En 2015, Édouard Mendy pointait à Pôle Emploi au Havre, désespérant de trouver un club professionnel. Six ans plus tard, et même si une blessure aux côtes laisse planer le doute sur sa participation, le voilà en finale de Ligue des champions avec Chelsea.
Le gardien international sénégalais, qui a gardé ses cages inviolées à 24 reprises cette saison, a changé de dimension, au point d’être invité à Porto samedi pour la finale de C1 contre Manchester City (21h). C’est le couronnement d’un parcours semé d’embûches pour le portier de 29 ans, qui avait pourtant connu des débuts prometteurs. Né près du Havre, il a capté ses premiers ballons vers l’âge de 10 ans dans son quartier et a rapidement été repéré par le HAC.
« Il avait une certaine dextérité, de l’explosivité, une morphologie qui lui permettait d’avoir une certaine présence dans le but mais aussi dans l’attitude, même si c’est un garçon discret », se souvient Michel Courel, entraîneur des gardiens de l’Académie du HAC. « Il était très appliqué et très sérieux, c’était un gamin très motivé », ajoute-t-il.
Mais il n’est pas le seul gardien doué au centre de formation, et le HAC choisit de miser sur Zacharie Boucher, qui a joué ensuite à Toulouse ou Auxerre et évolue désormais à Salonique (Grèce). Mendy poursuit alors aux Municipaux du Havre, un club amateur partenaire du HAC. Là, le gardien longiligne progresse à vue d’œil. « C’était un véritable moteur dans un groupe. Quand il prenait la parole, il était respecté, écouté », raconte Jean-Michel Naze, président des Municipaux.
En rade
A 19 ans, il rejoint Cherbourg, en National, et fait vite l’unanimité autour de lui, se souvient le président, Gérard Gohel. Mais après trois ans, le club est relégué et Mendy choisit de partir. Des agents lui promettent des essais dans des clubs de Ligue 1 ou à l’étranger, avant de le laisser en rade.
C’est l’automne 2014, il a 22 ans, un bac pro commercial en poche et des espoirs brisés. Mais il retourne s’entraîner avec Michel Courel et la réserve du HAC. « C’est un gros bosseur, il a pensé d’abord à travailler, à rester en forme », raconte l’entraîneur. Les mois passent et rien ne bouge, l’envie de tout laisser tomber le prend souvent. Sur les conseils de sa mère, il s’inscrit à Pôle Emploi.
Au bout de 9 mois, Marseille l’invite pour un essai et lui propose de devenir gardien n°3 à l’été 2015. Sans approcher de l’équipe pro, il joue 8 matches avec la réserve cette saison-là et progresse en particulier dans son jeu au pied. « C’est un gros compétiteur, un gros travailleur », explique Stéphane Cassard, alors entraîneur des gardiens à l’OM. « Pour un très grand gabarit, il va très vite au niveau des appuis, il va très vite au sol, il a une grande envergure, il prend beaucoup de place dans le but. »
« Sérénité, calme, fermeté, autorité «
Au printemps 2016, son nom parvient aux oreilles de Jean-Pierre Caillot, président de Reims, alors en L2, qui cherche un 2e gardien. « Je lui ai dit : Prends-le comme n°2, ça sera ton n°1 », assure Gérard Gohel.
A l’âge de 24 ans, Édouard Mendy signe donc enfin son premier contrat pro. L’année suivante, il devient le gardien n°1 et monte en L1 avec Reims. En 2019, il arrive à Rennes et en août 2020, il est transféré à Chelsea, pour plus de 24 millions d’euros, un record pour un gardien de L1.
De quoi ravir ceux qui l’ont vu grandir. « Je prends beaucoup de plaisir à le voir jouer, c’est un beau gardien : sérénité, calme, fermeté, autorité et en même temps un grosse assurance. Il dégage une énorme force », salue Michel Courel.
D’autant qu’il continue de garder le contact et de rendre visite à l’occasion en Normandie. Et que tous ses anciens clubs se sont partagé 5% du montant du transfert au titre de l’indemnité de formation. Une source de revenus classique pour le HAC ou Cherbourg, une manne tombée du ciel pour les Municipaux, qui vont toucher au total plus de 400 000 euros, soit trois fois le budget annuel du club. « C’est la surprise d’Édouard », se réjouit Jean-Michel Naze.
LQ/AFP