Le congé paternité – ou du second parent – de 28 jours, dont une semaine obligatoire, entre en vigueur à partir de jeudi, une réforme sociétale attendue de longue date qui vise à permettre aux pères de s’investir davantage dans la parentalité et la vie du foyer.
Annoncée en septembre par Emmanuel Macron et votée dans le budget de la Sécu, cette réforme du congé double la durée pour un père – ou le second parent – d’un enfant à naître ou adopté, à 25 jours plus 3 jours de naissance contre 11 plus 3 actuellement.
Nicolas, infirmier dans un Ehpad du Morbihan, dont la petite fille doit naître dans un peu moins de deux semaines, est concerné. « C’est notre premier enfant. On a hâte de rencontrer ce petit être et découvrir son univers », dit-il à l’AFP. « Pouvoir prendre un mois de congé, c’est un droit et un acquis social très fort pour entrer de plain-pied dans la paternité et aussi être là pour suppléer la maman à la maison ».
Ce futur père de 40 ans a déjà tout prévu. Pour permettre à ses collègues de « souffler aussi pendant l’été », il prendra quelques jours de vacances autour de la naissance mi-juillet puis en août, avant de prendre tout son congé au mois de septembre. Une demande « immédiatement validée » par son employeur, précise Nicolas, qui estime que « le regard sur la place du papa a changé ».
Dans le cas d’une naissance multiple, sept jours de congés sont ajoutés, soit 32 contre 18 actuellement. Niveau rémunération: les trois jours du congé de naissance restent à la charge de l’employeur, et les jours restants seront indemnisés par la Sécurité sociale.
Répartition des tâches
« Une réelle évolution », estime David Malczuk, 27 ans, qui accueillera son deuxième enfant fin juillet et a déjà tout organisé pour s’absenter un mois de son travail. A la naissance de son premier enfant, ce dessinateur industriel avait gardé ses 11 jours de congé pour partir avec sa femme et leur fils de quelques semaines en Russie, d’où son épouse est originaire.
« Elle avait accouché un mercredi. J’étais resté avec elle à la maternité jusqu’au dimanche et le lundi, c’était retour au boulot. J’étais crevé, j’avais des poches sous les yeux », se souvient-il. « Cette fois, je vais pouvoir créer un rythme avec le bébé et récupérer un peu d’énergie ».
Optionnel, le congé paternité est actuellement pris par environ sept pères sur dix, un chiffre qui a peu évolué depuis son instauration en 2002 et dissimule de fortes inégalités sociales: 80% des salariés en CDI y ont recours, contre moins de 60% en CDD.
« Ce n’est pas qu’une question d’envie des pères, il y a encore de nombreux freins psychologiques notamment vis-à-vis de l’entreprise », estime la psychothérapeute Isabelle Filliozat, vice-présidente de la « Commission des 1.000 premiers jours » qui avait recommandé au gouvernement de porter ce congé à neuf semaines.
Selon elle, cette réforme devrait « inciter davantage de pères à le prendre » car « la semaine obligatoire pourra les aider dans leurs négociations avec leur patron ».
« Dérisoire »
En matière de parentalité, beaucoup se joue dès les premiers jours. »Ce n’est pas une question de rôle ou de sexe », insiste Mme Filliozat. « Si on est au quotidien auprès d’un enfant, on devient plus sensible, attentif et on développe ses compétences parentales ».
Or, « les pères n’ont pas suffisamment d’occasion d’avoir du temps avec leurs tout-petits, ils tissent moins d’attachement, se sentent un peu moins concernés et peuvent avoir tendance à laisser les tâches parentales à la mère, ce qui génère de nombreux conflits », analyse-t-elle.
Ces 28 jours restent toutefois « dérisoires » pour Marie-Nadine Prager, du Collectif PAF (pour une Parentalité féministe). « C’est probablement mieux pour tisser un lien avec le bébé mais pas pour revoir la place de chacun au sein du foyer », estime la militante, plaidant désormais pour un congé parental sur le modèle scandinave, bien rémunéré et réparti entre les parents.
Des évolutions pourraient intervenir à la rentrée, à l’issue d’une mission sur la conciliation des temps professionnel et familial menée depuis mars par Christel Heydemann, de Schneider Electric France, et le sociologue Julien Damon.
LQ/AFP