Aujourd’hui il parle d’une «erreur de jeunesse». En 2017, il sillonnait l’Europe sous de nombreux alias. Le voleur, qui dort depuis son extradition à Schrassig, a déballé jeudi après-midi son histoire au tribunal.
«J’ai compris ce qu’on me reproche. Je reconnais. Je demande des excuses», lâche le jeune voleur à la barre de la 9e chambre correctionnelle. Depuis un peu plus de cinq mois, il se trouve en détention préventive à Schrassig. Tout ce qu’il demande, c’est de retourner en Espagne. C’est là qu’il a été arrêté après avoir été confondu grâce à son ADN. «J’ai tourné la page…», glisse-t-il.
Cela va un peu vite au goût de la présidente : «Mais nous on ne l’a pas encore tournée!» L’histoire de Monsieur n’est pas si simple que cela. Il n’y a pas que le vol avec effraction et escalade commis entre le 24 avril et le 11 mai 2017 dans un appartement plateau Altmünster à Luxembourg. Il y a aussi tous ses alias qui traversent le dossier… «Vous nous avez donné des alias un peu partout. Vous parlez quelle langue?», tente de clarifier la présidente.
«En prison, j’ai reçu une liste de mes alias. Je ne me reconnais pas.» Pour le prévenu, tout ça c’est de l’histoire ancienne : une «erreur de jeunesse». Par le biais de l’interprète, il confirmera qu’il est bien né en 1995 au Maroc. En 2008, il a rejoint l’Europe en traversant la mer. À l’âge de 12 ou 13 ans donc. Sous un camion, on l’aurait découvert en Espagne, avant de le placer dans un centre pour mineurs durant trois à quatre ans.
Il a sillonné ensuite une bonne partie de l’Europe, il ne le cache pas. Sa première demande de protection internationale, il l’a faite en Suède, la deuxième au Danemark, indique-t-il en réponse à une question du tribunal. Mais il est aussi passé en Belgique et aux Pays-Bas. Il y a plusieurs fois été arrêté pour des vols, sans pourtant jamais être incarcéré, déclare-t-il.
«J’étais perdu dans la vie…»
Retour sur son passage au Luxembourg, le fait qui occupait jeudi après-midi le tribunal. «C’était sur invitation d’un ami…» Le tribunal a du mal à suivre son histoire. Car cet ami, il ne l’a jamais trouvé. Par contre, les ordinateurs portables, les appareils photo, la tirelire avec quelques pièces – 250 euros en tout –, le sac à dos et la montre en or d’un jeune couple parti en vacances si.
Il s’explique : ce cambriolage, c’était la combinaison entre son manque de revenus, le fait qu’il n’avait nulle part où dormir et le fait qu’il était sous l’influence de la drogue. «J’étais perdu dans la vie…» La présidente tente de le secouer un coup : «Êtes-vous conscient de ce que les gens ont ressenti en revenant chez eux?» Elle lui tendra également une photo pour lui rafraîchir la mémoire.
À son retour, le couple avait découvert la porte du balcon ouvert. Le plus grave pour eux, c’était toutefois la disparition de la montre. «Elle avait une valeur sentimentale pour mon mari. Il l’avait reçue de son grand-père», témoigne la jeune femme à la barre. «On aurait aimé savoir si elle a été retrouvée.» La réponse du prévenu : «J’ai vendu tout le sac avec le butin en Belgique à un Pakistanais pour 3 g de cocaïne…»
– «Ah bon…», lâchera la jeune femme avant de quitter la salle d’audience. À son passage devant le box, le prévenu tentera de lui faire un geste d’excuse.
Le parquet requiert 15 mois et une amende
C’est grâce à l’ADN qu’il a laissé sur les lieux qu’il a été arrêté. Les comparaisons des traces ont pris un certain temps. Les autorités luxembourgeoises ont été contactées par l’Allemagne où il est «connu par les services de police». «Quand je sortirai de prison, je retournerai en Espagne», a assuré le prévenu aux juges. Un sursis est encore possible, plaidera son avocat Me Eric Says, soulevant l’absence de difficultés lors de l’extradition. «Il a demandé à être conduit au Luxembourg pour s’expliquer.»
À part qu’il est en aveu et que les faits datent de 2017, il n’y a pas grand-chose qui parle en sa faveur, rétorquera le représentant du parquet. Il exprime ses doutes sur le jeune âge de celui qui dit s’appeler aujourd’hui Nour E. «La personne que nous avons devant nous est connue sous une autre identité principale en Allemagne…» Une chose est néanmoins sûre : avec tous ses noms d’emprunt, difficile de retracer son passé judiciaire.
Le parquet n’est pas d’accord avec la défense, qui a plaidé en faveur d’une peine lui permettant un retour rapide en Espagne : «Je considère que cela équivaut à déplacer le problème au sein de l’Union européenne.» Et de lancer aux juges : «Il faut qu’il y ait un tribunal dans un pays de l’UE qui montre qu’on ne peut pas entrer impuni dans une maison pour la cambrioler. Cette tâche vous incombe aujourd’hui.» Il demande 15 mois de prison et une amende contre l’homme sur le banc des prévenus. Ce dernier a renoncé à la traduction du jugement écrit en langue arabe.
Prononcé le 25 mars.
Fabienne Armborst