Dans une pure veine hollywoodienne, Patrice Perna et Fabien Bedouel invitent à se rendre dans un trou paumé du Nouveau-Mexique. Sur place, du sang, de la poussière, des mystères, de la bière tiède et une bonne dose de heavy metal !
Mais que se passe-t-il donc à Flatstone, petite ville poussiéreuse perdue en plein cœur du Nouveau-Mexique ? «Ce bled ne tourne vraiment pas rond», lâche ainsi Malone, tombé en panne avec son jeune poulain, un pongiste mutique du nom de Lemmy. Quittant alors sa Fiat 500, qui devait les emmener à Albuquerque, il va vite découvrir, à ses dépens, l’accueil peu engageant de la population locale, qui se divise en deux catégories : d’un côté, des Rednecks consanguins, butés, racistes et homophobes, qui citent la Bible dès que se peut. De l’autre, des immigrés allemands bizarres, à la tête d’un élevage de porcs et d’un hôtel au cœur duquel il se passe des choses franchement louches. Entre les deux, El Loco, un Mexicain blond fan de métal, et à la gâchette facile.
On l’aura compris, Pat Perna et Fabien Bedouel ne sont pas là pour faire dans la finesse, eux que l’on a pourtant l’habitude de retrouver dans une veine plus sérieuse et réfléchie : le thriller historique (Forçats, Darnand, Kersten, Médecin d’Himmler…). Ici, le duo lâche les chevaux, au sens propre comme au figuré d’ailleurs, à travers un triptyque (deux tomes sont déjà sortis) qui fait dans la course poursuite débridée, avec son lot de fusillades, de règlements de comptes, de cadavres, et, comme dans tout bon film américain, de punchlines qui font mouche ! Oui, Valhalla Hotel (Glénat) s’inscrit clairement dans l’esprit des films potaches des années 80-90, pleins de testostérone et d’action qui fait boum, avec, il est vrai, quelques accointances avec le fantastique.
Personnages stéréotypés et rock sudiste
Bref, comme lorsque Tarantino s’associe à Rodriguez pour signer un étrange objet surréaliste, sanguinolent et horrifique à souhait (Une nuit en enfer, 1996), là aussi, la réunion en met plein la vue, avec toute une palette de personnages stéréotypés à la Richard Donner, John McTiernan et Tony Scott : des femmes fortes style Thelma et Louise, Kill Bill et Boulevard de la mort, des flics procéduriers et à côté de la plaque, des méchants branchés nazisme… Le tout sur fond de rock sudiste, au rythme tendu d’une batterie bien lourde et aux éclairs électriques comme le cri rageur d’une Stratocaster. Entre deux verres de schnaps, une gamine au regard bleu lagon aux pouvoirs étranges, des hommes-cochons, un hélicoptère du Vietnam volant sur des airs «wagneriens», ainsi que des vieilles cassettes de Venom et Motörhead, Glénat montre, une nouvelle fois, qu’il sait y faire pour mettre en avant la «pop culture» et le comics US.
Car Valhalla Hotel, dans l’esprit comme dans le ton, se rapproche sensiblement d’une autre série qui fait, à juste titre, parler d’elle, et qui doit s’achever l’année prochaine : Il faut flinguer Ramirez, œuvre parodique et survitaminée signée Nicolas Petrimaux, qui se lit également avec du pop-corn en main. Les similitudes sont en effet nombreuses (genre, décor, ambiance, humeur), mais les différences aussi. Contrairement à son illustre modèle, le projet de Perna-Bedouel lorgne plus du côté de l’étrange, mais ne pousse pas autant l’audace graphique et les apartés dans les marges. Un dessin certes plus classique, mais qui n’enlève rien au suspense, à l’absurdité des situations, au dynamisme des confrontations. De toute façon, vouloir les diviser serait idiot. Autant que regarder la trilogie L’Arme fatale, et bouder celle de Piège de cristal.
Grégory Cimatti
L’histoire
Tandis qu’ils se rendent à la finale régionale du championnat de tennis de table d’Albuquerque, Lemmy et son inénarrable mentor, le coach Malone, tombent en panne avec leur Fiat 500 sur la 380. À quelques miles de là : Flatstone, petite bourgade improbable en plein cœur du Nouveau-Mexique, et son shérif homophobe et buté, leur tendent les bras. Quelques «tracasseries administratives» plus tard, ils trouvent finalement refuge dans le seul motel du coin, le Valhalla Hotel, tenu par une femme pour le moins intrigante, Frau Vinkler. Au petit matin, Lemmy a disparu. Malone part évidemment à sa recherche…