avec de la musique de ouf !», soutient l’archange Gabriel qui y a ses petites habitudes. Entre deux gorgées de nectar, enivré qu’il est par les beaux yeux d’Iris, il reçoit alors un coup de téléphone d’importance : Dieu lui demande de venir sur-le-champ. Costume et chapeau blanc impeccables, ce dernier cache son stress. Il a en effet oublié d’accomplir ce qu’il avait annoncé : avoir un fils qui puisse incarner sa puissance divine sur Terre !
À Luc l’Évangéliste, chargé de la logistique – avec son crayon de papier calé sur l’oreille – d’imaginer une histoire qui se tienne. Soit un Nouveau Testament, certes «plein d’invraisemblances». Mais «avec les humains, plus c’est gros, plus ça passe !», soutient le boss, sûr de son coup. À Gabriel le soin de trouver celle qui deviendra la mère du fils de Dieu. Mais pas n’importe laquelle : il s’agit d’une «femme qui lit». La description est mince et malgré son smartphone et le Saint Esprit – colombe qui se pilote «comme un drone» – dans sa besace, l’archange va multiplier les quiproquos et les rencontres…
Voilà donc l’idée, dingue, du duo Jacky Beneteaud-Fabrizio Dori : partir du thème de l’Annonciation pour mieux raconter l’art, l’amour et la poésie à travers les âges, et ce, sans lésiner sur les anachronismes. D’un côté, un scénario qui plie donc sous le poids des figures culturelles, notamment littéraires. De l’autre, un trait d’une élégance rare, lui aussi ultraréférencé, d’un dessinateur qui s’était déjà fait remarquer avec un précédent ouvrage (Le Dieu vagabond, 2019). Au milieu, une quête drolatique et burlesque qui contrebalance le sérieux du sujet et la grandiloquence de l’approche.
Peut-être que tout cela n’était-il qu’un conte ?
Car, comme le précisent en fin d’ouvrage les auteurs, ce travail s’est nourri, «de façon iconoclaste, d’emprunts et citations d’œuvres réalisées au fil de siècles». Ils les détaillent même dans une liste généreuse. Le Divin Scénario les mixe alors à gros bouillon, tissant des passerelles improbables entre Emma Bovary et Marilyn Monroe, Shéhérazade et Dante Alighieri, Arthur Rimbaud et Homère, Marc Chagall et le marquis de Sade. Car avec un GPS qui n’en fait qu’à sa tête, et une envie sûrement trop pressante de plier la mission qu’on lui a confiée, l’archange Gabriel va multiplier les rencontres féminines, quand il ne tombe pas, au hasard de ses égarements, sur Lucifer ou son pote Michel.
En trois parties, de l’Olympe à Hollywood, le scénario, divin donc, est d’abord à voir comme un hommage à la littérature et aux œuvres qui ont marqué l’Histoire (L’Odyssée, Madame Bovary, Les Mille et Une Nuits…). Le livre y est en effet central, au cœur d’un univers foisonnant qui ne se prend jamais au sérieux, et qui évite aussi toute forme de prétention. D’ailleurs, la BD, comme pour alléger les propos, cède parfois à la tentation de la «pop» culture, surtout en ce qui concerne les clins d’œil musicaux (Stromae, Les Rita Mitsouko, Philippe Katerine, Salvatore Adamo, et même Bernard Michel et son célèbre Zorro est arrivé).
Au gré de ses charmantes rencontres, auxquelles l’archange aura bien du mal à résister, il est également question d’amour, pur, poétique, puissant, déraisonnable. Chacune de ses conquêtes (dont une sirène) le laisse d’ailleurs à sa quête dans un «reviens vite» suggestif. Au moins jusqu’à ce SMS d’une certaine Marie, qui l’attend au bar de l’Annonciation à Nazareth… De ce récit à la fois fantaisiste, païen et farfelu, Gabriel, dans un éclair de lucidité, dira : «Peut-être que tout cela n’était-il qu’un conte ?» Difficile, pour le coup, de ne pas lui donner raison.
Grégory Cimatti
L’histoire
Vent de panique au Ciel ! Dieu vient de s’apercevoir qu’il a complètement oublié d’accomplir ce qu’il avait pourtant annoncé : avoir un fils qui puisse incarner sa puissance divine sur Terre. L’archange Gabriel se voit donc confier la mission de trouver la femme qui deviendra la mère du fils de Dieu. Pour ce faire, il ne dispose que d’une description plutôt sommaire (elle est la «femme qui lit») et sans doute est-il un peu tendre – dans tous les sens du terme – pour mener à bien une affaire aussi délicate.