Mandy Minella évoque son retour à la compétition au tournoi ITF d’Oeiras au Portugal, quatre mois après la naissance de Maya, sa second fille.
En juin dernier, à l’annonce de votre deuxième grossesse, vous aviez d’ores et déjà assuré que vous reviendriez sur le circuit. Pour quelles raisons?
Mandy Minella : La raison principale de mon retour à la compétition est assez simple : l’an dernier, du jour au lendemain, tout s’est arrêté. J’avais encore envie de faire une saison complète, de faire les Grands Chelems et je n’étais pas prête à m’arrêter comme ça, juste à cause d’un confinement.
Une éventuelle participation aux Jeux olympiques constitue-t-elle une motivation?
J’ai toujours rêvé de participer aux Jeux. Ce serait un grand honneur de pouvoir y être. Après, en tant que joueuse, et c’est un sentiment partagé par beaucoup, les tournois du Grand Chelem restent la priorité. C’est différent d’autres sports dans lesquels une participation olympique représente le Graal. Avant, chaque pays avait le droit à deux représentantes. Cette fois, ça passe à quatre. Du coup, il faut être dans le top 56 mondial, ce qui est très dur. Avec un peu de chances, et l’un ou l’autre forfait, 60e ou 62e ça peut passer. En 2012, j’étais 70 ou 68 et je l’ai raté de peu. Là, je reprends seulement la compétition et je ne vais pas gagner de gros tournois durant cette période, ça va donc être très difficile de se qualifier.
Juste le fait d’être à la maison, de profiter de la famille, d’entrer dans une forme de routine, pour nous ça a été une chance de pouvoir goûter à ça
Au-delà des JO, la crise sanitaire a modifié vos plans. Comment l’avez-vous vécue alors que vous étiez enceinte. Avez-vous vécu différemment cette grossesse de la première et si oui par quels aspects?
Ça s’est plutôt bien passé pour nous. Très vite, on se doutait que le confinement allait durer, que tous les tournois allaient être annulés. Comme on voulait avoir un deuxième enfant, on s’est dit qu’on allait tenter le coup et ça a bien marché pour nous (rires). Maya est arrivée, on a déménagé et, finalement, on a eu une vie normale. Enfin, à peu près normale. Mais juste le fait d’être à la maison, de profiter de la famille, d’entrer dans une forme de routine, pour nous ça a été une chance de pouvoir goûter à ça.
Ce retour à la compétition intervient seulement quatre mois après la naissance de Maya. Physiquement, vous sentez-vous prête?
Non, pas encore. Mais c’est normal et je le sais. Mais la condition physique revient aussi par le biais de la compétition donc je prends ces tournois comme de l’entraînement. Pour me pousser physiquement et retrouver le rythme de la compétition. Sur ce premier tournoi, je vais aussi jouer en double. Ça va être donc assez dur, car je me suis entraînée en indoor jusqu’à présent et là, c’est de la terre battue. Mon niveau tennis est bon, mais physiquement, il y a encore du boulot.
Comment s’est déroulé votre retour à l’entraînement?
Ce fut plus dur que la première fois. Faut dire que je suis un peu plus vieille, que j’ai allaité au début et mon corps avait du mal à s’adapter. J’avais des douleurs. Ensuite, j’ai eu un gros, gros rhume qui m’a arrêtée pendant quasiment trois semaines. Pendant les deux premières, je ne pouvais vraiment rien faire, donc ça ne m’a pas fait avancer. Je ne suis donc pas aussi prête que je l’aurais voulu, mais je reste confiante. Ça va venir dans les prochaines semaines.
Après la naissance d’Emma Lina, vous aviez déclaré qu’être maman vous donnait une force incroyable. L’arrivée de Maya va-t-elle doubler cette force?
C’est vrai qu’après la naissance d’Emma, j’étais tellement euphorique! J’adorais le fait d’être maman. Et puis, dans les tournois, même si je perdais, il me suffisait de regarder ma fille pour être heureuse. Je suis reconnaissante d’avoir ma famille. Je suis tellement épanouie dans ma vie que d’éventuels résultats négatifs n’auront plus le même impact sur moi.
