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Femmes excisées : «Rares sont celles qui consultent pour une correction chirurgicale»


Le Dr Annik Conzemius est gynécologue-obstétricienne à la clinique Bohler à Luxembourg. Elle a eu l’occasion de travailler sur un projet de lutte contre les mutilations génitales avec la Fondation Follereau et est parfois confrontée dans le cadre de son travail à des femmes excisées.

Quel est le profil des femmes qui viennent vous voir dans le cadre de mutilations génitales ?

Dr Annik Conzemius : Les femmes qui ont subi des mutilations sexuelles consultent généralement dans le cadre d’une visite ou d’une grossesse, rarement pour des plaintes sexuelles, sauf si les relations sexuelles sont impossibles. Les patientes qui consultent viennent essentiellement d’Afrique subsaharienne (Mali, Sénégal, Burkina Faso). Cela concerne des familles installées au Luxembourg ou des réfugiées.

Les mutilations sexuelles représentent une violence inacceptable à l’intégrité et à la sexualité de la femme. Elles ne sont justifiées par aucune croyance ou religion. Elles relèvent de traditions ancestrales barbares. Les femmes concernées sont gênées d’en parler car cette tradition fait partie de leur environnement culturel. Rares sont celles qui consultent pour une correction chirurgicale. Il est difficile de combattre une croyance qui pense qu’une femme est impure ou indigne d’un homme si elle n’a pas été excisée. Ces mutilations sont malheureusement souvent réalisées à un âge où les jeunes filles ne peuvent se défendre. Heureusement, les mentalités changent et de plus en plus de femmes réalisent l’inutilité de ce geste et s’y opposent.

Quelles formes de mutilations rencontrez-vous et quelles en sont les conséquences sur le plan médical ?

Les formes de mutilations qu’on rencontre vont de l’excision clitoridienne jusqu’à la forme la plus grave avec l’ablation du clitoris et de la vulve et la suture du vagin. La forme grave rend les rapports sexuels impossibles sauf intervention et même les formes moins sévères entraînent de nombreuses complications : infections urinaires à répétition, règles douloureuses, rapports sexuels douloureux et sans plaisir, fistules vaginales, accouchement uniquement par césarienne.

Pratique-t-on des réparations au Luxembourg ?

Ces opérations sont généralement réalisées en milieu universitaire par des médecins qui se sont spécialisés dans cette chirurgie. L’intervention consiste à rechercher les racines clitoridiennes en profondeur, mais les résultats sont variables et une restitution complète est rare. À Luxembourg, les gynécologues se limitent à de petites corrections (incisions vaginales, brides…) et ne réalisent pas d’excisions. Celles-ci sont généralement pratiquées lors de séjours dans le pays d’origine ou peut-être en secret en Europe.

Entretien avec Tatiana Salvan

 

Un commentaire

  1. Merci pour cet article qui tombe à point pour la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines qui a lieu chaque année le 6 février.

    En France, on estime à environ 125 000 le nombre de femmes mutilées sexuellement, et dans un cas sur dix, les filles de ces femmes mutilées le seront également.

    L’excision entraine des conséquences néfastes à court, moyen et long terme et notamment sur la sexualité.

    Il existe des techniques de réparation chirurgicale, mais qu’en est-il de la réparation psychique ?

    https://sexoblogue.fr/mutilations-sexuelles-recommandations-has