Le parc naturel de la Haute-Sûre collecte des jeans dans le cadre de son projet itinérant H2Only de sensibilisation à l’utilisation de l’eau. L’industrie textile en est un des plus grands consommateurs.
L’industrie de la mode émet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. Un bilan édifiant qui concerne tout le monde. Sans compter que 4 % de l’eau potable disponible dans le monde sont utilisés pour produire des vêtements. Un jean consomme à lui tout seul de 7 000 à 11 000 litres d’eau pour sa fabrication. Avec plus de deux milliards de paires vendues chaque année, le jean est le vêtement le plus porté dans le monde, mais aussi un des produits les plus polluants.
Le parc naturel de la Haute-Sûre l’a choisi pour sensibiliser le public à la ressource naturelle qu’est l’eau. Avec l’association Benu Village, le parc naturel a développé «H2Only», un projet autour d’un lieu de rencontre itinérant qui circulera entre Esch-sur-Sûre et Esch-sur-Alzette dans le cadre de l’année culturelle Esch 2022. «Notre siège se trouve dans l’ancienne draperie à Esch-sur-Sûre. Nous voulions en ce sens remettre un projet pour Esch 2022 sur le thème du textile. Nous avons d’abord pensé à la laine. Au fil de nos réflexions avec Benu Village, nous revenions sans cesse à l’eau. Nous avons donc décidé de réunir les thématiques de l’eau et du textile», explique Christine Lutgen, directrice du parc naturel de la Haute-Sûre, avant d’indiquer que le but du projet est d’amener le public à s’interroger sur sa consommation d’eau au quotidien ainsi que sur sa manière de consommer des vêtements. «Est-ce que si mon jean est abîmé, j’ai besoin de m’en acheter un neuf? Est-ce que je ne peux pas le réparer? Est-ce que je dois en avoir plusieurs?», interroge Christine Lutgen.
Pour sensibiliser à la question de la consommation d’eau et rassembler, quoi de mieux qu’un comptoir? Les deux partenaires articulent le projet autour d’une baraque foraine qui va, à terme, être entièrement recouverte de jean, de même que les meubles et la décoration. D’où un premier aspect du projet : la collecte de jeans usés. «Uniquement de couleur bleue et pas en stretch», précise Christine Lutgen. Pantalons, blousons ou encore chemises peuvent être déposés à différents points de collecte. «On en a un bureau plein, lance la directrice, mais il nous en faut encore plus.»
Ces vêtements en jean seront découpés, rafistolés et rassemblés dans le cadre d’ateliers organisés au fil de l’eau entre le mois de mai 2021 et août 2022. La baraque fera étape dans différentes localités comme Ettelbruck, Mersch, Luxembourg et Esch-sur-Alzette, ainsi que dans les communes du parc naturel, à commencer les 9 et 10 mai prochains par la Waasserfest, la fête de l’eau, à Esch-sur-Sûre. À chacune de ces étapes, dont toutes ne sont pas encore fixées, des ateliers autour de l’eau et du textile seront organisés. Les housses pour la baraque et les meubles, ainsi que la création de poufs, seront réalisés lors d’ateliers de couture. «La décoration de la baraque et des meubles sera terminée quand nous arriverons à Esch-sur-Alzette, espère Christine Lutgen. Chaque personne qui aura participé aux ateliers aura, à sa manière, été une partie de cette année européenne de la culture. Les personnes qui ne savent pas coudre pourront découper les pièces en jean ou dessiner les menus du bar.»
Des dégustations
d’eau à l’aveugle
Outre ces ateliers de surcyclage, le projet H2Only comportera également une quinzaine de petits ateliers de quelques heures autour de la couture et de l’eau dans le cadre d’événements existants, dans les localités qui accueilleront le bar. Ainsi, des dégustations d’eau à l’aveugle seront organisées «pour voir si les participants reconnaissent leur propre eau du robinet» et leur faire réaliser qu’elle peut parfaitement être consommée quotidiennement. «Soixante-dix pour cent de l’eau potable consommée au Luxembourg est issue du lac du barrage de la Haute-Sûre, rappelle la directrice du parc naturel. Il est donc impératif que cette eau reste propre pour conserver le niveau de qualité que nous connaissons au Luxembourg. L’eau du robinet y est plus contrôlée que l’eau en bouteille.»
