Kreso Basic n’est pas du genre à tourner autour du pot. Saison blanche, nombre de pros, avenir du basket, salaire des Luxembourgeois… le coach d’Etzella aborde un tas de sujets qui lui tiennent à cœur.
On ne présente plus Kreso Basic. Le Croate fait partie du paysage du basket luxembourgeois depuis des années et des années. Et le technicien n’a pas la langue dans sa poche quand il s’agit de dire ce qui va. Et ce qui ne va pas. Justement, les dernières décisions de la FLBB l’ont amené à se prononcer.
LA SAISON BLANCHE
«C’est de la comédie»
Kreso Basic n’y va pas par quatre chemins : «C’est de la comédie.» S’il peut entendre la décision de ne pas proposer de relégation, il trouve non seulement qu’il s’agit d’une décision tardive : «Il aurait fallu le faire au moment où la saison a été stoppée. En plus, tous les Américains sont revenus.» Mais aussi injuste : «Qu’on ne fasse descendre personne, pourquoi pas. Mais qu’on n’autorise personne à monter, là j’ai plus de mal. Il aurait fallu trouver un modus pour que des équipes de N2 puissent monter. Quitte à ce qu’on ait exceptionnellement 14 formations au sein de l’élite la saison prochaine. Comment allez-vous convaincre un sponsor de soutenir une équipe de N2 si celle-ci ne peut pas monter?» Quid de l’équité également? «Qu’est-ce qui se passe si une équipe reprend le championnat avec des Américains et quelques journées après les laisse partir? Ceux qui l’affronteront après n’auront plus le même adversaire face à eux», souligne-t-il.
Et de s’en prendre à ceux qui prônaient une saison blanche très tôt dans la saison : «On a le sentiment que la fédération a cédé à la pression d’équipes avec un gros budget, qui ont mal démarré le championnat et que ça arrange d’avoir une saison blanche. La FLBB écoute des clubs au lieu de s’intéresser à l’avenir du basket luxembourgeois.»
LE NOUVEAU CALENDRIER
«Je ne comprends pas»
La FLBB a communiqué il y a quelques semaines sur son nouveau calendrier. Exit les rencontres au meilleur des trois manches pour les play-offs, tout se joue désormais sur un seul match sec. Et cela énerve également le bouillonnant coach croate : «Qu’est-ce que cela change si on finit cinq jours plus tard? Sur un match, tout est possible, mais sur une série c’est une autre histoire. Je ne comprends pas cette décision de tout mettre sur une seule rencontre.»
Avoir moins d’étrangers ne va pas faire aller mieux le championnat luxembourgeois. Bien au contraire
LE DÉBAT SUR LE NOMBRE D’AMÉRICAINS
«Pour progresser, il faut un challenge !»
Kreso Basic a le sentiment qu’avec cette décision on encourage les équipes à laisser leurs Américains chez eux, voire à les renvoyer. Et pour lui, c’est tout le contraire qu’il faudrait faire : «J’ai la sensation qu’on va de plus en plus vers une direction dans laquelle on n’aurait plus besoin de prendre de joueurs américains. Pour moi, c’est une grave erreur. Et avoir moins d’étrangers ne va pas faire aller mieux le championnat luxembourgeois. Bien au contraire.» Il répond ainsi à ceux, comme le Racing pour ne pas le citer, qui prônent l’utilisation d’un seul joueur pro dans leur effectif.
Et d’expliciter : «Qu’est-ce qui permet aux joueurs luxembourgeois de progresser? Le challenge! Et comment avoir du challenge si on n’a plus de joueurs professionnels pour vous pousser? La dernière fois qu’on a gagné le championnat (NDLR : en 2019), des joueurs comme Ivan (Delgado) et Philippe (Gutenkauf) ont progressé d’une manière incroyable, parce qu’à chaque entraînement nous avions quatre pros (ou apparentés). Et c’est un bonheur pour les joueurs.»
UNE SOLUTION RADICALE
«Il faut ouvrir les frontières!»
