Accueil | Economie | Comment fonctionne le nouveau marché du carbone en Chine ?

Comment fonctionne le nouveau marché du carbone en Chine ?


Des cyclistes traversant une route un jour de pollution à Pékin, en octobre 2020. Le pays veut parvenir à la neutralité carbone en 2060. (photo AFP)

La Chine a lancé le 1er février son marché du carbone, une mesure très attendue par les écologistes et amenée à augmenter pour certaines entreprises le coût du droit à polluer.

Premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, le géant asiatique est aussi celui qui investit le plus dans les énergies nouvelles et Pékin a promis de parvenir à la neutralité carbone en 2060. Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce nouveau système.

Comment ça fonctionne ?

Ce marché du carbone autorise pour la première fois les autorités provinciales à fixer des quotas pour les centrales thermiques et permet aux entreprises énergétiques de s’échanger des droits de polluer.

Les autorités locales délivrent un certificat pour chaque tonne de dioxyde de carbone (ou d’autres gaz à effet de serre) qu’une entreprise est autorisée à émettre. En cas de non-respect, ces dernières doivent payer des amendes.

« Les entreprises peuvent réduire leurs émissions ou payer pour polluer. Mais cette solution deviendra plus coûteuse avec le temps, car les gouvernements délivreront moins de permis de polluer », estime Zhang Jianyu, vice-président pour la Chine de l’association écologiste américaine Environmental Defense Fund.

Est-ce un système ambitieux ? 

Pas autant qu’espéré.

Ce marché du carbone ne concerne pour le moment que le secteur de l’électricité, dont les centrales en Chine fonctionnent encore très largement au charbon, une des énergies les plus nocives pour l’environnement. Selon les nouvelles règles, les quelque 2 000 centrales qui émettent plus de 26 000 tonnes de gaz à effet de serre par an peuvent commencer à échanger leurs droits de polluer. Ces centrales sont responsables de 30 % des émissions de gaz à effet de serre du pays.

Les projets initiaux prévoyaient de couvrir 70 à 80 % des émissions de la Chine. Et les gros pollueurs dans sept autres secteurs, dont l’aviation, la sidérurgie et la pétrochimie étaient ciblés.

Autre point : les permis de polluer sont distribués gratuitement au lieu d’être mis aux enchères, comme c’est le cas dans l’Union européenne et en Californie. Résultat, cela incite moins les entreprises à réduire rapidement leurs émissions.

Par ailleurs, le prix du carbone devrait être très bas dans le cadre du système chinois – environ 6 dollars la tonne – contre environ 36 dollars dans l’Union européenne et 17 dollars en Californie l’an dernier. Les prix chinois « ne sont pas assez dissuasifs pour que les entreprises deviennent plus vertes », se désole Li Shuo, de Greenpeace Chine.

Comment sont fixés les plafonds d’émissions ? 

Les nouvelles règles incitent les entreprises à réduire leur intensité en carbone – c’est-à-dire la quantité de pollution produite par unité de PIB – mais pas leurs émissions totales de gaz à effet de serre.

Une « différence subtile mais importante », selon Lauri Myllyvirta, du Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA), pour qui la mesure pourrait avoir l’effet pervers de rendre les nouvelles centrales au charbon plus attrayantes sur le plan économique. Les experts s’attendent par ailleurs à ce que le puissant lobby du charbon milite pour des quotas confortables – et donc un prix du carbone avantageux.

La Chine dépend du charbon pour 60 % de ses besoins énergétiques et, depuis 2011, elle en brûle chaque année plus que le reste du monde réuni, selon le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington.

Et maintenant ? 

Une nouvelle loi sur le changement climatique est en préparation et elle pourrait remédier à certaines des lacunes du système actuel, selon des écologistes. Ces derniers espèrent que le marché du carbone couvrira à l’avenir davantage d’industries, avec des sanctions plus sévères.

Le président Xi Jinping s’est attiré des applaudissements fin 2020 en annonçant que son pays commencerait à réduire ses émissions polluantes avant 2030, pour parvenir à la neutralité carbone 30 ans plus tard – c’est-à-dire d’en absorber autant que d’en émettre.

Mais dans sa forme actuelle, « le marché du carbone ne va pas jouer un grand rôle dans la réalisation de ces objectifs », prévient Lauri Myllyvirta, appelant Pékin à donner à son système d’échanges « plus de mordant ».

AFP/LQ