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La Rédaction a lu « Soumission », le dernier Houellebecq


La parution, en début d’année, du nouveau roman de Michel Houellebecq est comme un aveu, une confession.

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« Soumission », un roman controversé qui propulse son héros en 2022 dans une France dirigée par un parti musulman. (Photos : AFP)

Récompensé par le Goncourt en 2010 pour son précédent livre, La Carte et le territoire, l’écrivain ne court plus après les prix littéraires. Il a remporté celui qu’il voulait. Dans sa forme, Soumission est sans doute son moins bon roman. Le style, toujours aiguisé et fluide, laisse peu de place aux longues phrases ciselées lues dans Les Particules élémentaires ou La Carte et le territoire. On se rapproche ici davantage de son premier roman, Extension du domaine de la lutte, par l’expression directe et synthétique de la vie du narrateur. Comme si l’urgence gagnait à nouveau un auteur qui hésite entre roman et essai d’anticipation. Mais il parvient à réconcilier les deux styles.

Une nouvelle fois, Michel Houellebecq démontre sa capacité à se projeter dans un futur proche, plausible. La réalité qu’il décrit est à ce point crédible qu’elle en devient glaçante. Les hommes et femmes politiques français vont sans doute longtemps méditer les scénarios développés dans Soumission avant de se présenter devant le suffrage universel en 2017 ou 2022.

La réussite de ce livre, comme des précédents Houellebecq, est de plonger le lecteur dans un monde qu’il connaît, dont il croit maîtriser la linéarité, pour le faire basculer petit à petit jusqu’à lui faire perdre tout repère. Le mysticisme hésitant de François, le héros coincé entre Nietzsche et Dieu, est illustré par sa passion pour Joris-Karl Huysmans. Il marche dans ses pas dans l’espoir d’une révélation qui ne viendra pas.

En filigrane, derrière les hésitations du héros, son cynisme comme mode de (sur)vie, Houellebecq dépeint la chute de la civilisation. C’est brutal et sans espoir aucun. Noir mais drôle. Les amateurs s’y retrouveront, les autres goûteront du poison ou changeront de trottoir.

En refermant le livre, les connaisseurs sauront mettre en perspective ce Soumission, apprécieront la cohérence de l’œuvre de Michel Houellebecq. Depuis vingt ans, il a assemblé un ensemble littéraire d’une homogénéité et d’une consistance rares. Sans dévier de la voie qu’il a tracée, il est sans doute le grand auteur français de ce début de XXIe siècle.

François, le héros de Soumission, travaille à l’édition de Karl-Joris Huysmans dans La Pléiade. Comme un appel du pied de Michel Houellebecq à sa propre immortalité d’écrivain. Elle serait méritée.

De notre rédacteur en chef adjoint Christophe Chohin

 

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