La Chambre des députés a accordé, jeudi, son feu vert à un cadre légal plus précis sur l’exploitation des caméras de surveillance sur la place publique. Tout dispositif de reconnaissance faciale est exclu.
Le vote sur un nouveau cadre légal plus précis sur l’exploitation et la finalité de l’utilisation du réseau de vidéosurveillance a provoqué, ce jeudi à la Chambre, une reprise du très virulent débat sur la sécurité publique. CSV et ADR ont une nouvelle fois insisté pour resserrer la vis de manière conséquente. Les autres partis se sont montrés plus modérés, sans nier que des problèmes ponctuels existent. «On est cependant loin de la zone de guerre que certains décrivent», insiste ainsi Nathalie Oberweis (déi Lénk). Le texte de loi a été finalement adopté par 56 députés (majorité DP-LSAP-déi gréng, plus CSV) contre 4 abstentions (ADR) et 4 non (déi Lénk et Parti pirate).
Depuis 2007, le Luxembourg dispose d’un cadre légal pour l’installation de caméras de surveillance sur la place publique. Jusqu’à présent, seuls certaines zones et quartiers de la capitale sont équipés d’un tel réseau, baptisé Visupol. Le texte initial a dû être retravaillé après l’entrée en vigueur en 2018 du nouveau règlement sur la protection des données. «Le règlement grand-ducal (…) manquait de précision sur certains points, notamment celui des cas et des conditions du recours à la vidéosurveillance», peut-on lire dans le rapport écrit de Stéphanie Empain (déi gréng). «La loi est attendue depuis longtemps», est-elle venue ajouter, ce jeudi, à la tribune de la Chambre. Les députés travaillent en effet depuis octobre 2019 sur le nouveau cadre légal.
Le texte précise désormais les conditions de mise en place d’un réseau de vidéosurveillance, du traitement des images et les mesures protectrices des droits des citoyens. «L’emploi des caméras doit poursuivre un objectif clair. Il faut définir quelles sont les formes de criminalité que l’on compte combattre avec la vidéosurveillance», indique le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox. Il tient aussitôt à préciser que pour lutter contre le trafic de stupéfiants «les caméras ne sont pas forcément le meilleur outil. Les trafiquants s’adaptent rapidement aux dispositions mises en place par la police.» En tout état de cause, il faudrait investir fortement dans le recrutement d’agents, ajoute le ministre.
Accrochage entre l’ADR et déi gréng
Même s’il admet que la «vidéosurveillance n’est qu’un outil parmi d’autres» pour prévenir la délinquance et lutter contre elle, le CSV insiste encore et toujours sur la nécessité d’une extension du réseau de caméras vers Bonnevoie. Il en va de même pour l’équipement des agents de police avec des bodycams et l’introduction d’un «Platzverweis», cette injonction qui doit permettre aux policiers de forcer une personne à quitter les lieux. «Nous avons besoin d’un concept multidisciplinaire global», martèle Léon Gloden.
L’ADR fait un pas de plus et dénonce les conditions restrictives qui entourent la mise en place de caméras. Fernand Kartheiser se fait rappeler à l’ordre après s’être demandé «si déi gréng se placent du côté des victimes ou des malfrats». «Le gouvernement limite l’emploi de caméras aux situations où tous les autres moyens se sont avérés inefficaces. Cela se fait au détriment des citoyens», fustige le député. L’aspect restrictif du texte a poussé l’ADR à s’abstenir.
«Les caméras procurent un faux sentiment de sécurité», rétorque Marc Goergen (Parti pirate). «Miser massivement sur le principe de la loi et de l’ordre ne permet pas de s’attaquer à la racine des problèmes», ajoute Nathalie Oberweis.
Il reste à souligner que la nouvelle loi exclut de «manière expresse» le recours à des techniques de reconnaissance faciale.
David Marques
Les règles du jeu en bref
AUTORISATION La vidéosurveillance peut être autorisée par le ministre aux fins de la prévention, de la recherche et de la constatation d’infractions pénales, sous condition que les autres moyens mis en œuvre se soient avérés inefficaces. L’autorisation est accordée sur la base d’une analyse d’impact réalisée par le directeur général de la police et après avis du procureur d’État, du conseil communal et d’une commission consultative. L’autorisation est valable pour trois ans.
LIEUX Le recours à la vidéosurveillance se limite à des lieux accessibles au public qui présentent un risque particulier de commission d’infractions pénales revêtant un certain degré de gravité, sans limiter la vidéosurveillance à des catégories particulières d’infractions pénales. Parmi les lieux susceptibles d’être équipés de caméras figurent des places, parcs, des rues drainant un grand nombre de personnes, les infrastructures accueillant régulièrement des événements d’envergure, dont le nouveau stade national.
CONSERVATION Les images enregistrées par les caméras sont conservées pour une durée maximale de 2 mois, sauf en cas de besoin d’exploitation dans le cadre d’une enquête ou instruction judiciaire. Les images d’interventions d’envergure peuvent également être conservées à des fins d’analyse ou dans le cadre de la formation des agents de police.