Alors que la pandémie est toujours d’une triste actualité, Patient zéro revient un an en arrière et raconte les débuts de la contamination en France. Dans les coulisses de l’une des plus graves crises sanitaires de l’Histoire.
Le 8 avril 2020, alors que tout un pays était sous la cloche d’un 23e jour de confinement, touché comme tant d’autres par un virus soudain (déjà 10 869 morts), Le Monde publiait un long article intitulé «Coronavirus : la France sur la piste de son « patient zéro »». Ses deux auteurs, les journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, y remontent le fil de cet épisode pandémique à travers une enquête qui raconte cette course contre-la-montre pour retrouver l’origine de la contamination, soit l’individu qui a contribué, bien involontairement, à diffuser la maladie dans l’Hexagone.
À la baguette, des épidémiologistes-médecins de Santé publique France et de l’Agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France, aux nuits courtes mais à l’obstination infaillible, cherchant à décomposer les chaînes de transmission jusqu’à ce fameux «patient zéro», d’où tout est parti. Utile pour en déterminer les cas contacts et juguler la propagation du virus en effectuant une mise en quarantaine. Mais dans l’ouvrage, qui suit à la lettre l’investigation d’origine, on apprend vite que la tâche s’annonce compliquée, voire impossible. «On court après un train parti il y a trois semaines», soutient un membre de Santé publique France, agence qui assure la surveillance épidémiologique en France.
C’est qu’il y a un an en arrière, le virus était nouveau et les réactions encore plus improvisées : le Premier ministre d’alors, Édouard Philippe, déclarait que le «port du masque ne sert à rien», tandis que les gestes barrières n’étaient pas aussi aiguisées qu’aujourd’hui. Sans oublier que le virus, dans le même temps, poursuivait ses méfaits, multipliant les infections et compliquant, par là même, la tâche de ces scientifiques traqueurs d’épidémies. C’est donc dans un rythme digne d’un thriller que Patient zéro, habillé par Renaud Saint-Cricq (scénario) et Nicoby (dessin), se déroule.
Un récit qui se lit comme un polar
On y suit au plus près les «cas 15» et «cas 17», soit deux patients de l’Oise, sans contact apparent avec les foyers infectieux en Chine et en Italie : Dominique Varoteaux, 61 ans, professeur de technologie dans un collège, premier Français décédé (le 25 février) du Covid-19, et Jean-Pierre Gossart, 55 ans, salarié à la base aérienne de Creil, en lien avec l’équipage de l’Airbus A340 qui, le 31 janvier, a rapatrié des ressortissants de Wuhan. De quoi alimenter, dans la région, rumeur et peur. Simples citoyens, médecins, politiques, chacun y va en effet de sa théorie. Militaire ? Hôtesse de l’air ? Touriste chinois ? Agent secret ? Le «patient zéro» revêt de multiples visages.
Les épidémiologistes tranchent, convaincus que la contamination était active depuis plusieurs semaines, soit à la mi-janvier. Et pour ce qui est de leur quête, ils reconnaissent que trop de facteurs ont joué contre eux : diagnostics tardifs, hospitalisation sans mesure de protection particulière, contacts trop diffus et autres errances observées dans la gestion de crise (élections municipales maintenues, comme le match Lyon – Juventus ou la semaine de la mode)… Pire, leur étude ne prenait pas en compte les cas asymptomatiques, ce qui la rend totalement caduque.
Cela n’enlève toutefois en rien la nécessité de Patient zéro, qui se lit comme un polar. Malades, familles, soignants, élus, chercheurs, médias… Tous relatent la panique, les ratés et la mobilisation face à ce virus, contre lequel chaque heure compte. Outre son approche pédagogique, nécessaire pour lever certaines zones d’ombre et rétablir des vérités, l’ouvrage remet surtout un peu d’humanité au cœur de l’une des plus graves crises sanitaires de l’Histoire. Aux chiffres et aux tâtonnements politiques, elle répond par l’intime et l’émotion. Une proximité appréciable en ces temps de distanciation.
Grégory Cimatti
Patient zéro, de Renaud Saint-Cricq, Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin & Nicoby. Glénat.
Le 25 février 2020, le service de réanimation de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, est sous le choc : Dominique Varoteaux, 61 ans, infecté par ce nouveau virus venu de Chine, vient de mourir d’une embolie pulmonaire massive. Au ministère de la Santé, c’est le branle-bas de combat : le «cas 17» est la première victime française du Covid-19 qui, en Chine, a déjà fait 2 700 morts. Ni lui ni ses proches ne reviennent pourtant d’une zone à risque. Un peu plus tôt, un autre malade a lui aussi été testé positif. Les deux hommes ne s’étaient jamais croisés, mais ils habitent tous deux dans l’Oise. En quelques heures, ce département au nord de Paris devient le premier foyer d’infection français du coronavirus. Alors que tous les médias français se ruent dans l’Oise, les épidémiologistes et les services du ministère de la Santé se lancent dans un défi : remonter la piste du patient zéro, ce porteur du virus qui, sans le savoir, a introduit le Covid-19 dans l’Oise et contaminé la France…L’histoire