Malgré une augmentation de 3,5 % des infractions en 2020, le Luxembourg n’est pas devenu moins sûr. Les vols et cambriolages sont à la baisse, les affaires de coups et blessures restent stables.
Le 11 mars, une image assez noire de la situation sécuritaire a été dressée à la Chambre des députés. «Pas plus tard que samedi, une personne s’est fait agresser en plein jour devant un commerce dans le quartier Gare», s’est indigné Laurent Mosar (CSV). Le député-échevin de la Ville de Luxembourg était venu défendre le très contesté déploiement d’agents de sécurité dans le quartier «chaud» de la capitale. À plusieurs reprises, le manque de présence sur le terrain de la police a été fustigé. «Je pense qu’il n’est pas vraiment souhaité qu’un policier soit posté à tous les coins de rue», est venu rétorquer, vendredi, Donat Donven, le directeur général adjoint de la police grand-ducale. «Nous pouvons toujours ajuster des choses, mais il faut toujours remettre les choses dans leur contexte. Il ne suffit pas d’observer une infraction. La police a la charge de la preuve», ajoute Donat Donven.
En 2020, la police a enregistré un total de 40 134 infractions au code pénal, soit une légère hausse de 3,5 % par rapport à 2019 où 38 773 infractions avaient été signalées. «Plusieurs infractions peuvent être commises dans le cadre d’une seule affaire», précise d’emblée le directeur général adjoint de la police. Un brin plus représentatif de l’année écoulée est donc le nombre de dossiers traités. Les 28 927 affaires comptabilisées en 2020 représentent une baisse de 3,2 % par rapport aux 29 888 affaires datant de 2019. «On peut donc conclure que la délinquance est en baisse», note Donat Donven. Malgré tout, les chiffres présentés vendredi ont surtout une valeur statistique. Le bilan sur la délinquance repose sur les procès-verbaux dressés et les plaintes déposées. «En savoir plus sur le nombre de faits non signalés est compliqué», admet le directeur adjoint.
Deux assassinats, violence
domestique en hausse
Les «infractions contre les personnes» représentent 20,9 % de la totalité des infractions. Même si par rapport à 2019 cela représente une augmentation de 3,8 %, les faits graves sont restés limités en 2020. Deux assassinats ont été commis. Le nombre de coups et blessures volontaires s’établit à 2 829 cas et reste stable par rapport aux années précédentes. «Dans 82,8 % des cas, aucune incapacité de travail n’a été constatée», précise Donat Donven. Les plaintes pour viol (104 cas) et attentats à la pudeur (144) sont également restées stables.
Par contre, le confinement lié à la pandémie de coronavirus a provoqué une hausse de la violence domestique. La police est intervenue à 943 reprises contre 849 interventions en 2019 et 739 en 2018. À 273 reprises, une expulsion du conjoint violent a été décrétée. Une analyse plus détaillée sera présentée dans les semaines à venir par le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
Les «infractions contre les biens» continuent à représenter la majorité de la délinquance au Luxembourg (55,1 %). Les vols à main armée contre des établissements commerciaux sont toutefois restés stables avec 8 cas, dont 6 braquages de commerces (librairie, magasin d’alimentation, bijouterie, etc.) et 2 braquages de stations d’essence. «Depuis une quinzaine d’années, nous n’avons plus eu à faire à un vol à main armée contre une banque ou un transporteur de fonds», fait remarquer Donat Donven. Ces derniers mois, les braquages de distributeurs de billets s’accumulent toutefois.
Record de
vélos volés
Les vols d’objets avec violences (téléphones et autres), sans envergure majeure (573 cas) sont restés stables, tandis que les autres types de vols (vols à l’étalage, vols à la tire, vols domestiques) sont à la baisse (9 384 cas en 2020 contre 10 047 en 2019). Les vols de véhicules ont néanmoins fait un bond à 2 169 cas, dont 1 207 vols d’accessoires dans des voitures, 725 vols de vélos, 230 vols de voitures et 7 cas de carjacking.
