Il y a maintenant sept ans, on découvrait, en rase campagne, un étonnant groupe au funk bien huilé, provoquant un dodelinement instinctif. Avec Pas Contente, chanson au refrain d’écoliers et à la rythmique diabolique, Vaudou Game entrait dans le jeu. Une tempête groove soutenue par un leader sorcier qui, dans le clip, versait une offrande à une divinité placée sous un arbre, suivi dans le geste par la population locale. Un hymne à la nature simple et efficace, placé au cœur d’un album franchement réussi, et tout aussi remuant : Afiapo (2014).
Depuis, deux autres disques – Kidayu (2016) et Otodi (2018) – ont confirmé l’idée de départ : mélanger afrobeat, funk et disco dans une transe festive, le tout dominé par une spiritualité de tous les instants. Peter Solo, né au Togo, en est l’incarnation, lui qui est originaire d’Aného-Glidji, haut lieu de la culture vaudou. Sa magie n’a rien de sombre, ni de maléfique. Au contraire, lui parlerait plutôt d’énergie positive, qui fait danser et réfléchir en même temps. Avec la crise sanitaire, qui est aussi une crise écologique, il était normal de revoir Vaudou Game. Sa quatrième production devait être un EP. Mais Noussin, finalement, a eu des envies de grandeur.
Une forme qui ne tient pas au hasard, car, comme tout le monde, Vaudou Game a été confiné, éparpillé même entre la France et l’Afrique. Du coup, c’est à Lyon, où Peter Solo habite, que l’affaire s’est réalisée, grâce à la présence, à proximité, d’une «garde rapprochée» de musiciens comme il dit, tandis que d’autres manquaient à l’appel. D’où ici, l’absence de l’habituelle horde de cuivres (saxophone, trompette, trombone), délaissée au profit de tout un arsenal de claviers, aux sonorités chaudes. Une orientation qui tient lieu d’évidence quand on connaît les deux principes que s’est fixés le groupe : enregistrer dans les conditions du live, et ce, uniquement sur du matériel analogique et vintage.
Une honnêteté qui s’affiche en long et en large sur Noussin : à travers une riche orchestration qui ne perd pas en puissance, ni en pertinence. Mieux, sur quelques titres, Peter Solo se reconnecte à ses années londoniennes et prend des chemins de traverse. Là, la guitare et la base claquantes prennent un peu de retrait, laissant la place à une disco fiévreuse ou un rock poisseux. À travers, aussi, une thématique de cœur et de raison : le péril environnemental et les tensions qu’il engendre. Enfin, dans une autre habitude observée sur les trois précédents albums, c’est dans trois langues – français, anglais et mina (NDLR : un dialecte parlé dans le sud-ouest du Togo) – que Vaudou Game transmet ses messages.
Sans la vie, pas de fête!
Sans être moraliste ni pompeuse, la bande préfère user de l’humour pour pointer du doigt le désastre climatique à venir, ainsi que notre incapacité d’y faire front (Mon canapé, Lady Bobo, Be My Wife…). Toute la philosophie d’une musique qui se reçoit comme une joyeuse respiration. Un bon bol d’air qui, désormais, résonne comme une nécessité. D’ailleurs, comme le dit Peter Solo entre deux exclamations à la James Brown : «Sans la vie, pas de fête!»
Vaudou Game
Noussin
Sorti le 11 juin
Label Hot Casa Records
Genre Afrobeat / funk / disco