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Une indexation des salaires qui a un prix


Selon le patronat, l'indexation des salaires crée une spirale inflationniste. L'augmentation des salaires mène à une hausse des prix de 2,5% et pénalise la compétitivité du Luxembourg. (Photo : Archives LQ)

La prochaine augmentation automatique des salaires devrait se produire, selon toute vraisemblance, à la fin de cette année. Ce qui ne plaît pas à tous les acteurs du monde économique luxembourgeois.

Le patronat, opposé à ce système d’indexation des salaires depuis longtemps, propose une désindexation.

Le 30 juillet dernier, le ministre de l’Économie, Étienne Schneider, a tweeté sur son compte le message suivant : «Selon les dernières prévisions d’inflation, une indexation des salaires devrait se produire à la fin de cette année.»

Une bonne nouvelle pour les salariés luxembourgeois, mais qui ne réjouit pas forcément le patronat. «Depuis toujours, nous sommes opposés à l’indexation des salaires», affirme Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de commerce. «C’est un garant de la paix sociale, c’est vrai, mais il faut un système qui tienne compte de l’évolution de la productivité au sein des entreprises», argumente-t-il.

L’indexation automatique, selon lui, ne donne pas de «visibilité aux entreprises». Le tweet d’Étienne Schneider est intervenu quelques jours avant la réunion de la commission de l’indice des prix à la consommation qui aura lieu aujourd’hui. «Elle va constater l’évolution des prix et dire s’il y a une évolution de l’inflation», indique Carlo Thelen.

Une prudence de mise

Ce dernier soutient que les entreprises «n’ont pas encore anticipé», ni budgétisé une hausse automatique des salaires. «Il faut rester prudent», prévient le directeur général de la Chambre de commerce, car l’augmentation de 2,5 % censée compenser une hausse des prix pourrait intervenir «début 2016». Elle serait effective le mois d’après.

Sur son blog, Carlo Thelen assure que le système d’indexation touche «aussi, significativement, la formation des salaires et le niveau général des prix. Ainsi, entre 2000 et 2012, l’indexation des salaires a alimenté près de 80 % de la variation cumulée du coût salarial nominal moyen. S’agissant du niveau général des prix, l’impact cumulé sur douze mois d’une tranche indiciaire représente une hausse supplémentaire de 0,42 % de l’inflation».

L’indexation entrave, d’après lui, «une évolution des coûts salariaux basée sur les conditions de marché (productivité, taux de chômage, conjoncture) et constitue un frein à une évolution réfléchie des salaires dans les périodes de modération salariale dans les économies concurrentes. Par ailleurs, du fait de son impact sur le niveau général des prix, elle crée une spirale inflationniste au sein de l’économie (effet d’autoallumage)».

C’est pour cette raison qu’il plaide pour une désindexation. «Vouloir la désindexation généralisée de l’économie, c’est avant tout vouloir casser le cercle vicieux entre prix et salaires au sein de notre économie ouverte puisque la progression des coûts salariaux empêche tout repli conséquent des prix des biens et services», écrit-il.

Plus d’inflation que les voisins

Cette fin de l’index aurait un effet sur les finances publiques. Car «le coût net d’une tranche indiciaire pour l’État peut être chiffré à environ 250 millions d’euros».

Le système actuel ne permet donc pas d’introduire «une politique budgétaire à base zéro». C’est-à-dire un budget établi sans référence à l’exercice précédent mais en « en fonction des stricts besoins de l’exercice budgétaire», certifie Carlo Thelen. Ce dernier plaide pour une maîtrise de l’inflation.

En effet, «on a plus d’inflation que les pays voisins». La Belgique a aussi un système d’indexation des salaires, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne et de la France.

Jean-Jacques Rommes, administrateur de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), acquiesce. «Au Luxembourg, l’inflation est plus élevée qu’en Allemagne. Nos salaires augmentent plus vite que les salaires allemands. On perd en compétitivité», signale-t-il.

«Les gens perdent avec l’inflation», dit-il avant d’ajouter : «Ce sont les entreprises qui compensent la hausse des prix avec le salaire.» Pour lui, les quatre secteurs clés de l’économie (l’industrie, la construction, l’artisanat et le commerce) souffrent «le plus de la perte de compétitivité». Comme pour Carlo Thelen, la désindexation est, selon lui, une solution. «Il faut essayer de briser la spirale inflationniste, même dans une période d’inflation très faible.»

Norry Dondelinger, directeur du département des affaires économiques à la Chambre des métiers, affirme que les salariés qualifiés ou peu qualifiés sont «les plus vulnérables» parce qu’ils coûtent plus qu’ils ne rapportent à leur entreprise.

Aude Forestier