« Petite voix » mais grande « diplomate », Stéphanie Frappart continue de montrer la voie aux femmes arbitres : la Française va devenir la première femme à officier lors d’un Euro masculin de football (11 juin – 11 juillet), où elle a été retenue comme quatrième arbitre.
Cette participation au Championnat d’Europe des nations est un nouveau jalon pour cette pionnière talentueuse et charismatique (37 ans), qui gravit les échelons à toute vitesse : première femme au sifflet en deuxième division française (2014) puis en Ligue 1 masculine (2019), première femme à diriger la Supercoupe d’Europe en août 2019 puis première femme à officier en Ligue des champions en décembre dernier…
Et la voilà maintenant à l’Euro, organisé dans onze pays du continent, après avoir déjà été au sifflet lors du tournoi féminin en 2017 ou lors du Mondial-2019 dames organisé en France. « C’est une belle évolution, une reconnaissance de mes qualités et mes compétences. C’est ma ligne de conduite depuis le départ, on me choisit pour mes compétences et pas mon pour genre », a commenté la Francilienne la semaine dernière lors d’une rencontre avec la presse au siège de la Fédération française.
En L1, Frappart fait l’unanimité : elle s’est attirée les louanges des acteurs du jeu, qu’ils soient sur le terrain ou sur le banc de touche. « Elle a beaucoup de diplomatie », avait confié l’entraîneur de Lille Christophe Galtier après ses débuts en L1, en 2019. « Il suffit qu’elle sorte un regard, un sourire, un geste… et ça s’arrête. »
« Elle utilise des mots justes »
« Elle a une petite voix mais elle a du charisme, de la personnalité », avait décrit le milieu Pierre Bouby, qui l’a côtoyée en L2 avec Orléans. « Elle utilise des mots justes, elle explique, elle est diplomate et on peut discuter avec elle. »
« C’est une locomotive pour l’arbitrage féminin, et une femme exceptionnelle », salue le président de la Commission fédérale des arbitres, Eric Borghini. Le dirigeant la décrit comme « une femme d’un calme et d’une sérénité impressionnants, tu ne la déstabilises pas, elle a une maturité incroyable ».
Sa manière d’arbitrer, avec diplomatie et fermeté, est d’ailleurs saluée, comme l’a fait Jürgen Klopp, l’entraîneur de Liverpool, après la Supercoupe d’Europe en 2019. Un an plus tard, lors de Juventus Turin-Dynamo Kiev (3-0) en décembre 2020, elle est devenue la première femme à officier en tant qu’arbitre principale d’une rencontre de Ligue des champions, et sa performance ce soir-là, maîtrisée, avait été applaudie par la presse.
A l’Euro, elle sera sur le bord de touche, au plus près des sélectionneurs, et ne devrait entrer en jeu qu’en cas de blessure de l’arbitre principal. Mais sa sélection pour le grand rendez-vous continental fait déjà d’elle un exemple, une figure du football européen à la notoriété grandissante.
« J’ai pris en compte le fait que ma présence serait toujours un évènement », raconte-t-elle. « Dans la rue, on m’interpelle assez souvent, mais c’est toujours bienveillant. Les gens veulent une photo ou un autographe, mais je réponds toujours de manière cordiale. »
« Susciter des vocations »
Ne voyant aucune « différence entre un homme et une femme », Frappart se félicitait que la Fédération n’ait pas adapté ses contrôles de rentrée aux femmes pour le stage de reprise à Clairefontaine. Il faut passer « les mêmes tests physiques que les garçons », car « les joueurs ne vont pas moins vite quand j’arbitre, donc les exigences ne doivent pas être moindres », relevait-elle.
Ancienne joueuse de l’AS Herblay en région parisienne, Stéphanie Frappart arbitre depuis ses 13 ans. Elle a écumé les stades de deuxième division française durant cinq saisons avant d’être promue à l’été 2019 en Ligue 1, ce qu’aucune autre arbitre principale n’avait réussi à faire jusque-là.
Si elle n’est pas la toute première, elle figure parmi les pionnières, comme la Suissesse Nicole Petignat, première femme à officier en Coupe de l’UEFA en 2003, ou l’Allemande Bibiana Steinhaus, première arbitre femme dans un grand championnat européen.
Ces pionnières pourraient donner des idées à d’autres futures arbitres. « Cela fait partie de mon rôle de susciter des vocations. C’est un réel plaisir de montrer que c’est possible. Maintenant, on pourra voir des femmes arbitres à la télé, c’est une fierté », a commenté Stéphanie Frappart.
« Nous comptons 4% de femmes dans l’arbitrage français », rappelle Eric Borghini. « Elle est emblématique, elle peut faire rêver une jeune qui veut faire de l’arbitrage », conclut-il.
LQ/AFP