La championne nationale, quatrième en 2018 des championnats du monde, donne aujourd’hui la priorité à son activité routière. Mais Christine Majerus, qui partira sans pression, devrait être en forme, samedi à Ostende.
Pas de stress. Avec son expérience et sa déjà assez longue carrière, Christine Majerus (33 ans) entrevoit avec sérénité cette édition des Mondiaux 2021 forcément particulière puisque, signe de la longue crise sanitaire qui ébranle le monde, l’épreuve se déroulera à huis clos. Après une saison routière décalée jusqu’à l’automne, la championne nationale qui a déjà signé quatre top 10 dans les Mondiaux avec, en point d’orgue, sa quatrième place à Valkenburg en 2018 puis, l’année d’avant, son septième rang devant son public à Belvaux, a bousculé ses habitudes. Et réduit fortement son calendrier hivernal. Ce qui ne l’a pas empêchée de signer de belles 11e et 13e places lors de la manche de Coupe du monde à Dendermonde puis à Namur. On la retrouvera samedi sur un circuit qui, a priori, ne lui convient pas. Mais sait-on jamais…
Ces Mondiaux d’Ostende auront bien lieu alors qu’ils étaient menacés…
Christine Majerus : Oui, le week-end dernier, lors de la manche de Coupe du monde à Overijse, il y avait un doute, on pensait encore que ce serait peut-être annulé. Mais plus on se rapproche de l’évènement et meilleur est le signal!
Vous aviez débuté votre saison hivernale avec une autre approche que les années précédentes et vous vous étiez expliquée là-dessus. Comment abordez-vous donc ces Mondiaux?
C’est vrai que cette saison a été particulière. J’ai dû m’organiser au dernier moment. Ce n’était pas du tout prévu d’aller courir tous les week-ends en Belgique. Au contraire, j’avais prévu d’effectuer une saison un peu plus tranquille avec les épreuves du calendrier luxembourgeois et quelques courses UCI à l’étranger, sans forcément aller chercher le plus haut niveau. Cela devait rester de l’entraînement pour préparer la saison de route. Mais comme le calendrier luxembourgeois a été annulé, mon choix a été vite fait, cela a été un peu plus compliqué à organiser et cela m’a sans doute coûté pas mal d’énergie. Après, je pense que je me suis assez bien débrouillée avec quelques bons résultats sur des circuits qui me convenaient bien comme à Gavere (8e dans une manche du Superprestige) ou à Dendermonde et Namur en Coupe du monde. J’ai aussi remporté le cyclo-cross international de Hittnau, en Suisse. Ce n’était pas en Belgique mais je pense que la performance était vraiment bonne ce jour-là. La seule contre-performance s’est déroulée le week-end dernier (21e en Coupe du monde à Overijse). Il faut dire ce qui est, je me suis loupée.
Expliquez-nous…
Après analyse, je pense que la forme n’est pas en cause. C’est juste que j’ai réalisé une énorme erreur tactique et je me suis grillée au départ. Je me sentais bien et j’ai bien aimé le circuit à la reconnaissance. Je suis partie confiante et, au départ, cela s’est ouvert devant moi alors que jusque-là, j’avais collectionné les mauvais départs, ce qui m’avait éjectée du top 10. Alors, ça s’est ouvert, je n’ai pas réfléchi et, sur le moment, je n’ai pas eu le sentiment que je prenais une mauvaise décision. Mais lors de la première partie de course à pied, j’ai vraiment eu du mal à digérer l’effort fourni. Et voilà, j’ai lâché prise, il faut dire ce qui est. Mais même si c’est anecdotique, je suis parvenue à effectuer trois bons derniers tours. Le résultat était là, mais cela m’a permis de me rassurer physiquement. Si j’avais été nulle, je n’aurais pas pu récupérer. C’est ça que je retiens. Maintenant, il reste les Mondiaux…
Justement, qu’attendez-vous?
J’avais toujours dit que le sable, ce n’est pas ma tasse de thé, et cela ne l’est toujours pas. Je voulais me rassurer le week-end dernier et cela n’a pas été le cas. Du coup, je ne pars pas avec un mauvais sentiment mais ce n’est pas un sentiment positif non plus pour non dernier cross de la saison. Je n’ai pas de pression, aucun objectif à atteindre, surtout sur ce genre de circuit. Alors autant profiter de cette non-pression pour essayer de m’en sortir le mieux possible.
Au bout du premier tour, je verrai bien si je suis à l’aise ou non et s’il sera possible ou non d’aller batailler pour une belle place.
Avez-vous une tactique?
