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De Dudelange à Monaco : l’analyste football-vidéo raconte son parcours fou


Nelson Morgado (en médaillon), a été recruté par Monaco via un contact avec Roberto Martinez, l'entraîneur de la Belgique, qui avait repéré son talent (photo : AFP et DR).

Nelson Morgado, l’ancien analyste vidéo dudelangeois, est depuis le week-end dernier à Monaco. Du F91 à l’ASM? C’est fou !

Déjà décisif, Nelson Morgado? Le désormais ex-analyste vidéo du F91 a commencé à bosser pour l’AS Monaco et donc contribué à sa manière au succès des hommes de Niko Kovac sur la pelouse du Parc des Princes face au PSG (0-2), dimanche. Mais son arrivée sur le Rocher, chez l’actuel 4e de Ligue 1, prouve bien qu’au Grand-Duché aussi, on sait désormais bien faire les choses dans le petit monde des staffs techniques. L’ancien joueur de Diekirch, Strassen et Lorentzweiler, qui fut l’un des anciens bras droits de Dino Toppmöller époque qualification pour la phase de groupes de l’Europa League, nous explique d’où sort cette folle aventure qu’il s’offre aujourd’hui.

Comment se retrouve-t-on à passer du F91 Dudelange à l’AS Monaco ?

Nelson Morgado : Avec beaucoup de travail !

Et des circonstances favorables, non ?

L’année dernière, j’avais suivi Dino Toppmöller à Virton et je me suis retrouvé à Tubize en cours à la formation pour analystes, en Belgique, avec le responsable à la fédération belge, Luke Benstead – et aussi le sélectionneur des Diables rouges, Roberto Martinez. Il y avait là tous les analystes de la D1/A et de la D1/B. Il nous a donné à tous des analyses à faire et il était prévu qu’il en sélectionne cinq pour l’aider lors de l’Euro 2020… qui n’a pas eu lieu. Mais il a gardé mon nom et avant que son contrat ne soit renouvelé par l’URBSFA, il avait reçu une offre de Monaco. Où il a dit qu’il connaissait quelqu’un. Moi.

Pour quel boulot très précisément ?

À l’origine, ils m’avaient contacté dès l’été dernier pour faire chef de la cellule d’analyse mais avaient fini par recruter quelqu’un de… Manchester City. Il s’appelle Aaron Briggs et il travaillait avec Pep Guardiola, donc forcément… Pour me tester, à Monaco, ils ont quand même demandé de faire une analyse de l’équipe. Je n’avais pas intérêt à me tromper parce que leur équipe, forcément, ils la connaissent bien! Finalement, c’était bon. Et j’ai ensuite enchaîné sur une analyse du Paris Saint-Germain…

Quel type de contrat est-ce, analyste vidéo d’un club de Ligue 1 de football ?

Je suis en CDI. C’est qu’ils doivent compter sur moi. Mais je dois aussi confirmer… Après, la France, c’est comme en Belgique : même caméra angle large, même programme, même plateforme qui permet de travailler sur une rencontre dès le lendemain… Là, ce qui change, c’est que quand je faisais ça à la maison, j’avais parfois mes deux petits garçons de 4 ans et dix mois qui tournaient autour (il rit) et que c’était plus difficile de se concentrer. Je ne pouvais pas leur donner l’attention qu’ils méritaient. Là, je vais finir la saison et après, on verra si je les fais venir à Monaco. Au Luxembourg, ils ont tout ce qu’il faut pour bien s’épanouir, de bonnes écoles. Leur avenir, c’est important à mes yeux.

C’est bien payé, analyste vidéo ?

(Il rit) Y’a pire. Y’a mieux aussi, mais c’est surtout très enrichissant. Je me retrouve dans une structure à cinq analystes. Il y en a un qui fait des analyses individuelles et de notre propre équipe, un autre qui fait des statistiques, un qui se concentre sur les phases arrêtées… Moi, mon travail, c’est d’étudier le jeu de l’adversaire. Son organisation défensive, son organisation offensive et les transitions. Gros boulot, qui prend énormément de temps, sur quatre matches, pour un résumé de trente minutes. Et après, on combine tous les éléments et Aaron fait un topo à Niko Kovac sur ce qu’il est essentiel de savoir afin de définir un plan de jeu pour le week-end et de calibrer la semaine d’entraînement. Tous les rapports doivent être rédigés en anglais. Je maîtrise assez bien, surtout que c’est du langage footballistique. Avec Dino Toppmöller, à Dudelange, on faisait ça en français. Tant mieux parce que je ne parle pas allemand.

J’ai travaillé à Auchan, chez Cactus…

Vivez-vous ça un peu comme une récompense? Il y a deux ans, au moment où le F91 s’était qualifié pour la phase de groupes de l’Europa League, vous nous aviez raconté à quel point cet investissement était lourd, combiné avec vos journées de travail dans la grande distribution…

Oui, c’est un peu une récompense… J’ai travaillé à Auchan, chez Cactus, comme superviseur de qualité et même à la Spidolswäscherei, à la prison de Schrassig. À côté de ça, j’ai beaucoup étudié, seul. Et c’est aussi pour ça que j’ai encore beaucoup à apprendre et que je dois vite m’adapter. L’analyste, c’est un homme de l’ombre, invisible. Et à l’AS Monaco, le temps d’adaptation doit être de courte durée. Ce club est énorme et exige des résultats immédiats. Je ferai mon possible pour m’adapter au plus vite à leur rythme de travail. Mais j’ai été très bien reçu! Avec chauffeur pour m’attendre à l’aéroport. L’un des directeurs m’a fait visiter les alentours du stade et de mon hôtel…

Et ce n’est pas si glamour que ça. Vous serez finalement peu dans les stades, peu au contact aussi de l’équipe première et des stars que sont Wissam Ben Yedder, Stevan Jovetic, Kevin Volland, Cesc Fabregas…

Je vais devoir rester un mois en chambre en attendant que tous les tests Covid soient faits. Après, je pourrai aller dans nos bureaux du stade Louis-II et j’ai cru comprendre qu’en juillet, on s’installait à la Turbie, le centre d’entraînement de l’équipe pro. Mais je serai dans les stades à chaque fois que nous jouerons même si je ferai certainement moins de terrain qu’à Virton ou Dudelange. Cette tâche du terrain sera plus pour Aaron, qui est toujours aux entraînements.

Avez-vous déjà croisé Niko Kovac ?

Pas encore, non. C’est normal : j’attends le résultat de mon test Covid, qui devra être négatif, avant de me joindre au groupe. Mais Kovac, c’est un coach que je suis depuis Francfort, où il a eu beaucoup de succès, et encore plus depuis qu’il est passé au Bayern. Entre lui et Aaron Briggs, je me doute que ce travail sera d’une exigence extrême. J’étais déjà habitué à aller dans le détail et je compte en apprendre énormément à leur contact.

Vous reviendrez les voir ? Quels sont les jours de repos d’un analyste ?

(Il rit) Il y en a peu! Je verrai en fin de saison, pendant l’Euro… Et encore, ce n’est pas sûr.

On vous reverra donc peu au pays ?

Je vous avoue que j’aimerais bien retravailler un jour avec un de ces grands professionnels que sont Carlos Fangueiro ou Dino Toppmöller. Lui, je lui vois un grand futur mais pour nous réunir lui et moi, il faudra un projet sacrément fort pour passer au-dessus de Leipzig ou de l’AS Monaco… Et je continuerai en parallèle à suivre le F91, que j’ai vu samedi en streaming contre la Jeunesse. Malgré le nul, je le vois quand même finir champion.

Entretien avec Julien Mollereau