Il y avait l’alcool, les filles… les esprits se sont échauffés à bord du train. Et à la gare, dans le passage souterrain, l’altercation a déraillé. Mardi, trois ans plus tard, ils avaient rendez-vous à la barre du tribunal correctionnel.
«Ça dégénère pour trois fois rien à cause d’injures. Vous cassez une bouteille… Il y a plusieurs blessés. Et quelques années plus tard, vous ne vous souvenez de rien. On a l’impression que cela est monnaie courante…» Ils avaient prévu de se rendre en train à Trèves. Ils voulaient sortir en boîte de nuit ce soir du 10 mars 2018. Mais le voyage des deux amis s’est arrêté net en gare de Luxembourg. Et plus précisément au poste de police.
«Des mots contre des mots, cela ne suffisait pas?», tente de comprendre le président en interrogeant l’aîné des trois hommes alignés à la barre. Il vient de souffler ses 32 bougies. Son ami, qui a frappé avec la bouteille, a 31 ans. Le troisième prévenu qui les accompagne sur le banc a 24 ans. Ce soir-là, il n’avait pas prévu la même sortie que le duo en prenant le train à Dudelange. Mais après leur interpellation par la police, la même destination – celle du tribunal – s’est imposée, selon le parquet. «On peut tous être heureux que rien de plus ne se soit passé», récapitulait son représentant mardi matin à l’audience.
Retour sur cette rixe sanglante. Le début de soirée des deux trentenaires semble avoir été bien arrosé. L’un parle d’une bouteille de rhum qu’ils avaient siphonnée ensemble avant le départ. Monter dans le train avec une bouteille de sambuca sous le bras n’a certainement pas arrangé la chose. L’objet a son importance dans la suite des événements.
Tout aurait débuté par la pluie d’insultes prononcées en présence des deux jeunes femmes avec lesquelles le troisième homme était dans le train. Il est question de manque de respect, de remarques à connotation sexiste… À la barre, aucun des hommes ne se rappelle vraiment cette altercation verbale. «Il se peut que j’aie quelques trous de mémoire», lâche l’un des trentenaires.
Bousculade dans la descente des escaliers
Ce que tout le monde sait toutefois encore bien, c’est qu’à la sortie du train à Luxembourg, les choses se sont accélérées. Il y a aussi les caméras de vidéosurveillance qui en témoignent. Dans la descente des escaliers vers le passage souterrain, l’aîné du trio a poussé le plus jeune. Ce dernier a fini par riposter. Ils en sont venus aux mains, en usant de coups de pied. Et le troisième s’est servi de la bouteille, qu’il avait toujours sur lui, pour la casser quand une tierce personne a tenté de séparer les deux bagarreurs. À la fin, il y en avait un qui saignait à la tête, un autre aux doigts…
C’est d’ailleurs l’homme qui a tenté d’apaiser la rixe qui a donné l’alerte. «À 23 h 10, il s’est présenté au poste de police de la gare. Il nous a expliqué avoir été blessé par une bouteille en voulant interrompre la bagarre dans le passage souterrain», détaille l’agent. Grâce à l’intervention de plusieurs patrouilles de police, tout ce petit monde a pu être appréhendé.
«Je ne me rappelle pas avoir été insolent», déclare aujourd’hui l’aîné identifié comme l’instigateur des violences physiques. Face aux juges, il dira aussi n’avoir voulu blesser personne. Et de dire qu’à l’époque sa copine travaillait au tribunal… Son ami, celui qui était armé de la bouteille en verre, affirme que depuis cette altercation il a pris sa vie en main. Il s’est excusé pour son «comportement inapproprié». Grâce à une thérapie, il dit aujourd’hui ne plus recourir à la bouteille.
Le plus jeune des trois prévenus, qui après avoir été poussé dans les escaliers a été blessé avec la bouteille, réclame 20 000 euros au titre du préjudice – six jours d’incapacité de travail et un processus de guérison d’un nerf au niveau du doigt plutôt long – ainsi qu’une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Le parquet dit non à la légitime défense
Mais lui aussi est poursuivi pour coups et blessures. Son avocat parle d’une «riposte proportionnée», donc d’un acte de légitime défense. Il plaide l’acquittement. Le parquet n’est pas d’accord. Il prend la définition de la légitime défense au pied de la lettre. Il constate que le jeune homme «a d’abord été poussé dans les escaliers». Toutefois, par la suite, selon le parquet, il n’aurait pas été agressé une seconde fois, ce qui l’aurait obligé à se défendre. «Même si on est proche de la légitime défense, pour moi, ce n’en est pas.»
Le parquetier soulève cependant qu’«à des degrés variables, les trois prévenus se sont réhabilités». Il propose au tribunal de les condamner à des travaux d’intérêt général (TIG). Il ne s’est pas prononcé sur le nombre d’heures. Le plus grand nombre serait toutefois à réserver à l’agresseur à la bouteille, qui a également affiché un «comportement bestial» au commissariat de police avec ses outrages.
La 18e chambre correctionnelle rendra son jugement le 18 mars.
Fabienne Armborst