La réforme des allocations familiales veut se donner les moyens de contrôler qui a effectivement droit ou pas de les toucher. La cour jugera si la discrimination persiste.
Les enfants du conjoint ou partenaire du travailleur employé au Luxembourg résidant à l’étranger n’ont pas le droit aux allocations familiales, même s’ils demeurent dans le ménage du travailleur ou si celui-ci pourvoit à leur entretien. C’est ce qu’entendait le ministère de la Famille dans sa réforme de 2016, estimant cette exclusion «logique», puisqu’ils n’ont pas de lien avec le Luxembourg, ni de filiation avec le travailleur.
À l’inverse, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé cette exclusion discriminatoire. Les allocations familiales sont à considérer comme un avantage social et en tant que tel, elles sont attachées au travailleur. Dès lors que celui-ci est employé dans un État membre de l’UE, il doit disposer des mêmes avantages sociaux que les travailleurs résidents et si le travailleur pourvoit à l’entretien des enfants de son conjoint (ou partenaire), les allocations familiales sont dues au même titre pour ces enfants que pour les enfants résidant au Luxembourg.
La ministre de la Famille a donc revu la copie, mais dans la nouvelle version, les enfants n’ayant aucun lien de filiation avec le travailleur sont toujours exclus. Le ministère estimait que si les allocations familiales étaient également payées pour les enfants du conjoint du travailleur qui pourvoit à leur entretien, une inégalité en aurait résulté entre les enfants du travailleur et les enfants résidents au Luxembourg, étant donné que pour ceux-ci la condition de l’entretien ne joue pas.
Comment la Caisse pour l’avenir des enfants (CAE) aurait pu vérifier si cette condition d’entretien est respectée? Difficile, selon le ministère. Si le travailleur pourvoit à l’entretien d’autres enfants résidant dans le ménage, cela aurait encore compliqué les choses.
Il était impossible également d’octroyer ces allocations aux enfants du conjoint sans condition, puisque aucun lien avec le travailleur n’aurait été exigé. Dans des cas extrêmes ces enfants ne résideraient même pas dans l’un des États membres de l’UE, avait d’ailleurs souligné le ministère aux députés en début d’année.
Le LCGB condamne
Donc il ne restait plus qu’une solution, celle de rattacher non plus les allocations à l’enfant mais au travailleur, ce qui permet de respecter l’arrêt en instituant une égalité entre tous les travailleurs. Surtout, cela évite «des droits exorbitants d’enfants qui n’ont aucun lien avec le Luxembourg», comme l’indiquait également la note du ministère à l’attention des députés.
Une phase de transition est prévue pour les personnes qui ne sont pas concernées par les nouvelles dispositions comme les ménages où les deux parents sont étudiants et ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale, les parents fortunés qui ne travaillent pas et les fonctionnaires européens qui sont de toute façon soumis à un régime plus favorable.
Pour le LCGB, cette modification du texte actuel ne répond pas aux exigences de l’arrêt. «Les mêmes enfants qui sont actuellement privés de leur droit aux allocations familiales le resteront toujours», note le syndicat qui s’attend à ce que le Luxembourg se fasse une nouvelle fois recaler par la CJUE. «Le jugement stipule clairement qu’aucun État membre ne peut refuser de verser une allocation familiale pour l’enfant du conjoint d’un salarié frontalier sans lien de filiation avec celui-ci.»
Pour le syndicat, les discriminations sont toujours là. «La réforme envisagée constitue un nouveau coup raté du gouvernement risquant de suivre le mauvais exemple des bourses d’études, qui après plusieurs recours perdus pour discrimination devant les instances européennes, a débouché sur un cadre légal de moins en moins favorable pour toutes les familles», rappelle le LCGB.
Geneviève Montaigu