À l’aide d’un coup de boule, le jeune homme explique avoir désarmé son beau-père à Dalheim le 22 décembre 2017 avant de le poignarder. Retour sur la scène du crime avec la reconstitution visionnée vendredi, au 4e jour du procès.
Les cloches du petit village de Dalheim retentissent au loin. Il y a aussi quelques chiens qui aboient à l’extérieur. Voilà pour les bruits en arrière-fond. Mais ce que l’on voit au premier plan, c’est le couloir au rez-de-chaussée de la maison unifamiliale. Là où, le 22 décembre 2017 en début d’après-midi, Ernol D., âgé alors de 23 ans, a poignardé son beau-père. Vendredi matin, au 4e jour de son procès, la chambre criminelle a visionné la reconstitution de la scène du crime réalisée quelques mois plus tard.
La victime de 36 ans n’avait pas survécu à ses blessures. Le coup de couteau dans le cœur lui a été fatal. Depuis le départ, Ernol D. invoque la légitime défense. Mais de nombreuses questions se posent, dont celle de savoir comment il a pu désarmer son beau-père. Le jeune homme raconte en effet s’être emparé du couteau pendant leur altercation après avoir été blessé au torse. C’est l’une des scènes clés de la reconstitution. Les images projetées sur le grand écran de la salle d’audience montrent qu’il a même fallu s’y prendre à deux reprises. Car la première fois, la caméra de l’équipe de la police n’a pas suivi correctement tous les mouvements.
«Je ne me laisse pas tuer, ai-je dit. Pour moi, le plus raisonnable était de lui enlever le couteau», lâche Ernol D. Comme le jour du drame, il porte une chemise. Face à un agent de la police technique, il mime ses gestes. Il aurait d’abord donné un «coup de boule» à son agresseur et puis, il lui aurait vrillé un peu la main pour ensuite dégager l’arme en poussant par le bas.
La lame du cutter qui «brillait» dans la poche
«C’est bizarre que vous n’ayez pas de lésions défensives si vous lui avez pris ainsi le couteau…», l’interrompt la juge d’instruction, également visible sur les images. Ernol D. n’est pas d’accord. Sûr de lui, il répète : «C’est la raison pour laquelle je lui ai donné un coup de boule, pour lui faire perdre un peu l’équilibre.» Le geste fatal, c’était après. Mais toujours dans le couloir, à entendre Ernol D. «J’ai hésité. Seulement quand avec sa main droite, il a tenté de le reprendre, je l’ai bloqué et je l’ai poignardé.»
Dans son rapport, le médecin légiste parle de deux coups de couteau : celui d’une profondeur de dix centimètres qui a perforé le cœur de la victime et celui qui a transpercé la chair de son bras gauche jusqu’à l’os. Interrogé sur l’ordre chronologique, Ernol D. semble perdre un peu patience : «Pourquoi tente-t-on de m’irriter? Je suis précis…»
«Non, sinon je ne poserais pas tant de questions…», le reprend la juge d’instruction.
Le couloir est étroit, la reconstitution ne démontre pas le contraire, mais au bout «il y a une porte pour sortir». Or, selon Ernol D., ce n’était pas possible pour lui à cause de la lame du «cutter» qu’il aurait alors vu «briller» dans la poche de pantalon de travail de son beau-père : «Il menaçait de m’éventrer (…) Il aurait pu planter le cutter dans mon cou.»
– «Mais il ne l’avait pas dans sa main.»
– «Mais il le cherchait.»
«Je ne peux pas lui tourner le dos quand je sais qu’il a un cutter parce qu’il peut le sortir à tout moment (…) Je suis grièvement blessé. Je suis en train de crever», ajoutera encore Ernol D. C’est aussi la raison qu’il donne pour avoir suivi son «agresseur» dans le salon. «Je veux juste être sûr qu’il ne prend pas d’autre objet pour me blesser.»
L’arme du crime saisie dans le lit, sous la couette
C’est seulement quand il aurait vu que son beau-père ne pouvait plus l’agresser qu’il serait monté à l’étage «pour regarder mes blessures». «J’ai essayé de ne pas mourir», répond Ernol D. à la question de savoir ce qu’il y a exactement fait. Face à la caméra, il en fait la démonstration. Après un passage au lavabo dans la salle de bains, il s’allonge finalement sur son lit avec le couteau «par peur qu’il ne revienne».
C’est effectivement dans ce lit que la police technique retrouvera l’arme du crime – le couteau en céramique rose – par après. Mais pas simplement déposée sur le dessus. «Le couteau se trouvait entre deux pliures de la couette, sous un coussin», précisera l’agent de la police technique entendu, vendredi, à l’issue du visionnage de la reconstitution.
Le fourreau de l’arme, quant à lui, se trouvait toujours dans la poche du pantalon d’Ernol D. quand on l’a soigné à l’hôpital. Sur les quatre faces, son ADN a également pu être mis en évidence.
Le procès se poursuit mardi matin avec l’audition de deux témoins présents lors du drame : un ouvrier travaillait à la cave. Et la mère était dans le salon. Mais elle a une toute autre version des faits que celle donnée par son fils, Ernol D.
Fabienne Armborst
À lire également sur ce procès :
Beau-père poignardé à Dalheim : l’expert fait parler les traces de sang
Rixe mortelle au couteau à Dalheim : «On joue la perpète dans cette affaire»
Beau-père poignardé à Dalheim : l’étudiant en droit clame la légitime défense