«Wat antweren ?» Vingt fiches élaborées par le Planning familial donnent les bonnes réponses aux parents dépassés par les questions de leurs enfants sur la sexualité.
Comment on fait les bébés ? Pourquoi les garçons ont un zizi ? Deux questions qui ont plongé plus d’un parent dans l’embarras. Que répondre et surtout comment répondre à des enfants que les cigognes, les choux, les roses et les abeilles n’impressionnent plus ? Surtout que s’ils posent ce genre de questions, c’est que la graine est déjà dans le fruit. Certains parents improvisent avec plus ou moins de réussite, d’autres se ferment, d’autres encore se tournent vers le Planning familial pour obtenir de l’aide. Tant et si bien que ces questions ont inspiré un projet pilote à l’association.
«L’idée est née il y a quelques années suite à nos soirées dédiées aux parents, se souvient Ainhoa Achutegui, présidente du Planning familial. Nous recevions presque toujours les mêmes parents avec presque toujours les mêmes questions. Quand de nouveaux parents arrivaient, ils posaient à nouveau les mêmes questions à l’équipe d’éducation sexuelle et affective» qui joue le rôle de pompiers dans des situations d’urgence face à des parents démunis. De 2019 à 2020, le compte Instagram «Hues-du Froen?» est passé de 40 000 à 200 000 vues et de nombreuses questions y ont été déposées. Une incitation de plus à lancer le projet pour atteindre tout le monde rapidement.
«Wat antweren ?» consiste en une vingtaine de fiches didactiques donnant des réponses et des conseils, basés sur les standards de l’OMS, à appliquer aux parents sur les questions les plus posées, mais pas que. «Les parents sont majoritairement les premiers interlocuteurs en matière d’éducation sexuelle et affective», indique Ainhoa Achutegui, qui les considère comme des alliés pouvant favoriser par leur discours et leur bienveillance «un comportement sexuel plus responsable en matière de consentement et de violences» et faire tomber les préjugés. Ces fiches conviennent de la petite enfance à l’adolescence grâce à leurs contenus adaptés.
Thème très vaste, l’éducation sexuelle et affective passe par la diversité, le choix de la contraception, le consentement, l’égalité entre les sexes, la prévention de violences et le plaisir individuel. «Nous proposons des clés, des pistes, des moyens d’accompagner les enfants dans leur développement psychosexuel, précise Emilie Kaiser, responsable de ce projet d’accompagnement au Planning familial. Même si le parent ne souhaite pas parler de sexualité avec son enfant, l’enfant est en demande. Si le parent ne lui répond pas, l’enfant ira chercher une réponse ailleurs. Parler de sexualité avec son enfant permet de le protéger. (…) Parler, ce n’est pas inciter ou entraîner l’enfant vers une sexualité précoce, c’est lui permettre de faire des choix, de réfléchir, d’avoir un esprit critique, de se sentir bien.» Encore faut-il utiliser le bon langage.
“Le sujet reste tabou”
Parler de sexualité avec son enfant peut s’avérer difficile pour certains parents en raison de leur histoire, de leur éducation, de leur parcours affectif et les renvoyer vers un passé qui les trouble. «Le sujet reste très tabou dans notre société hypersexualisée, poursuit Emilie Kaiser. Les parents ont peur des réponses de leurs enfants ou ont des craintes par manque d’information.» Pourtant, il faudrait, selon le Planning familial, aborder ces questions des le plus jeune âge pour établir une communication et un rapport de confiance quand il s’agit d’aborder ces sujets. Les parents les moins à l’aise peuvent s’adresser au Planning familial et à présent consulter ou télécharger les fiches «Rat antweren?» sur watantweren.lu.
Les questions émanent toutes d’enfants ou de jeunes et ont été récoltées dans le cadre du projet «Hues-du Froen ?». L’équipe du Planning familial a conçu les contenus et les a traduits en luxembourgeois et français dans des langages inclusifs pour un langage neutre et un maximum de termes épicènes ont été choisis. Cinq fiches vont également être transposées en langage facile en allemand et en français pour les personnes en situation de handicap. D’autres fiches en langage facile sont proposées à l’attention exclusive des adolescents en collaboration avec BD Santé.
Les fiches sont toutes conçues sous le même format. À commencer par des exemples de réactions des parents à la question posée et des repères théoriques. Au dos de la fiche figurent les avis des experts, des astuces et des manières de répondre ainsi que des outils pour aller plus loin dans la réflexion. Différentes nuances de réponses sont proposées en fonction de l’âge des enfants.
Des réponses précises et inclusives
Pour construire ces contenus, l’équipe s’est reposée sur différents piliers et sur une méthodologie complexe qui prend en compte certains principes comme la norme ou l’inclusivité, par exemple. Les concepteurs n’ont rien laissé au hasard et ont voulu que leurs réponses soient les plus précises tout en couvrant un champ le plus vaste possible pour ne pas laisser de place au doute ou à de dangereuses omissions. C’est le cas de la notion d’amour, une des thématiques abordées par les fiches. «Quand on parle de sexualité avec les enfants, il faut aborder l’amour et l’amitié, ainsi que d’autres émotions», explique Emilie Kaiser, «Il est important pour l’enfant et son estime de soi de ressentir de l’amour. Cependant, sexualité ne rime pas toujours avec amour et on ne peut pas tout accepter par amour. Il faut rester prudent avec l’utilisation de ce terme en matière d’éducation à la santé affective et sexuelle.» Le genre est un autre exemple de thématique complexe traitée. «Évoquer les rôles et les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge doit permettre à l’enfant de faire ses choix, précise la jeune femme. Les assignations de genre sont souvent source de non-choix, d’enfermement et de violence. Le fait de mégenrer un enfant, le désigner par un genre qui ne correspond pas à son identité de genre, peut entraîner un traumatisme.» D’où l’utilisation du langage inclusif dans la rédaction des fiches, entre autres. Les fiches évitent également les réponses et les stéréotypes hétéro-normatifs.
Accompagnées de trois fiches introductives, les fiches se caractérisent pas leur ouverture sur un monde non binaire et la diversité des réponses apportées pour montrer que la norme n’existe pas. Elles doivent donner confiance aux parents en les aidant à se mettre au niveau des enfants pour mieux se faire comprendre, en leur disant simplement la vérité et en mettant en place un lien de confiance. Consentement, puberté, contraception, premiers rapports sexuels, réseaux sociaux, abus sexuels, pornographie, relationnel ou encore trans- et intersexualité sont autant de thèmes qui trouveront réponse.
Sophie Kieffer