En 2016, vous remportez votre premier tournoi WTA à Bol. Un an plus tard, vous aviez songé à arrêter votre carrière pour fonder une famille. À 35 ans et 2 enfants, vous continuez…
En fait, je voulais déjà m’arrêter en 2016 pour fonder une famille. Et puis, je gagne Bol, me qualifie pour le 2e tour à Wimbledon, je me qualifie pour l’US Open et je gagne un gros tournoi à Albuquerque (NDLR : ITF/75 000 dollars). C’était l’une de mes meilleures saisons. En mars 2017, je tombe enceinte. C’était une surprise. Et à mon retour, j’avais fait une très bonne saison.
La perspective de raccrocher définitivement est-elle angoissante?
Oui. Bien sûr, j’ai eu des périodes dans ma carrière où devoir m’arrêter m’angoissait car j’ai peur de ne pas retrouver un job qui me passionne autant que le tennis. J’adore ce que je fais, suis heureuse de travailler si on peut dire ça comme ça. Je sais que je ne me retrouverai pas sans rien, mais est-ce que je retrouverai quelque chose qui me passionnera autant? Le fait d’arrêter le tennis non. J’ai arrêté pendant un an et ça m’a vraiment fait du bien. C’est fou comme ça s’oublie vite. Je pense qu’il faut rester positif, profiter du moment présent et se donner de nouveaux challenges. Après, tant que je suis fit et que les petites jeunes ne me battent pas, pourquoi m’arrêter (elle rit)?
Justement, au classement WTA, seules sept joueuses de 35 ans ou plus vous devancent dans la hiérarchie mondiale. Que cela vous inspire-t-il?
Ah oui, c’est intéressant… J’ai 35 ans, mais je me sens bien plus jeune. Physiquement, j’ai encore de bonnes qualités. J’ai une très bonne hygiène. Et je pense qu’à l’avenir, les filles qui ont une bonne condition physique pourront durer plus longtemps sur le circuit. Avec les prize money qui ne cessent d’augmenter, ça vaut vraiment la peine de continuer sur le circuit. Avant, ce n’était pas le cas et voyager toute l’année avec la petite famille sur le circuit pour qu’au final, tu perdes plus que tu gagnes, ça ne valait pas le coup. Aujourd’hui, c’est différent.
Vous disposez d’un classement protégé pour huit tournois. Avez-vous déjà établi une liste de ceux auxquels vous aimeriez prendre part et si oui lesquels?
J’ai eu de la chance car, normalement, quand tu t’arrêtes parce que tu es enceinte, tu n’as pas de classement protégé mais à cause du corona, la WTA en a établi un. Du coup, je suis toujours 187e. Ce qui veut dire que, normalement, je pourrai jouer tous les tournois du Grand Chelem. Avec le Covid-19, ça va être dur d’aller sur certains d’entre eux. Notamment les WTA. C’est tellement strict sur le plan sanitaire (il faut arriver trois jours avant, se faire tester, rester en quarantaine dans la chambre…) qu’avec les enfants, ça va être compliqué. Je n’ai pas envie de leur imposer ça. Du coup, pour l’heure, on va rester sur les ITF, c’est moins strict.
Justement, comment allez-vous vous organiser avec les enfants?
On va essayer de les prendre le plus possible. Emma, si elle veut, pourra rester chez mamie. Mais je pense qu’on va essayer de voyager tous ensemble. Sinon, pour Roland-Garros par exemple, si c’est vraiment trop strict, j’irai seule et papa (NDLR : Tim Sommer) restera avec les enfants.
Comment s’est effectué ce déplacement à Oeiras?
On a eu un vol direct jusqu’à Lisbonne, puis on a loué une voiture pour rejoindre la maison qu’on a réservée et où l’on restera durant deux semaines.
Quelle est votre position vis-à-vis des vaccins?
J’ai envie de me faire vacciner, alors j’attends mon tour.
Récemment, dans une interview accordée à Tennis Legend, vous disiez ne plus avoir de sponsor vestimentaire et que vous aviez envie de porter des tenues à votre goût. Avez-vous déjà songé à créer votre propre ligne de vêtements?
Ce serait un projet qui me plairait mais avec les enfants, je n’aurai pas le temps de me jeter dans un tel projet. Après, concernant cette histoire de sponsor, si je n’ai pas un contrat bien payé ou des habits qui me plaisent, je ne vois pas pourquoi je devrais faire de la pub à une marque qui ne me plaît pas forcément.
Entretien avec Charles Michel
* Serena Williams (USA/8e), Su-Wei Hsieh (TAI/62e), Kaia Kanepi (EST/64e), Venus Williams (USA/90e), Vera Zvonareva (RUS/114), Samantha Stosur (AUS/124), Shuai Peng (CHN/131).