Les scientifiques de la Centrale ornithologique, aidés de quelques bénévoles, ont bagué plusieurs dizaines d’oiseaux dans la réserve naturelle du Brill, à Schifflange. Un endroit à la richesse insoupçonnée.
La réserve du Brill, à Schifflange, est un petit miracle en elle-même. « Il y a 60 ans, ce site était une prairie humide , explique Patric Lorgé, qui dirige la Centrale ornithologique du Luxembourg (COL). Mais il y a 30 ans, c’était encore un crassier de l’Arbed ! »
Là, entre le site schifflangeois du sidérurgiste, la collectrice du Sud et la zone industrielle Um Monkeler, avec la zone commerciale de Foetz en arrière-fond, qui pourrait imaginer que se cache une zone humide où croissent les pieds dans l’eau nombre de roseaux, constituant ainsi une halte parfaite pour des milliers d’oiseaux migrateurs tous les ans ? « Donnez une demi-chance à la nature et elle la prendra ! », affirme Mikis Bastian, également ornithologue à la Centrale.
Jeudi, une demi-douzaine de personnes s’étaient donné rendez-vous sur le site pour baguer les oiseaux fréquentant la roselière. Pris dans des filets suffisamment lâches pour ne pas les blesser, ils sont délicatement récupérés par les bagueurs qui les installent dans un petit sac en toile. Quelques minutes plus tard, ils seront mesurés, pesés, observés…
Petits oiseaux, mais grands voyageurs
Si une bague entoure déjà une patte, son numéro est relevé et si l’animal n’en a pas encore, on lui en met une. Immédiatement après cet examen qui n’aura pris que quelques minutes, les oiseaux sont relâchés. Toutes les données sont tout de suite encodées dans une base de données européenne.
Les oiseaux étudiés ici sont des migrateurs qui viennent du nord de l’Europe et qui sont en route vers l’Afrique de l’Ouest. « Ils font une pause ici pour se restaurer, mangent des larves et des insectes et vont prendre jusqu’à 20 à 30% de leur poids en deux ou trois jours seulement », avance Patric Lorgé.
Soit suffisamment de forces pour parcourir les 200 à 300 kilomètres de la prochaine étape. « Ce sont de grands voyageurs qui parcourent 20 000 km chaque année », assure-t-il. Il y a quelque chose d’assez surréaliste à voir ces petits oiseaux (gorges bleues, rousserolles, fauvettes…) qui pèsent à peine 15 grammes se lancer dans un si long voyage !
Ici, depuis 1997, les ornithologues sont fidèles au rendez-vous. Chaque année, le même protocole est mis en place, ce qui permet d’établir des données comparables au fil des ans. « Nous voyons une évolution positive, certaines espèces – comme le bruant des roseaux – sont deux fois plus présentes », affirme Patric Lorgé.
La date de cette évolution positive ? Précisément l’an 2000. « C’était l’année de la renaturation de l’Alzette au niveau de la Dumontshaff, rappelle l’ornithologue. Dès que cela a été réalisé, nous avons vu le nombre d’oiseaux migrateurs paludicoles (NDLR : qui nichent dans les roseaux) grimper en flèche. »
Les opérations de baguage ont ceci d’intéressant qu’elles permettent d’obtenir assez rapidement des données exploitables. Dans le cas du Brill, ces analyses ont pu mesurer l’impact essentiel que peut avoir la renaturation d’un site, car « les oiseaux remarquent très vite les nouveaux biotopes », assure Patric Lorgé. Une raison de plus pour écouter ces scientifiques!
Erwan Nonet