Canons à eau, tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes: la tension monte en Birmanie mardi, quatrième jour d’importantes manifestations à travers le pays contre le coup d’État du 1er février.
A Naypyidaw, la capitale construite par la junte au cœur de la jungle, la police a tiré des balles en caoutchouc sur des manifestants, selon des témoins. Un peu plus tôt, les forces de l’ordre avait fait un usage répété des canons à eau contre un petit groupe de contestataires qui refusaient de se disperser devant un barrage des forces de l’ordre.
A Mandalay, deuxième ville du pays, la police a fait usage de gaz lacrymogènes « contre des protestataires qui agitaient des drapeaux de la Ligue nationale pour la démocratie », le parti d’Aung San Suu Kyi.
Les autorités ont interdit la veille les rassemblements de plus de cinq personnes à Rangoun, Napypidaw et dans d’autres villes du pays. Un couvre-feu a été décrété.
« Des actions doivent être prises (…) contre les infractions qui troublent, empêchent et détruisent la stabilité de l’État », a mis en garde la télévision d’État face au vent de fronde qui souffle sur le pays. Bravant les menaces, les manifestants sont à nouveau descendus mardi en nombre dans les rues.
A Rangoun, la capitale économique, des contestataires se sont rassemblés près du siège de la LND. « Pas de dictature ! », « nous voulons notre cheffe ! », détenue au secret depuis son arrestation le 1er février, pouvait-on lire sur des banderoles.
Dans un autre quartier de la ville, des dizaines d’enseignants ont défilé, saluant à trois doigts en signe de résistance.
Les mises en garde de l’armée « ne nous inquiètent pas, c’est pourquoi nous sortons aujourd’hui. Nous ne pouvons pas accepter leur excuse de fraude électorale. Nous ne voulons pas d’une dictature militaire », a déclaré un enseignant, Thein Winun.
« Nous savons tous de quoi l’armée est capable »
Ces trois derniers jours, des centaines de milliers de manifestants ont défilé à travers le pays. Ce vent de contestation est inédit depuis le soulèvement populaire de 2007, « la révolution de safran » menée par les moines et violemment réprimée par l’armée.
Le risque de répression est réel. « Nous savons tous de quoi l’armée est capable : d’atrocités massives, de meurtres de civils, de disparitions forcées, de torture et d’arrestations arbitraires », a souligné Tom Villarin du groupement des parlementaires de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) pour les droits humains.
Depuis le 1er février, plus de 150 personnes – députés, responsables locaux, activistes – ont été interpellées et sont toujours en détention, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques, basée à Rangoun.
Le commandant en chef de l’armée, Min Aung Hlaing, s’est exprimé pour la première fois lundi soir sur la chaîne de l’armée Myawaddy TV. Il s’est engagé à « la tenue d’élections libres et justes » à la fin de l’état d’urgence d’un an, et promis un régime militaire « différent » des précédents.
La Birmanie a vécu près de 50 ans sous le joug de l’armée depuis son indépendance en 1948. Le putsch du 1er février a mis fin à une brève parenthèse démocratique d’une décennie. L’armée conteste la régularité des législatives de novembre, remportées massivement par la LND. Mais des observateurs internationaux n’ont pas constaté de problèmes majeurs lors de ce scrutin. En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d’Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution très favorable aux militaires.
LQ/AFP