Pour lui, la solution est toute trouvée : «Il faut ouvrir les frontières complètement. Dire qu’on peut avoir six étrangers par exemple, mais que deux ou trois en même temps sur le parquet. Dans ce cas, que va-t-il se passer? Les joueurs luxembourgeois qui ne le méritent pas ne seront pas payés et les bons le seront. On pourra créer une structure plus professionnelle, avoir plus de qualité à l’entraînement et un environnement de travail bien meilleur. On doit récompenser la qualité, le talent, l’effort et l’attitude de travail. On ne peut pas être payé juste parce qu’on est luxembourgeois. Ça ne suffit pas.» Ce discours, qui va à l’encontre de ce que certains pensent, ne va certainement pas plaire à tout le monde. Mais cela n’empêche pas le coach de dormir : «Les gens me détestent ou m’aiment, peu importe. Ce qui compte pour moi, c’est que je peux regarder tout le monde droit dans les yeux.»
LA QUESTION DU « SALAIRE » DES LUXEMBOURGEOIS
«2 000 euros pour deux entraînements…»
Il est toujours délicat de parler d’argent, surtout en Europe. Mais Kreso Basic met les pieds dans le plat. Il est très clair, sans toutefois citer de noms : «Quand je vois des joueurs être payés 2 000 euros pour s’entraîner deux fois par semaine, cela me met hors de moi.» En clair, il trouve que certains ne méritent tout simplement pas d’être payés parce qu’ils n’ont pas le talent ou qu’ils ne travaillent pas suffisamment. Bref, qu’ils ne le méritent simplement pas. Mais si cela est possible, c’est, toujours selon lui, dû à la compromission de quelques-uns : «En tant que coach, il faut faire ce qu’il y a de mieux pour son équipe. Si on commence à faire des compromis, on perd toute crédibilité.» Par cela, il entend certainement des joueurs qui doivent leur présence en équipe première au fait que papa ou maman est au comité de l’équipe. «Maintenant, c’est humain. Ils veulent garder leur job, c’est compréhensible.»
LES SOLUTIONS POUR AVOIR DU SANG NEUF
«Permettre aux gamins d’arriver en sélection»
L’équipe nationale dispose à l’heure actuelle des meilleurs éléments à sa disposition. Selon Kreso Basic, la FLBB possède quant à elle des personnes de très grande qualité pour faire progresser les jeunes : «Rumen Galabov ou Denis Toroman, pour ne citer qu’eux, ont de très bonnes idées. Il faudrait les consulter pour leur demander ce qui peut être fait pour améliorer la situation. Cela fait longtemps que je demande à la FLBB d’organiser des meetings pour discuter de la question, mais en vain.»
Et d’ajouter : «Et quand je vois que des coaches se gargarisent parce qu’ils sont champions chez les scolaires, je ne comprends pas le concept. La question qu’il faut se poser est celle de la création d’un bon joueur. Comment faire pour que ces gamins puissent, plus tard, intégrer l’équipe première. Et, pour certains d’entre eux, l’équipe nationale. C’est bien là que le bât blesse : les équipes ne fournissent, à l’heure actuelle, pas assez de joueurs pour la sélection. Imaginez si les formations de N1 pouvaient fournir ne serait-ce qu’un joueur par an, cela permettrait d’avoir un réservoir beaucoup plus important pour l’équipe nationale.»
Et de mettre en avant un problème grand-ducal : «Des joueurs comme Tom Schumacher ou Frank Muller font encore partie des meilleurs à leur poste. Alors qu’ils ont bien plus de trente ans et sont presque à la retraite. Je les adore.»
On l’aura compris, Kresimir Basic avait beaucoup de choses à dire. Nul doute que toutes ne plairont pas à tout le monde. Mais, on l’aura également compris, cela ne lui fait ni chaud ni froid. Si ça peut permettre de faire aller le basket luxembourgeois dans la bonne direction, il sera content !
Romain Haas