La Jeunesse Esch a eu le nez creux en signant Moussa Maazou. Le Nigérien est déjà devenu essentiel à sa reconquête des sommets.
Le pari semble déjà gagné. Moussa Maazou, débarqué cet hiver du côté de la Frontière avec un CV long comme le bras, semble déjà avoir amorti l’investissement consenti par ses dirigeants : quatre buts (plus un cinquième annulé contre le Progrès alors que la faute qu’on lui reproche semblait osciller entre légère et inexistante) et une passe décisive en six rencontres de championnat, on appelle ça une adaptation express. On ne connaîtra jamais la taille de l’effort auquel Manthos Poulinakis a dû se plier pour redonner du peps à une attaque sans grand relief jusque-là, mais dans l’un des clubs qui paye bien au Grand-Duché, un entraîneur n’a aucun doute sur la question : «On ne fait pas venir un joueur de son gabarit pour 5 000 ou 6 000 euros par mois.»
Estimation gratuite. Mais depuis qu’il peut compter sur le meilleur buteur de l’histoire de la «Mena», l’équipe nationale du Niger, Georgios Petrakis n’a pas à se contenter de statistiques qui parlent pour elles. Il a surtout trouvé un énorme travailleur qui malgré ses passages dans le très grand monde (Monaco, Bordeaux, Lens, CSKA Moscou, Guimarães…), accepte de se mettre minable pour son équipe en faisant passer en priorité ses tâches défensives. Depuis Maazou, la Jeunesse s’est en effet révolutionnée au point d’en devenir agaçante pour ses adversaires. Bloc bas, jeu de contre. «Je pense qu’ils savaient très bien où ils voulaient aller en le prenant, quel système ils voulaient mettre en place, balance Stéphane Léoni, le coach du Progrès. Il est parfait pour leur schéma. Avec lui dans les parages, il faut systématiquement faire attention à ce qui se passe dans notre dos, c’est un dragster. Félicitations aux Eschois, ils ont bien investi. Ils ont eu raison à 200 %!».
«On a pu contrôler Xenitidis, mais…»
Maazou fait l’unanimité un peu partout en fait. Et ses adversaires en sont l’illustration parfaite. Quelques exemples. Nicolas Huysman, coach de Pétange, contre qui il a marqué un but et distribué une passe : «Pfff, que dire, c’est un joueur complet. Contre nous, il est passé deux fois et on prend deux buts. Et puis il ne lâche rien.» Tom Siebenaler, défenseur central de Strassen, qui a pris deux pions de la part du bonhomme : «La Jeunesse n’était vraiment nulle part et lui, je ne sais pas, il touche peut-être 30 ballons dans le match et il marque deux fois. Si Esch est efficace, alors qu’on devait avoir, je ne sais pas, peut-être 70 % de possession de balle, c’est grâce à lui. Et à côté de ça, il a aussi fait les mètres pour stabiliser l’équipe. Ah ça, il sait bosser pour les autres…» C’est un plébiscite. La DN est tombée amoureuse de Moussa Maazou.
En cette époque perturbée qui fait dire à tant de joueurs que les équipes qui ont le plus de réussite sont aussi celles qui abandonnent le jeu à l’adversaire («C’est plus simple de faire bloc bas», sourit Huysman, qui ne peut pas se permettre ce luxe vu les caractéristiques de ses attaquants), l’Africain de 32 ans offre à la Jeunesse ce qu’elle n’avait pas encore dans sa panoplie, à savoir la possibilité de trouver de la profondeur. Au point que l’on a le droit de se demander si dimanche, contre le Swift, la Jeunesse trouvera encore un sens à jouer comme elle le fait depuis la reprise. Et à quel point elle risque de se retrouver démunie sans son nouvel homme fort, au-delà presque d’un Stelvio auteur pourtant d’un très joli retour en Division nationale. «C’est vraiment une bonne pioche de trouver un gars comme lui, reprend Leoni. Il est parfait pour leur système et surtout, c’est un leader. Il parle, il motive, il harangue, il remet tout le monde dedans quand c’est nécessaire.» Et pour le reste, pour le jeu, Maazou est suffisamment au-dessus pour que Siebenaler lâche cette phrase : «On avait fait l’analyse de leur jeu et on a pu contrôler Xenitidis mais…». La phrase reste en suspens. Xenitidis… mais pas Maazou. Justement l’homme qui leur a mis un gros coup de massue derrière la tête…
Julien Mollereau