Le directeur est sur le départ, mais cela n’a rien à voir avec la vaccination de Schiltz et consorts. Peut-être alors avec une commande clandestine de vaccins?
Les Hôpitaux Robert-Schuman sont enlisés dans une polémique qui n’en finit pas d’enfler. Depuis la révélation des cas de vaccinations prématurées de trois membres du conseil d’administration, l’établissement privé, plus important hôpital du pays, fait l’objet de toutes sortes de spéculations sur l’avenir de son directeur.
Claude Schummer serait-il le fusible à faire sauter pour retrouver la nécessaire sérénité en ces temps de campagne vaccinale? Pas du tout, se défend l’établissement qui, dans un communiqué, confirme les informations du Wort selon lesquelles le directeur n’est pas réapparu au bureau depuis lundi dernier. Mais rien à voir avec l’affaire Jean-Louis Schiltz et consorts, certifient les HRS.
Pourquoi cette mise à l’écart? D’autres révélations indiquant que l’hôpital aurait tenté de s’approvisionner de son côté en doses de vaccins (100 000) ont semé le trouble et ont finalement été démenties par l’hôpital. Mais l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) semblait pourtant bien renseignée. Jeudi, nos confrères du Tageblatt ont interrogé le responsable des laboratoires Pfizer pour le Luxembourg qui a démenti à son tour une quelconque commande de vaccins par les HRS.
Certes, il y a bien eu une rencontre entre Claude Schummer et Reginald Decreane lors de laquelle le sujet a été abordé. Le directeur s’est informé des possibilités d’achat sans préciser le nombre de doses et le tout dans la perspective d’une mise en vente sur le marché privé, selon le responsable local. Pour l‘heure, seuls les États sont autorisés à passer commandes.
Il n’en demeure pas moins que les rumeurs persistent en ce qui concerne le départ de Claude Schummer de la direction des HRS. Des discussions sont en cours pour trouver un accord de sortie et personne ne l’a démenti. Si les HRS indiquent n’avoir pas mis son directeur sur la touche, Claude Schummer aurait donc décidé de son propre chef de quitter l’établissement. Mais cette commande parallèle de vaccins plane sur ce départ précipité qui fait suite à des scandales successifs.
Dans un communiqué, le conseil d’administration des HRS remercie tous ceux qui ont participé à l’organisation de la campagne durant laquelle plus de 2 500 personnes ont été vaccinées. Le taux de vaccination réalisé est donc supérieur à 75 %, précise le communiqué. Plus loin, le CA écrit qu’un rapport d’audit interne a révélé cinq cas d’irrégularités (moins de 0,2 % des personnes vaccinées). «Ce rapport sera immédiatement transmis au ministère de la Santé et envoyé aux autorités judiciaires», ajoute l’établissement.
D’autres établissements, notamment l’hôpital du Nord, ont également relevé une demi-douzaine d’abus dans la campagne vaccinale.
Questions urgentes
La ministre de la Santé, Paulette Lenert, qui donnait jeudi matin une conférence de presse sur la troisième phase des tests à grande échelle a eu l’occasion de s’exprimer sur les rumeurs de commande de vaccins. «Comme vous, j’ai pris note du démenti des HRS. Nous avons pris contact avec les responsables pour obtenir de plus amples détails. On nous a déjà assuré oralement que les HRS ne prévoient pas de vaccination parallèle», a déclaré Paulette Lenert.
Reste à savoir si les démentis apportés suffiront à clore le dossier. «Dans l’état actuel des choses, l’acquisition de vaccins reste réservée aux seuls États. Je ne sais donc pas où les HRS pourraient trouver des vaccins. L’achat de doses sur le libre marché n’est pas encore autorisé», a ajouté la ministre.
Il lui faudra encore répondre aux questions parlementaires urgentes posées jeudi par des députés sceptiques qui veulent en découdre une bonne fois pour toutes.
Une telle initiative privée du groupe hospitalier est-elle conforme à la loi sachant qu’elle détourne la commande commune de vaccins au niveau européen? Quelles sont les conclusions que la ministre tire de cette affaire entourant la commande de vaccins par un groupe hospitalier privé et quelle est la suite qu’elle veut lui réserver?, interrogent ainsi Josée Lorsché et Marc Hansen des verts.
De leur côté, les socialistes Francine Closener, Cécile Hemmen et Mars Di Bartolomeo veulent en savoir davantage sur la nature du contact entre l’hôpital et le producteur du vaccin.
Les démentis ne suffiront pas à clore l’affaire. Jeudi matin, le président de l’AMMD, Alain Schmit, a maintenu, sur les ondes de RTL radio, que les Hôpitaux Robert Schuman se seraient procuré des vaccins anti-Covid de leur propre initiative.
En attendant, le probable successeur de Claude Schummer assure déjà l’intérim au poste de directeur général. Il s’agit de Gregor Baertz. Les choses vont vite.
Geneviève Montaigu
Accusation de conflit d’intérêts
La radio 100,7 met en doute la gouvernance des Hôpitaux Robert-Schuman. Le président du CA, Jean-Louis Schiltz, est aussi l’avocat de l’établissement, du moins son étude. Pour déi Lénk, c’est le scandale de trop. «Comment les HRS peuvent-ils se procurer des vaccins indépendamment de la stratégie gouvernementale? Comment les HRS peuvent-ils recourir aux services de l’étude d’avocats du président de son conseil d’administration?», s’interroge la Gauche. La sensibilité demande une heure d’actualité à la Chambre des députés sur la gouvernance des hôpitaux. «Bien que les HRS soient des hôpitaux privés, ils sont massivement financés par l’argent public. L’opacité de la gouvernance des hôpitaux doit par conséquent interroger», écrit déi Lénk.