Avant, il fallait poser l’appareil sur un muret, un rocher, une chaise peu importe, pourvu que la base soit stable. Pas de perche à selfie, mais le déclencheur automatique qui laissait le temps d’aller poser en face de l’objectif, seul, à deux ou en groupe. C’était sympa, la photo atterrissait dans un album qui avait vocation à grossir la rangée qu’il fallait leur réserver dans la bibliothèque.
Fini tout ça. Aujourd’hui, les vacances, ça se partage sur la toile et le déferlement de selfies (egoportraits disent les Québécois) donne des idées aux services de marketing qui s’emparent de cette réalité virtuelle pour en exploiter toutes les ressources. Ainsi, la Banque et Caisse d’épargne de l’État lance un concours durant l’été.
Le jeu consiste à poster votre meilleur selfie de vacances, de le partager et de voter et vous pouvez gagner un smartphone dernière génération «caché dans une des dix valises mises en jeu», précise le fonctionnement du concours. Bon, ce n’est pas bien méchant. En apparence. Bien sûr, ça agace ceux qui sont saturés de toutes ces invitations à voter pour le selfie du copain ou de la voisine. Bon, les plus beaux paysages auraient fait l’affaire aussi en permettant de faire voyager ceux qui sont contraints de les voir défiler sur les réseaux sociaux.
Ceux qui font l’effort de jouer le jeu n’ont qu’à cliquer sur un joli cœur pour avoir le sentiment d’avoir fait une bonne action. Mais c’est alors que les choses deviennent compliquées. La banque indique, dans un message, qu’elle aura accès aux informations suivantes vous concernant : profil public Facebook, liste d’amis et adresse électronique.
Gros soupir. Oui, elle offre le choix d’interdire certains accès mais pas tous. Impossible de voter sans livrer des informations en échange. C’est futé et pas cher pour obtenir une banque de données avec le consentement des intéressés sans pour autant vouloir insinuer que le jeu vise cet objectif en premier lieu.
Non, c’est l’été, c’est léger, c’est frais, c’est le progrès. Mais c’est futé.
Geneviève Montaigu (gmontaigu@lequotidien.lu)