Yannick Bastos (Progrès) a effectué son mémoire sur les motivations des fans luxembourgeois. Il ne pense pas que le Covid ait un impact fou sur leur assiduité déjà médiocre.
Fin d’un week-end sans football. Un de plus. Pour les joueurs, qui ont juste eu droit, fin novembre, à leur seule rencontre officielle de ces quatre derniers mois, c’est usant. Mais pour les spectateurs ? Ne se sont-ils pas habitués, eux, à cette absence ? Les récupérera-t-on quand l’évolution de l’épidémie autorisera le gouvernement à leur rouvrir les portes des stades ?
L’hypothèse reste malheureusement très lointaine et la réponse extrêmement hasardeuse. Ce sont deux joueurs du Progrès, club qui a attiré le plus de fans sur la dernière saison complète (2018/2019) qui en doutent, tout simplement parce que leurs études leur ont permis de creuser le sujet. « On vit dans un pays où il n’y a jamais de grève. Au Luxembourg, tout le monde s’arrange, tout le monde est content. Les fans ? Leur vie continue », théorise le milieu de terrain Ben Vogel. Il n’est pas le joueur de l’effectif de Stéphane Leoni à avoir l’avis le plus pertinent sur la question. Dans le secteur offensif, Yannick Bastos a lui effectué son mémoire sur l’«Attitude des fans du Luxembourg envers l’innovation et leur façon de la percevoir».
Dimanche, comme d’habitude, il n’avait rien à faire de ses dix orteils. Donc réfléchir à des problématiques qui transcendent largement l’Etzella – Progrès qui aurait dû l’occuper, ça fait passer le temps. Quelles nouvelles peut-il donc nous donner à propos de son enquête de 2020, menée par internet plutôt qu’au contact des spectateurs dans les stades (Covid oblige), qui puisse nous éclairer sur la façon dont le football grand-ducal risque de traverser cette crise ? « Je cherchais à établir un éventuel rapport entre leur intérêt et les innovations effectuées par les clubs pour les attirer. Et en fait… ils s’en foutent. Pour eux, cela n’a aucun attrait. Ils ne veulent voir que le match et se moquent du tralala autour. En fait, peut-être même que si je leur avais demandé pourquoi ils venaient, ils n’auraient pas su… »
Si on ne fait rien, les gens viendront juste au foot pour « sortir un peu »
Autant dire que la lecture de la situation de la BGL Ligue (dont on se demande comment elle se relèvera du coronavirus et de sa perte terrifiante de visibilité) peut se faire à bien des niveaux. Cette étude menée auprès de 250 personnes, dont 60 % entre 18 et 33 ans, recours aux réseaux sociaux oblige, déstabilise déjà par le conservatisme qu’il sous-tend, malgré la catégorie d’âge des sondés. « Il y a une défiance des fans envers la nouveauté au Luxembourg qui plombe les efforts entrepris et ce qui est surprenant, c’est que c’est… ce qu’ils apprécient à l’étranger », indique Bastos, qui en tire deux conclusions très antinomiques : « On a l’impression que rien ne peut changer ni en bien ni en mal et que donc, on retournera à la normalité après le coronavirus. Mais vu les motivations des gens, celles dont ils parlent, on se dit aussi que si les clubs n’entreprennent rien, c’est vraiment la météo qui décidera de si les gens reviendront ou pas. Il y a tellement de foot en ce moment à la télé que si on ne fait rien, les gens viendront juste au foot pour “sortir un peu”. »
Comment appréhender, dès lors, ce retour du public, sans doute échaudé en plus par l’affaire des tests antigéniques (ou plus précisément de leur absence) qui a fait annuler la 10e journée ? Il y a urgence à penser cet évènement qui sera aussi marquant que le retour à la compétition. « Cela va passer par le marketing, lance Bastos. Mais c’est un investissement. » Et les clubs manquent d’argent. Son coéquipier Ben Vogel, suggère d’agir déjà a minima sur un levier d’actualité en cette période de Covid : l’écologie. Et surtout de le faire savoir. Car dans son travail à lui touchait au verdissement des clubs de BGL Ligue. Et là, au contraire, c’est le banco absolu : « Moi, j’ai cherché à savoir si l’arrivée de l’écologie dans les logiques de leurs clubs plairait aux fans. Et ça leur plairait énormément ! Cela m’a surpris à quel point. Ils auraient même la volonté de suivre le mouvement chez eux s’ils voyaient leur club de foot s’y mettre. C’est porteur et ce serait de la responsabilité d’une organisation sportive. Mais il faudrait communiquer là-dessus ! »
Julien Mollereau