Star du foot européen et adversaire des Bleus, mercredi à Sarajevo, Miralem Pjanic reste le « petit prince » de Rainci, bourgade du nord-est de la Bosnie qu’il a quittée très tôt pour le Luxembourg, puis Metz, où le talent de ce « compétiteur » au grand cœur a éclos.
« Connaissez-vous des proches de Miralem Pjanic? » À cette question, posée dans la cour de la mosquée de Rainci (municipalité de Kalesija), quelques fidèles, pour la plupart des hommes âgés, répondent dans un sourire qu’il sera là pour la prière de l’après-midi.
La voilà en effet qui apparaît plus tard devant la mosquée blanche dominant la bourgade de 4.000 âmes, à 120 kilomètres de Sarajevo. Il est brun, mince et porte une barbe, mais c’est un cousin du milieu de terrain du FC Barcelone, connu pour être l’imam de la mosquée.
« À ce que je sache, on lui a donné ce prénom d’après moi », dit l’homme de 41 ans, dix de plus que la pépite bosnienne qui va fêter son 31e anniversaire le 2 avril. « Miralem est une fierté pour nous tous. Mais c’est surtout un grand honneur d’avoir dans la famille quelqu’un comme lui, une star internationale », dit-il.
« Pas du tout vaniteux »
Né en 1990, « Mire », comme les villageois l’appellent, a vécu moins de deux ans ici, avant d’émigrer au Luxembourg pour suivre son père footballeur, peu avant le début d’un conflit intercommunautaire qui allait faire 100 000 morts entre avril 1992 et décembre 1995 en Bosnie.
L’ancien joueur de Lyon, l’AS Rome et la Juventus, qui devrait honorer mercredi face aux champions du monde français sa 100e sélection avec les « Dragons », n’est pourtant pas un inconnu dans le village de sa mère Fatima et son père Fahrudin. C’est par ce dernier qu’il fait régulièrement remettre des ballons, des équipements et des maillots à l’équipe locale, composée de 70 garçons et gérée par son cousin l’imam. Il repasse parfois sur les terres de sa jeunesse, dans les bons et les mauvais moments.
C’était le cas pour l’hommage rendu à son grand-père maternel, Muhamed Pozegic, décédé en janvier 2020. Des médias avaient publié des photos de lui en larmes durant l’enterrement. Fier du « Petit Prince », Muhamed invitait des voisins pour regarder chez lui quasiment chaque match de la sélection, dit un voisin proche de la famille.
C’est lors de cette cérémonie qu’un autre villageois, Alija Mesic, l’a vu pour la dernière fois. « C’est un garçon vraiment humble. Il n’est pas du tout vaniteux, n’a pas la grosse tête. Il tient à sa tradition, il est attaché à son village, à son pays et c’est pour ça que je le respecte », dit cet homme de 59 ans. « Il ne nous a jamais oubliés, nous, les « petits » qui sommes restés ici », confirme son cousin.
Avant de fêter sa 100e sélection contre la France mercredi, Pjanic a évoqué avec émotion son parcours, en conférence de presse mardi soir. « Je sais d’où je suis parti, où j’ai grandi, ce que j’ai dû parcourir. Je me souviens des milliers de kilomètres en voiture avec mon père pour aller voir mon équipe nationale, j’avais mes idoles devant moi », s’est remémoré le milieu de terrain, avant de dédier sa 100e cape « à (ses) parents, (ses) grands-parents, qui sont ici et doivent être fiers d’avoir quelqu’un qui les représente ».
Un U19 en Ligue 1
À Metz, ville française distante de 1 400 km, les mêmes mots reviennent pour décrire le milieu de terrain repéré à Schifflange par le club grenat, qui l’a formé puis lancé entre 2004 et 2008. À son « talent hors norme » s’ajoutaient « sa personnalité et ses traits de caractère, remplis d’humilité, de gentillesse, de plaisir et de reconnaissance », synthétise Sébastien Muet, ancien responsable de la préformation messine.
Autre dirigeant au FC Metz, Olivier Perrin se souvient aussi d’avoir entraîné un gamin « vraiment doué » et doté d’une « excellente éducation familiale ». « Même s’il était le meilleur joueur, il ne le montrait pas et s’occupait du groupe ».
Une anecdote refait surface. En septembre 2007, Pjanic demande à l’entraîneur de l’équipe première, qui l’a laissé sur le banc des remplaçants à Caen, l’autorisation de jouer le lendemain midi avec les U19 à Gueugnon. « Le samedi soir à 22 h-22 h 30, j’étais au lit et Francis (De Taddeo) m’appelle en me disant : « le gamin veut jouer demain en U19, la réserve ne joue pas, il veut venir avec toi ». Au début, je croyais qu’il se moquait de moi », raconte Perrin.
Après plus de 500 km et 6 heures de route, Pjanic n’avait certes « pas disputé son plus grand match, mais il avait roulé pendant la nuit, se rappelle-t-il. Cette démarche, c’est « Mire ». »
LQ/AFP