La chanteuse est de retour avec un nouvel album Refaire danser les fleurs, résolument pop, profondément optimiste et non sans rappeler les sonorités d’icônes de la chanson francophone telles que France Gall et Michel Berger.
Auteure, compositrice et interprète, elle est aujourd’hui sa propre productrice. Elle revient pour nous sur ce disque et son besoin de liberté.
Est-ce compliqué de sortir un album en 2021 ?
C’est surtout beaucoup plus de travail. Nous sommes dans une époque difficile pour faire vivre la culture. La préoccupation des gens n’est évidemment pas la nouveauté musicale par exemple. Ces choses nous permettent pourtant de sortir du quotidien, de nous évader, d’autant plus que l’on nous a coupé d’une forme de liberté, et cela sans oublier bien sûr le fait que l’on doit se protéger.
Comment cela a modifié la sortie du disque ?
Il faut réinventer son métier pour tenter de continuer de garder un lien avec le public. Je n’ai par exemple pas pu faire la pré-tournée prévue avant la sortie de l’album. De plus, j’ai pris le pari de devenir productrice de ce disque, cela rajoute des casquettes et ce n’est pas forcément simple de pouvoir tout gérer. En même temps, cela me procure beaucoup de satisfaction.
Le concert que vous avez donné en livestream à la Scala était donc un rendez-vous important ?
Oui et il relevait quelque part de la survie entre guillemets. C’était évidemment pour proposer ces chansons mais aussi pour se donner des rendez-vous, pour avancer et j’ai pris plaisir à retrouver les personnes avec lesquelles je travaille, avoir l’adrénaline et voir les gens chez eux en pyjamas. C’est très satisfaisant de faire du bien au public et cela m’a donné de l’énergie pour les trois prochains mois.
Est-ce que le fait d’être devenue votre propre productrice vous donne un sentiment de liberté plus fort ?
Oui bien sûr. J’ai déjà eu une liberté artistique car en maison de disques, on ne m’a jamais rien imposé, pas de manière directe en tout cas. J’ai parfois pris des décisions sous forme de concessions, car quand on grandit dans un environnement, on en comprend les codes, les règles et on s’y adapte. A la longue, cela aurait pu m’abîmer mais cela n’a pas été le cas.
Quel a été le déclic ?
Quand j’ai senti le risque de devoir rentrer dans un moule, qui correspond davantage aux attentes d’une industrie que du public, je me suis dit que c’était le bon moment pour moi d’essayer de faire vivre ma musique de manière aussi instinctive mais plus artisanale.
Vous avez toujours eu une part de liberté artistique, notamment sur votre album Plus de diva. C’est ancré en vous ?
Je pense que de manière générale, que ce soit pour ce disque ou La Boîte de Pandore ou Méditerranéennes, j’ai toujours eu une forme d’audace dans mon travail. J’ai toujours eu envie de me réinventer, de faire évoluer mes dires, ma musique, même si cela n’a pas toujours été rencontré le succès. On me parle beaucoup de Plus de diva et pour le coup, cet album n’a vraiment pas marché. Le public est passé à côté et c’est assez fou car peut-être que le travail qui restera le plus de moi sera celui qui aura le moins marché.
Certaines sonorités du disque nous plongent dans la pop des années 70/80 et on pense évidemment à Michel Berger, Véronique Sanson… Est-ce conscient ?
Je ne suis pas partie dans l’optique de faire un hommage à cette époque et à ces artistes mythiques. Quand j’ai commencé à écrire ce disque, je voulais faire des chansons mais je ne savais pas ce qu’elles allaient devenir. C’était ma nouvelle vie de chanteuse sans maison de disques. J’avais le besoin d’être rassurée et je me suis baignée dans la musique qui m’a bercée.
Dans le titre d’ouverture, vous évoquez Johnny Hallyday et France Gall. Est-ce que ces artistes avaient selon vous plus de liberté ?
J’avoue que cette chanson est une petite fierté. Ces artistes avaient une place à part dans la société. On pouvait autant les écouter parler de l’actualité, de politique, puis nous divertir. La parole de ces artistes était très écoutée et pouvait faire bouger les choses. Je pense ainsi à Balavoine, Coluche ou encore Renaud. Ils ont été les portes-voix de celles et ceux que l’on entendait pas.
Comment les choses ont évolué sur ce point ?
Il était normal à l’époque que les artistes se positionnent. Aujourd’hui, et je le déplore, c’est totalement différent. On doit se cantonner au rôle d’artiste, on nous accuse sinon de mélanger les genres… On sent que c’est devenu quelque chose de glissant alors qu’avant, la parole était finalement plus libre, ou surtout moins policée, même dans ses excès parfois.
Est-ce que les réseaux sociaux n’ont pas contribué à cette parole presque réglementée ?
Tout à fait. Une parole est très vite sortie de son contexte, devient n’importe quoi et le message se perd dans tout cela. On se rend compte que quand une chose est dite, elle est sortie du contexte ou amplifiée, tout cela pour faire du clic putassier. Nous avons tous donc davantage peur de parler.
Vous avez collaboré avec Barbara Pravi (représentante de la France à l’Eurovision en mai prochain) sur le titre Leçon de moi. Comment l’avez-vous rencontrée ?
Cela fait quelques années que l’on se connaît. Barbara, c’est elle qui un jour a dit à Guillaume, un attaché de presse de Capitol, label dans lequel nous étions toutes les deux, qu’elle adore Julie Zenatti, qu’elle veut me rencontrer, m’écrire des chansons… Guillaume m’en parle, on se prend un café et j’ai tout de suite accroché. Elle est pétillante, cultivée et une vraie vision des gens, de la vie… Je suis vraiment fière d’elle.
Quel regard portez-vous sur la jeune fille que vous étiez en débutant dans Notre Dame-de-Paris ?
De la tendresse car j’étais une ado complexée, qui avait une chance incroyable, mais qui ne s’en rendait pas compte. Je crois que c’est aussi cela qui m’a préservée.
Entretien avec Nikolas Lenoir