«Des étrangers ayant vécu dans de grandes métropoles et qui viennent s’installer au Luxembourg se disent très souvent satisfaits de la situation sécuritaire au Luxembourg. Mais il ne faut également pas être naïf. L’objectif de notre campagne de recrutement est de parvenir à baisser la délinquance et d’assurer, avec les comités de prévention des communes, non seulement une sécurité objective, mais aussi un sentiment de sécurité subjectif», avance Donat Donven, qui espère que les chiffres présentés vendredi permettront de désamorcer la controverse politique sur le degré de sécurité du Grand-Duché.
Les trafiquants de drogue
ciblés de très près
Le quartier Gare de Luxembourg aux mains de bandes de trafiquants nigérians? Oui, mais pas seulement, note Jean-Louis Bordet du département «Criminalité organisée» de la police judiciaire. En toute transparence, l’enquêteur a évoqué le profil des trafiquants de stupéfiants présents dans les «hotspots» du pays : le quartier Gare de Luxembourg et de ses alentours (Bonnevoie, Hollerich, Gasperich), le quartier Gare d’Esch-sur-Alzette et dans une moindre mesure le quartier Gare d’Ettelbruck.
Selon Jean-Louis Bordet, la police se voit confrontée à plusieurs types de trafiquants : des personnes issues de l’Afrique de l’Ouest, dont une majorité de Nigérians, spécialisées dans la vente de cocaïne mais aussi des personnes originaires de Guinée-Bissau, spécialisées dans la vente d’héroïne. «Dans 98 % des cas, il s’agit de demandeurs de protection internationale logés dans des foyers en France, du premier village derrière la frontière jusqu’à Metz. Ils sont entrés dans l’UE par l’Italie ou la Grèce. Arrivés en France, ils reçoivent leur kit de départ avec un téléphone et une vingtaine de boules à vendre. Une fois vendus, ils touchent 100 euros», développe l’enquêteur, qui ajoute «ce ne sont pas des bandes organisées qui affluent au Luxembourg, mais plutôt des mini-entrepreneurs».
Vu la situation sanitaire, il n’est pas possible d’expulser les trafiquants identifiés et condamnés. Il en va de même pour un second groupe de réfugiés issus de l’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc), tournant autour du foyer Abrigado.
Un nouveau phénomène est le trafic de drogues dans la zone transfrontalière entre le Luxembourg, la Belgique et la France. «Tout cela ne facilite pas notre travail», admet Jean-Louis Bordet. Malgré tout, le nombre d’affaires de stupéfiants (détention, trafic, consommation) poursuivies par la police grand-ducale a augmenté en 2020 (4 619 cas). Actuellement, 76 enquêtes sont en cours ayant permis d’identifier 150 auteurs présumés. «La lutte contre le trafic de stupéfiants reste une priorité absolue de la police», souligne Jean-Louis Bordet.
En 2020, 83 kg de marijuana, 3,5 kg de haschisch, 1,1 kg d’héroïne, 10 kg de cocaïne et 40 000 pilules d’ecstasy ont été saisis au Luxembourg.
David Marques
En 2020, 390 cambriolages
ont pu être élucidés
Le confinement, le télétravail, mais aussi le couvre-feu ont fait que le nombre de cambriolages a connu une forte baisse en 2020 (1 638 cas, -19,86 % par rapport à 2019). La police fait la différence entre des cambriolages de maisons habitées (maisons, appartements et caves) et des cambriolages de maisons non habitées (magasins, entreprises, restaurants, cafés, baraques de chantier, etc.). Sur les 1 638 cambriolages enregistrés, 1 076 ont concerné des maisons habitées, dont une grande majorité dans les grandes zones d’agglomération au centre et sud du pays, le long des grands axes routiers et à proximité des frontières. À 562 reprises, des maisons non habitées étaient concernées. Systématiquement, la police technique est dépêchée sur les lieux.
Courant 2020, 390 affaires de cambriolages ont pu être élucidées avec à la clé l’arrestation de 78 personnes et l’identification de 153 auteurs présumés.
Le taux d’élucidation général de la police en 2020 (identification d’un auteur présumé) s’est établi à 56,7 %.