L’eau est une ressource qu’il faut protéger. De la Sûre à la source de l’Alzette à Thil en France, des actions de nettoyage de cours d’eau en kayak ou à pied en mode plogging vont être organisées. Les déchets collectés serviront à la création d’une sorte de mémorial qui marquera l’entrée du bar. Des conférences sur le vocabulaire du textile ou le rôle du travail à la main et des ciné-débats sur l’industrie textile, ainsi que des ateliers de récits de contes et légendes autour du textile seront également organisés. Le contenu du projet est amené à évoluer en fonction de la crise sanitaire. Toutes les informations sur le projet H2Only et son contenu figurent sur le site internet h2only.lu. Les personnes désirant participer à un des ateliers peuvent s’inscrire auprès du parc naturel de la Haute-Sûre qui les placera sur liste d’attente. «Pour le moment, nous ne pouvons accepter plus de dix personnes par atelier», explique Christine Lutgen. Public, associations, classes scolaires, le projet est ouvert à tous.
Le parc naturel de la Haute-Sûre et Benu Village, qui ambitionne de construire le premier village écologique au Luxembourg à Esch-sur-Alzette, seront heureux de partager des idées autour d’un verre d’eau, d’un thé ou d’une glace à l’eau bien calés dans un pouf en jean recyclé. À l’issue de son parcours le long de l’eau, le bar participera aux cinq nuits de la culture organisées dans le cadre d’Esch 2022 et il se pourrait même qu’il reste un peu dans le sud du pays avant de revenir au parc naturel.
Sophie Kieffer
Du champ de coton à notre dressing
Avant même d’être porté, le jean moyen a déjà parcouru 65 000 kilomètres, soit un peu plus d’une fois et demie le tour de la Terre, et présente donc un bilan carbone déplorable. La vie du jean débute en Inde, pays où est cultivé sa matière première : le coton. Ce dernier est ensuite envoyé au Pakistan pour être tissé, selon le journaliste Jamy Gourmaud pour le média en ligne Brut. La toile est fabriquée en Chine. Les usines chinoises produisent l’équivalent de 800 000 jeans par jour à grands renforts de pétrole, de solvants, de détergents et de litres d’eau qui filent dans les nappes phréatiques. Le jean poursuit ensuite sa route vers la Tunisie où sont ajoutés boutons, fermetures éclair et divers rivets fabriqués en Australie, au Japon ainsi qu’en République démocratique du Congo. Le jean est presque prêt à être porté. Reste l’étape finale du sablage qui est effectuée au Bangladesh. De là, les jeans sont envoyés dans les boutiques partout dans le monde.
Le jean n’est pas le seul vêtement à présenter un bilan écologique déplorable, mais c’est le champion. La production d’un t-shirt nécessite l’équivalent de 70 douches, celle d’un jean en nécessite quatre fois plus.
Avant même d’être porté, le jean moyen a déjà parcouru 65 000 kilomètres, soit un peu plus d’une fois et demie le tour de la Terre, et présente donc un bilan carbone déplorable. La vie du jean débute en Inde, pays où est cultivé sa matière première : le coton. Ce dernier est ensuite envoyé au Pakistan pour être tissé, selon le journaliste Jamy Gourmaud pour le média en ligne Brut. La toile est fabriquée en Chine. Les usines chinoises produisent l’équivalent de 800 000 jeans par jour à grands renforts de pétrole, de solvants, de détergents et de litres d’eau qui filent dans les nappes phréatiques. Le jean poursuit ensuite sa route vers la Tunisie où sont ajoutés boutons, fermetures éclair et divers rivets fabriqués en Australie, au Japon ainsi qu’en République démocratique du Congo. Le jean est presque prêt à être porté. Reste l’étape finale du sablage qui est effectuée au Bangladesh. De là, les jeans sont envoyés dans les boutiques partout dans le monde.
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