Le surprenant Hostert gagne beaucoup sur le terrain, mais il perd beaucoup en coulisses. Son président, Jacques Wolter, explique l’envers du rêve qui prend forme.
L’US Hostert n’a plus perdu un match de DN depuis le 27 février et un déplacement au Swift (2-0). Depuis, il a enchaîné six victoires et trois nuls, pulvérisant son précédent record de matches sans défaite (sept), qui datait de 2018. Il vient de prendre dix points sur douze possibles contre quatre concurrents à la quatrième place (Wiltz, Differdange, Jeunesse, RFCU) et commence à inquiéter tout le monde. Son président en parle…
Quel sentiment vous anime à la lecture des chiffres des dernières semaines ?
Que voulez-vous que je vous dise ? Cette série devient de plus en plus… En anglais, on dit “spooky” (NDLR : effrayante).
Ça vous fait peur ?
Non, le mot juste, c’est plutôt “incroyable” nous concernant, mais c’est fou de se tirer de la situation qui est la nôtre de manière aussi exceptionnelle. Surtout que ce ne sont pas les derniers contre qui nous avons joué et que la façon dont nous nous en sortons ne ressemble pas à celle des dernières saisons. Henri (NDLR : Bossi, son coach) essaye de jouer plus haut parce qu’il estime qu’il a en main des joueurs qui ont été sous-estimés dans leurs anciens clubs, comme Adler, Zilli, Trani…
Ces derniers temps, il y a une phrase qu’il a souvent répétée, votre coach, c’est qu’il ne comprend pas comment la concurrence parvient à faire aussi peu avec les moyens financiers dont elle dispose. Vous partagez cette analyse piquante ?
Les coaches, c’est toujours la même chose, il leur faut toujours plus de joueurs, et toujours de meilleurs. Nous, on est bloqués, alors on va chercher ceux qui ont envie de se montrer. Plutôt que de leur donner 1 500 ou 2 000 euros, on leur laisse cette opportunité en sachant qu’ils s’exprimeront mieux chez nous qu’ailleurs.
C’est un peu présomptueux, non ?
Si on prend cinq joueurs, on est obligés d’en avoir quatre bons. Deux ou trois, ce n’est pas viable dans notre situation. On ne peut pas se tromper. L’exemple d’Adler : chez nous, il a déjà sorti de meilleurs statistiques en dix matches que sur ses quatre ou cinq dernières saisons réunies. Parce que chez nous, il n’y a pas le corset tactique qu’on lui impose ailleurs. Il a le droit, avec Henri, de rater deux ou trois dribbles. Ailleurs, on le sortirait. Normal : il y a plein d’autres joueurs qui ont énormément de qualités autour et on ne va pas forcer à tout prix pour qu’il joue. Nous, on lui donne l’importance qu’il mérite. Moi, je le connais très bien, je tiens à lui. Ailleurs, il a été sous-estimé et mal employé. Ici, il a de la liberté.
L’Europe, ce n’est pas forcément une aubaine financière
Revenons à votre situation au classement, la quatrième place reste-t-elle un rêve très lointain où commence-t-elle à prendre les contours d’un objectif ?
Ce n’est pas du tout un objectif, c’est un rêve ! Et je leur dis, aux joueurs : faites-nous rêver.
Comme si vous leur demandiez, en même temps, de ne surtout pas donner corps au rêve…
Vous savez, l’Europe, je ne sais pas si c’est le miracle financier qu’on s’imagine. En même temps, je ne peux pas le savoir : je n’ai jamais joué l’Europe (il rit). Mais quand j’entends certains confrères en parler, c’est très incertain, par les temps qui courent. On ne sait pas combien l’Europe versera, on ne sait pas combien de matches on jouera, on ne sait pas s’il ne faudra pas payer un charter, on ne sait pas s’il faudra des chambres individuelles… Non, ce n’est pas forcément une aubaine financière. Ce sont des coûts élevés, ça c’est sûr, et des recettes incertaines. Ce n’est pas forcément la panacée, mais si on y arrive…
Puisqu’on parle d’argent… Hostert faisait partie de ces clubs qui n’étaient pas favorables à ce qu’on poursuive la saison. Au vu de ce que vous faites en ce moment, vous ne devez pas regretter que l’on ait continué, si ?
Ah mais pour des équipes comme nous, ça coûte cher ! Au-delà des risques pour la santé des joueurs, pour les difficultés d’organisation liés aux bénévoles…Moi, j’avais plaidé pour une version raccourcie et d’ailleurs, si vous regardez ce qu’il se passe à Wiltz, on n’est toujours pas sûr de pouvoir aller au bout de la saison et je continue d’autant plus à penser que c’est irresponsable par rapport aux finances des clubs. Cette saison, même si Hostert vit une belle époque, me coûte 5 000 à 6 000 euros par match à domicile et encore, vu nos succès, je pense qu’on aurait plus de public que d’habitude. Mais j’ai calculé le manque à gagner sur les quinze matches à la maison, c’est du 100 000 euros. Plus l’arrêt de deux gros sponsors, c’est du 120 000 euros de moins-value. Cela aurait coûté moins cher de faire des play-offs. Alors oui, on fera peut-être une belle place en fin de saison, mais cela se fera au prix d’un gros effort financier.
Cette saison est belle, mais elle me coûte 5 000 à 6 000 euros par match à domicile !
Vous ironisiez d’ailleurs récemment, sur le fait que toutes ces victoires, c’est aussi des primes de match à verser…
(Il rit) Effectivement. On reçoit des aides ou des rétributions en fonction du classement. C’est une base minimale de 12 000 euros pour le dernier, si je me rappelle bien. Et on doit dépasser les 20 000 euros aux alentours de la cinquième place, mais cela ne couvrira même pas les primes de match pour arriver à cette place !
Il y a aussi une contrepartie humaine à ce genre de série : vos joueurs ne risquent-ils pas d’attirer bien plus l’attention sur eux ?
Ah ça, c’est certain. Cela nous était arrivé à l’issue de la saison 2017/2018, quand nous avions atteint la finale de la Coupe (NDLR : perdue contre le RFCU). Mais cette saison, tous nos joueurs sont sous contrat et nous pourrons les conserver. Et avec quatre bons renforts, pour une fois, on va pouvoir ne pas jouer le maintien, mais plutôt la première partie de saison. Après, vous me direz, pourquoi dépenser plus pour jouer une septième place ? On ne dépensera pas plus. On dépensera même moins. D’ailleurs, je tiens à remercier les joueurs, qui ont accepté de baisser leurs salaires, même si je me demande si ce n’est pas pour ça, maintenant, qu’ils gagnent autant : pour compenser via les primes (il rit) !
Il y a un joueur que vous ne pourrez pas garder et qui, pourtant, a aidé à révolutionner votre façon de jouer cet hiver, c’est Geordan Dupire, votre gardien de but, qui finira forcément la saison prochaine, dans l’un des clubs dans lequel (s’)investit Flavio Becca…
Effectivement. Là, on a eu un coup de chance et on ne pourra pas le garder. Mais il amène un tel calme qu’il permet à la défense de jouer bien plus haut et cela sera un des points importants sur lequel nous axerons notre recrutement, même si Michal (NDLR : Augustyn) revient lentement…
Entretien avec Julien Mollereau