Il ne veut plus qu’on le traite de « loser » : Chris Paul, plusieurs fois maladroit dans les matches qui définissent une carrière, a l’opportunité d’en écrire la plus belle page avec Phoenix pour ses premières finales NBA à 36 ans, dès mardi contre Milwaukee.
Sous une pression qui n’aura jamais été aussi forte, son bras tremblera-t-il au moment de forcer son destin, comme cela fut si souvent le cas par le passé ? L’histoire le dira, mais à son talent intact s’ajoutent désormais une science du jeu qui n’a jamais semblé aussi approfondie, associée à un sens du leadership dont les bienfaits sur la jeune équipe des Suns expliquent en grande partie leur brillant parcours.
Malgré le consensus autour de ses performances, l’ombre de ses échecs passés plane encore au-dessus de « CP3 », surnom non pas tiré de la saga Star Wars, mais qui tient au fait que « CP1 » et « CP2 » étaient déjà pris par son père et son frère aîné.
S’il fallait rappeler quelques heures sombres, celles avec les Los Angeles Clippers ont cimenté sa réputation. En 2015, ses erreurs en attaque et en défense ont coûté la victoire et la qualification aux Clippers dans les ultimes secondes du match n° 5 de la demi-finale de conférence face au Thunder. Puis en 2016 sa déliquescence dans les 6e et 7e rencontres contre Houston, au même stade, ont permis aux Rockets de se qualifier après avoir été menés 3-1.
« En mission »
En 2018, alors co-star des Rockets avec James Harden, c’est sa cuisse droite qui flancha au plus mauvais moment d’une première finale de conférence enfin atteinte, face à Golden State. Forfait pour les matches 6 et 7, il a vu du banc, « angoissé et nauséeux », les Warriors renverser Houston (4-3), et ses détracteurs de se moquer de celui qui brille à la télé dans des publicités pour la compagnie d’assurances « State Farm », mais s’avère loin d’être « tout risque » quand ça compte.
Le spectre d’une énième défaillance a ressurgi au premier tour des play-offs quand son épaule droite contusionnée l’a fait souffrir. Mais il a serré les dents et a tenu bon, face aux Lakers de LeBron James.
Idem au début de la finale de conférence Ouest contre les Clippers, lorsqu’il a été testé positif au Covid-19. Mais après avoir manqué les deux premières rencontres, il délivré une « masterclass » dans le match n° 6 (41 pts, à 16/24 aux tirs dont 7/8 à trois points).
« J’étais en mission. Je suis tellement ému, tellement heureux pour mes proches. Je serai toujours un Clipper. Mais ce groupe-là, ces gars-là… ils m’ont accueilli à bras ouverts dès le premier jour. Seize ans, seize ans ! Il y a eu des opérations, des défaites, de sales défaites », a-t-il réagi après coup.
Les portes de ses toutes premières finales NBA ouvertes, il devra endosser jusqu’au bout son rôle de « meneur-capitaine-grand frère » auprès de ses coéquipiers relativement inexpérimentés, pour leur paver le chemin d’un titre qui manque autant à son palmarès qu’à celui de Phoenix, deux fois finaliste malheureux en 1976 et 1993.
« Pointilleux et impliqué »
Car c’est un autre Chris Paul, moins égoïste et plus mature, qui s’est relancé depuis la saison passée. D’abord en conduisant Oklahoma City, en reconstruction, jusqu’en play-offs, ensuite en tant que président du syndicat des joueurs avec les gestions délicates d’une saison tronquée par la pandémie de coronavirus et du boycott de matches par les joueurs luttant contre les discriminations raciales.
Arrivé l’automne dernier à Phoenix, où il a retrouvé Monty Williams, son entraîneur aux Hornets de La Nouvelle-Orléans (2010-2011), il a rapidement fait l’unanimité auprès de partenaires ne demandant qu’à grandir à ses côtés.
« Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi pointilleux et aussi impliqué. Il y a ce qu’il dit et la manière dont il le dit. Pour moi, c’est une qualité énorme. Chris Paul est la meilleure chose qui pouvait arriver à ma carrière », a ainsi récemment témoigné le pivot DeAndre Ayton.
Et l’autre star de l’équipe, Devin Booker, d’abonder : « J’ai beaucoup de respect pour lui en tant qu’homme, pas seulement en tant que joueur de basket. Je comprends simplement à quel point il veut qu’on aille loin, avec le temps qu’il a passé à travailler pour y arriver. Seize saisons, ça fait beaucoup ».
Paul ne le sait que trop bien, lui qui a pris depuis longtemps déjà l’habitude d’écrire sur sa chaussure « je ne peux pas abandonner maintenant ».
AFP/LQ