Jugé pour avoir été violent envers ses deux enfants et son épouse en 2016, un père comparaissait mardi matin à la barre. On parle de fessées, claques, coups de pied… mais aussi de menaces de mort.
«Je t’arrache la tête et les yeux avec.» Dans les dépositions de la mère et des deux enfants à la police, il y avait du lourd. La section protection de la jeunesse était intervenue en avril 2016 à la suite de l’expulsion du père du domicile.
Ce n’est pas la première fois que cette affaire se retrouve entre les mains des juges. Absent lors de son procès début 2020, le père avait été condamné à 30 mois de prison ferme et une amende de 1 500 euros. Une condamnation que le quadragénaire conteste aujourd’hui.
«Quand j’ai reçu l’invitation à l’époque, j’étais parti en vacances», expliquait-il, mardi matin, à la barre de la 13e chambre correctionnelle. Le jugement rendu le 5 mars 2020, il l’a bien reçu ensuite par la poste. C’était en plein confinement, quand il était à la maison. «C’était un choc pour moi!»
«Je suis déjà dans une autre galère pour le droit de visite de mes enfants», poursuit le prévenu de 43 ans. Le couple est aujourd’hui divorcé… Mais ce qui intéresse le tribunal remonte à l’époque où il a emménagé avec sa petite famille au Luxembourg en septembre 2015. Le 12 avril 2016, à peine six mois plus tard, la police était appelée à leur domicile.
Des fessées juste en France
La présidente jette un œil dans le dossier : les enfants auraient non seulement encaissé des coups, le père aurait aussi proféré à plusieurs reprises la menace de les «tuer», eux et leur mère, s’ils appelaient la police ou s’il ne pouvait plus les voir. «Est-ce qu’ils sont en vie aujourd’hui?», rétorque le prévenu. La présidente l’interrompt : «Le parquet vous reproche les menaces.»
Le quadragénaire, venu habillé en costume face aux juges, ne cache pas avoir déjà donné des fessés à ses fils. Mais c’était en France, avant leur arrivée au Grand-Duché. Quant au reproche de les avoir tirés par les cheveux, il se défend : «Tenir les cheveux d’un enfant est une manière pour moi qu’il se calme… S’il ne bouge pas, rien ne se passe.»
Et de poursuivre : «Pourquoi tout cela arrive au moment où je demande la séparation? À aucun moment je n’ai été violent.» Il soupçonne un «coup monté» de sa femme grâce auquel elle aurait pu partir tranquillement en Allemagne avec les enfants. Sans oublier le chien.
Il veut devenir policier pour tuer son père…
Pour l’enquêteur, les déclarations des enfants âgés de 5 et 8 ans étaient toutefois plus que marquantes. À l’unisson, les deux frères avaient exprimé, lors de leur audition, la peur que leur père les frappe au moment des devoirs. Et le cadet avait carrément raconté vouloir devenir policier «pour pouvoir tuer son père quand il est grand». Le comportement de l’aîné n’avait pas non plus laissé indifférent le policier. Son arrogance et son comportement vis-à-vis de sa mère laissaient entrevoir une certaine emprise du père.
Dans le cadre de l’enquête, les enfants avaient aussi été emmenés au CHL pour un examen médical. Le fils cadet présentait treize contusions d’environ 2 cm de diamètre sur l’ensemble de son corps. Mais comme à son âge il ne tenait pas en place, on n’avait pas exclu qu’il s’était infligé lui-même une partie des blessures. Une des blessures avait néanmoins pu être qualifiée d’«atypique».
Des enregistrements audio et vidéo de certaines disputes par la mère confirment, selon l’enquêteur, les impressions récoltées au domicile familial. Il ne manquera pas de citer une phrase entendue, prononcée par le père : «I have to slap them because of your fucking education…» Son épouse n’aurait pas correctement éduqué les enfants. «Après le réveil , la télé, toute la journée…», illustrera le père face aux juges.
«Je t’arrache la tête et les yeux avec»
Toujours est-il qu’il conteste haut et fort les violences au domicile après leur emménagement au Luxembourg. La menace – «Je t’arrache la tête et les yeux avec» – qu’il aurait lancée au plus jeune, d’après la mère, ne lui dit rien non plus. «Aucune blessure ne démontre qu’il s’en est pris à son enfant», renchérit son avocat Me Brian Hellinckx. La défense soulève l’absence d’expertise de crédibilité pour voir s’il y a eu suggestion de la part de la mère et plaide l’acquittement. Et le prévenu en voie de se faire naturaliser de dire : «Je considérerais une condamnation comme une grosse injustice de mon pays d’accueil.»
Mais du côté du parquet, un autre son de cloche s’est fait entendre. «Déclarer que les faits se sont juste passés en France n’est pas très crédible.» Et d’ajouter : «Aujourd’hui, il confirme avoir tenu ses enfants par les cheveux.» Pour le parquetier, les 30 mois de prison et l’amende prononcés à l’issue du premier procès sont une peine adéquate. Il ne s’oppose cependant pas à un éventuel aménagement de peine. Dans sa plaidoirie, la défense avait fait remarquer que le prévenu a suivi, les cinq dernières années, 40 séances au service de consultation et d’aide pour auteurs de violence Riicht Eraus.
Prononcé le 6 mai.
Fabienne Armborst