Je vais essayer d’abord de ne pas reproduire mon erreur du week-end dernier, je vais essayer de partir avec le frein à main. Je verrai d’abord comment je vais m’en sortir techniquement. Au bout du premier tour, je verrai bien si je suis à l’aise ou non et s’il sera possible ou non d’aller batailler pour une belle place. Ce sera ça l’objectif, voir comment se passe mon premier tour et, à partir de là, voir s’il est possible de remonter.
Ce parcours, vous ne le connaissez pas?
Non, mais je sais qu’il y a eu un championnat de Belgique organisé à Ostende il y a trois ans. Il n’y aura pas de surprise, on sait qu’il y aura du sable. Ce sera physique car il faut de la force pour aller vite dans le sable et dans les parties de course à pied. Avec les deux ponts à monter par tour, c’est dur. Les premiers tours, ça va bien mais après deux tours, monter un pont à 20 % sans élan, ça va piquer un peu et ça devient très fatigant en fin de course. Il reste une partie sur un hippodrome qui, a priori, ressemble aux courses belges hyper-rapides que je n’aime pas trop avec du gazon drainé. Il faudra vraiment voir. Cette année, il y a eu des circuits semblables, comme celui de Zolder en Coupe du monde (15e), où je m’en étais bien sortie en dépit d’une crevaison. J’étais bien techniquement, donc j’espère avoir une bonne journée physiquement.
Le principe pour performer dans le sable, c’est quoi justement ?
(Elle rit) Oh, c’est l’entraînement et les opportunités de retrouver souvent ce genre de circuit. Ce n’est pas le cas au Luxembourg où nos cross restent traditionnels et boueux. C’est là qu’on est plus performants. Au contraire, sur ces circuits rapides, on est un poil moins performants. On n’a pas grandi avec ça, contrairement aux Belges et aux Néerlandais. Ça c’est le premier point, le plus important. Personnellement, à l’entraînement, je m’en sors bien mais en compétition, c’est plus compliqué. Je ne cours pas assez souvent sur ce type de circuit pour me dire que ça vaut le coup d’y travailler. J’essaie juste de faire au mieux avec le talent inné, si on peut parler de talent.
Il y a plus de filles et plus de densité, c’est de plus en plus intéressant. Il y a également de plus en plus de jeunes qui voient dans le cross plus d’opportunités que sur la route.
Parlez-nous de vos favorites pour le titre?
Cela va se jouer entre (Ceylin) Alvarado, (Lucinda) Brand et (Denise) Betsema. Avec un point d’avance pour Betsema qui vit sur une île et s’entraîne sûrement tous les jours dans le sable. C’est sans doute la meilleure spécialiste du sable des trois. Après, Alvarado a montré qu’elle était en forme et confiante. Elle a remporté les deux dernières courses, mentalement ça compte aussi. J’ai peut-être un peu moins confiance en Brand, car elle a tout gagné tout au long de la saison et elle est peut-être un peu fatiguée même si elle s’est améliorée dans le sable cette année, après beaucoup de travail. Mais elle n’arrive pas avec l’avantage mental qu’elle aurait pu avoir il y a encore un mois de ça, quand elle gagnait tout.
De nouveaux noms sont apparus cet hiver dans le top 20 de la discipline…
Oui, le cross s’est spécialisé, avant il y avait des filles qui faisaient route et cross en même et, depuis deux saisons, ça devient compliqué pour les routières comme moi. Si on regarde par exemple Marianne Vos (la Néerlandaise de 33 ans a remporté trois titres mondiaux sur route, fut championne olympique et a collectionné sept titres de championne du monde en cyclo-cross), elle reste au top niveau mais elle galère aussi désormais pour rentrer dans le top 10. Cela montre que cela s’est densifié. Un jour, on finit dixième et le jour où vous faites deux petites erreurs, vous terminez 22e. Il y a plus de filles et plus de densité, c’est de plus en plus intéressant. Il y a également de plus en plus de jeunes qui voient dans le cross plus d’opportunités que sur la route. Il y a plusieurs espoirs qui sont pas mal. Beaucoup d’épreuves sur route ont été annulées, mais la saison de cross s’est déroulée à peu près normalement. Le niveau a beaucoup augmenté et, en tant que non-spécialiste, ça devient de plus en plus compliqué de faire sa place alors que, je parle pour moi, mon niveau n’a pas baissé. C’est normal et il faut l’accepter, jouer le jeu, adapter ses ambitions et sa façon de voir le cross. Me concernant, je prends le cross pour préparer la route. Si on ne peut pas se satisfaire de ça, il faut s’investir davantage. Mais je ne peux pas le faire, il faut que je me satisfasse de ça. Mais c’est bon pour le spectacle, c’est bon pour le sport, ça va continuer à évoluer comme ça.
Entretien avec Denis Bastien