Souvent blessé depuis son arrivée aux Young Boys Berne, le stratège de l’entrejeu grand-ducal veut reprendre son corps en main.
Le bilan, finalement, fait froid dans le dos. Depuis qu’il a été transféré de Lyon vers les Young Boys Berne et qu’il pèse 2 millions d’euros, Christopher Martins a passé beaucoup trop de temps à l’infirmerie. Le site Transfermarkt a ainsi calculé qu’entre son arrivée, à l’été 2019, et aujourd’hui, l’ancien joueur du RFCU sera resté… 223 jours à l’infirmerie, ratant la bagatelle de 46 matches au fil de trois périodes différentes de blessure(s). Et on en revient souvent à la même zone : pubis entre fin août et fin novembre 2019, adducteurs entre mi-septembre et mi-décembre 2020, psoas entre mi-janvier et mi-mars 2021. Trois éternités de galères.
Il y a des joueurs abonnés à l’infirmerie qui deviennent tellement obsédés par leurs blessures qu’ils finissent par devenir de véritables connaisseurs, assez pointus pour vous dire précisément ce qu’ils doivent faire et éviter pour ne pas replonger. Le Christopher Martins de 2021 a beau être devenu bien plus carré physiquement que celui qui a fêté sa première cape en 2014, à l’âge de 17 ans, il a humainement, conservé cette souriante et nonchalante économie de mots qui lui fait jeter ce diagnostic neutre sans sur son propre corps : «Ça avait commencé par une inflammation du pubis. Ça s’est déplacé vers le psoas. Je fais des exercices de renforcement pour éviter que cela ne revienne. On n’a jamais de certitudes.»
«Je ne me casse pas la tête»
La tirade, venant d’un professionnel sur le point de gagner un second championnat de Suisse consécutif avec les Young Boys et amené à une destinée autrement plus glorieuse au regard de son potentiel, serait trop désintéressée si elle en était restée là. «Kiki», bien évidemment, se soucie plus de son outil de travail que ce que dit cette annalyse sans émotion. Pas après avoir raté six rencontres internationales en fin d’année 2019, et six autres en 2020 pour psoas défectueux. Il se pose donc aussi la question : «Est-ce que je suis fragile ou est-ce que c’est le hasard ?». Se la poser comme ça, c’est déjà, un peu, y répondre. Et sa réponse, à lui, est déterminée : «Je fais beaucoup plus attention à mon corps désormais. J’ai évolué, mentalement. Je fais plus d’étirements par exemple. Parce que là, en ne jouant pas les matches d’Europa League que nous avions à disputer, j’ai perdu en expérience, et surtout, j’ai perdu du temps dans mon évolution. Cela fait finalement presque un an que je ne joue pas. Il faut voir ça comme faisant partie de l’apprentissage.»
Il a assez payé pour «apprendre». Mercredi, à Debrecen, contre le Qatar, seul devant la défense, «Kiki» a repris son rôle de premier relanceur avec l’autorité et l’audace qu’on lui connaît, un peu comme s’il ne s’était jamais arrêté. Son impact physique, sa force de projection, ont assez manqué à Luc Holtz pour que le sélectionneur s’en désole presque systématiquement, à chaque rassemblement passé sans lui. On s’est souvenu pourquoi face au champion d’Asie. Mais le plus dur est désormais devant : enchaîner, ne pas replonger au risque de voir s’ouvrir un gouffre d’incertitudes autour de ce phénomène qui a trop peu joué ces derniers temps. Au risque aussi de voir émerger une réputation de joueur brillant mais fragile.
Après avoir quasiment dû zapper toute la campagne européenne du club bernois, Christopher patientera encore sûrement une saison avant de pouvoir postuler à un transfert vers un championnat plus coté, la Bundesliga restant l’aboutissement du processus que ses agents se sont fixé. «Je ne me casse pas la tête. Mon objectif, c’est de prendre toutes les minutes que je peux d’ici à la fin de saison et de prendre soin de ma santé». Bonne résolution. Pour lui et pour les Roud Léiwen.
Julien Mollereau