Pour offrir au public et aux artistes un semblant de normalité, la fête de la Musique reprend ses quartiers dans tout le pays, dès la semaine prochaine. Quitte à sacrifier sa philosophie originelle devant une situation sanitaire toujours délicate.
Fallait-il y aller ou pas ? Déposer les armes face à un virus coriace ou lutter ? Imaginer, encore, un format hybride, comme l’année dernière, avec des festivités concentrées sur une petite journée et principalement sur les ondes ? Longtemps, ces questions se sont bousculées dans la tête des organisateurs de la fête de la Musique qui, depuis avril, cherchent ensemble à trouver une parade qui fait sens. Celle-ci, encore aujourd’hui, se dessine doucement, dans une flexibilité accrue imposée par l’évolution de la situation sanitaire et son corollaire, les annonces gouvernementales.
D’ailleurs, du nord au sud, d’est en ouest, toutes les localités participantes (37 cette année) le disent d’une même voix, fédératrice : «C’est du work in progress !». Une formule facile qui cache une réalité bien plus complexe, surtout pour un évènement devenu tentaculaire au fil du temps, avec plus de 50 000 spectateurs et des concerts qui se nichent partout, des scènes officielles à celles improvisées. «Franchement, ce n’est pas du gâteau !», souffle ainsi Séverine Zimmer, sa coordinatrice nationale, fatiguée mais heureuse du dénouement.
Car oui, durant onze jours, dès la semaine prochaine, il y aura bien une fête de la Musique au Luxembourg, qui s’étalera de Schengen à Clervaux, d’Echternach à Habscht. Évidemment, «on ne pourra pas mettre 10 000 personnes au même endroit», poursuit-elle, avouant avoir opté, sans «avoir eu vraiment le choix», pour un format plus «Covid friendly». «On a longtemps hésité, mais il fallait le faire, ne pas se laisser mourir, ne serait-ce que pour soutenir la scène musicale» du pays et ses acteurs, condamnés au silence ou aux ersatz numériques «depuis de trop longs mois».
On est loin de la philosophie d’origine. Aujourd’hui, la spontanéité n’a plus sa place
«Reconnectez-vous aux décibels réels !» : tel est le message véhiculé cette année par la manifestation qui, au vu de la crise secouant la société toute entière depuis mars 2020, «est plus importante que les autres années». Oui, sa tenue était nécessaire, quitte à réduire le nombre de concerts (136 contre 450 en 2019). Quitte, également, à jouer au contorsionniste pour s’adapter à toutes les mesures exigées, «afin de ne pas avoir de mauvaises surprises». «C’est trois fois plus de travail pour vingt fois moins de monde ! Mais tout cela a une autre valeur désormais, et si on arrive à satisfaire les gens présents, ce sera un bonheur partagé.»
Derrière le slogan et le sourire, il y a en effet une folle planification, à s’arracher les cheveux, qui ne se fait pas sans l’autorisation des communes concernées, elles-mêmes sous le contrôle, évidemment, du ministère de la Santé qui valide ou non «les propositions». Quatre personnes y sont même détachées pour plancher sur tous les projets musicaux à venir cet été. Mais comme avec la pandémie, la vérité d’un jour n’est pas forcément celle du lendemain, il faut sans cesse s’adapter. En tout cas, quand c’est encore possible. «Un festival ne s’organise pas en une semaine !», martèle John Rech, même s’il reconnaît qu’«à l’heure actuelle, tous les concerts ne sont pas encore intégrés dans la programmation» et qu’il va falloir, ces prochains jours, garder un œil attentif sur les réseaux sociaux.
Lui qui aura le «privilège» de pouvoir accueillir 500 personnes du côté du château d’eau de Dudelange – en raison d’une bonne «connaissance du site» déjà testée l’été dernier à travers onze manifestations – attend d’autres réponses de la part du gouvernement, notamment celle de pouvoir (ou non) servir de la nourriture et des boissons au public. «On en saura plus la semaine prochaine», la loi devant en effet être votée dans quelques jours à la Chambre des députés. Les autres participants, dans la même incertitude, ont déjà posé le cadre de leur rendez-vous : soit 150 personnes par concert, assises et à deux mètres de distance – avec des groupes de quatre au maximum.
Quant aux prochaines règles qui doivent entrer en vigueur le 13 juin – la levée du couvre-feu, le «Covid Check»… – tout cela est trop neuf pour se les approprier. «On ne pouvait pas tout remettre en cause et reconstruire un nouveau festival», explique Séverine Zimmer. Il faudra donc conserver, en attendant mieux, les nouveaux réflexes, à savoir ne pas rentrer trop tard et, avant cela, s’inscrire en ligne, ce qui, avouons-le, rompt le charme de ce que doit être une Fête de la musique digne de ce nom : quelque chose de vivant et d’un peu chaotique.
«Ça, c’était dans le monde d’avant !, rigole la coordinatrice, qui retrouve vite son sérieux. Oui, on est loin de la philosophie d’origine. Mais, et c’est triste, aujourd’hui, la spontanéité n’a plus sa place.» Finalement, pour célébrer une musique pour tous, et par tous, l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), nouvelle venue dans l’aventure, a trouvé une solution : un minibus décapotable ambulant pour aller à la rencontre des gens. «S’ils ne vont pas à la musique, la musique ira à eux !», lâche sa représentante. Et à défaut, il y a aura toujours la radio, partenaire de choix depuis la dernière édition sur les ondes. «Oui, cette année, c’est un vrai laboratoire à ciel ouvert !», conclut-on du côté de Mamer qui a déjà tout compris des enjeux pour sa première participation.
Grégory Cimatti
Fête la Musique 2021
37 localités participantes
136 concerts gratuits
11 jours de festivités
Du 11 au 21 juin dans tout le pays
fetedelamusique.lu
20 éditions depuis 2001
51 000 spectateurs en 2019
Informations utiles
4 villes sous la loupe
Luxembourg
1 journée de concert : le 18 juin
1 nouveau lieu : le parc Mansfeld
Dudelange
4 jours de concerts : du 17 au 20 juin
12 groupes sur 3 jours et 1 seule scène
Echternach
1 journée de concerts : le 20 juin
Des «annexes» comme des blind-tests, karaokés
Ettelbruck
1 journée de concerts : le 19 juin
Une «Biergerbühn» au nouveau centre Hariko
2 nouveaux participants
Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI)
Commune de Mamer (du 18 au 20 juin)
1 gros évènement
L’École de musique de l’Union du Grand-Duc-Adolphe (UGDA) organise un flashmob géant, «Smile is contagious », qui se déroulera le 20 juin en simultané dans 28 communes du Grand-Duché
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