Les clubs sont assaillis d’offres de services cet hiver. Crise du coronavirus oblige, les pros n’ont plus peur de faire eux-mêmes la démarche.
«C’est terrible, ça n’arrête pas, je deviens fou.» Robert Janssen, directeur sportif du FC Wiltz, a les circuits qui chauffent. Lui, le Belge, devrait voir son réseau national se mettre en action, quoi de plus normal. Mais là, ça vient de partout. Allemagne, France, Espagne… l’intégralité de l’Europe du football, en ces temps perturbés du coronavirus et de la crise économique, est à l’agonie. Et curieusement, le Grand-Duché semble parti pour devenir une valeur refuge.
«Je confirme : on a reçu un très, très grand nombre de sollicitations, sourit Pascal Welter, directeur sportif du Fola. Nous aussi, on nous a proposé Aly Cissokho (NDLR : le Progrès Niederkorn aussi, notamment, a été contacté pour l’ancien défenseur de Lyon, Valence, Liverpoom et Porto). Je trouvais ça génial, moi, le grand fan de Liverpool. Mais ce n’est pas réaliste». Welter aussi, a vu débarquer sur son bureau les CV des joueurs aux abois. Ligue 2 française, D1 suisse, D1 belge «où des clubs sont en train de mourir» dixit Janssen, 2e Bundesliga…«C’est la première fois que je dirige un mercato hivernal, s’étonne Manou Goergen, au F91. Mais il y a un nombre vraiment très élevé de propositions et les profils sont très, très intéressants.»
Les agents de joueurs qui poussent, derrière ces candidatures spontanées, commencent à développer un argumentaire un poil sournois, à coup de «un tel nom ferait une bonne pub pour le championnat en général et votre club en particulier». Pour certains, ce n’est pas faux mais les clubs de BGL Ligue ont appris à développer depuis quelques années, une politique de recrutement très précise et surtout à s’y tenir. C’est nouveau et cela freine la ruée vers l’or de tous ces professionnels aux abois.
La plupart des agents commencent avec la même phrase fétiche : „Ce n’est pas une question d’argent“
«Il va y avoir de sacrées affaires à faire ces prochains mois et années, c’est certain», avait indiqué Thomas Gilgemann, le directeur du Progrès, en début de semaine. Lui s’est borné à aller chercher, cet hiver, uniquement ce dont il avait besoin : des ailiers. Preuve que la DN mûrit, ils sont nombreux à réfléchir scrupuleusement à leurs vrais besoins et pas aux folies bancales qu’ils pourraient s’autoriser. Une prudence facilitée par les exigences des garçons qui viennent frapper aux portes, depuis deux mois. «La majorité a des attentes non-réalisables», assure Manou Goergen, alors que Dudelange a mis un peu d’argent en cave et pourrait être tenté d’en profiter pour assurer une place européenne. «Il faut leur ramener les pieds sur terre, effectivement!, embraye Illies Haddadji, au RFCU. Même sur une année normale, sans crise financière, on ne pourrait pas se permettre certains garçons pourtant très intéressants, même si ce sont les gars qui sont restés sur le carreau l’été dernier.» «Ils ne se rendent pas compte que c’est un autre monde en fait», pointe Robert Janssen, que même d’anciens coaches de Ligue 1 française et de D1 belge ont relancé alors que le club nordiste vient de prolonger le contrat de Dan Huet. «Pourtant, se délecte Pascal Welter, la plupart des agents commencent toujours avec la même phrase fétiche : „Ce n’est pas une question d’argent“. Ça tombe bien, parce que je crois que partout, on va forcément vers une baisse généralisée des rémunérations.»
Les marchés deviennent fous. Et pour des joueurs qui voient approcher la trentaine avec énormément d’incertitudes, la perspective de débarquer au Grand-Duché, où peut se dessiner une après-carrière, excite désormais les convoitises. Une quarantaine de candidatures spontanées au Racing, qui possède de beaux ambassadeurs avec Omrani, Dembélé ou Mabella, mais aussi le coach Régis Brouard, une trentaine au F91… Au Fola? «J’ai arrêté de compter», avoue Pascal Welter. Au Racing, Illies Haddadji a souvent au téléphone d’anciens coéquipiers qui «commencent vraiment à galérer» avec le Covid. Ça lui fait mal pour ses amis, mais cela le rassure sur l’attractivité toute neuve de la BGL Ligue : «Cet afflux de demandes, c’est un très bon indicateur. Quand je suis arrivé au Luxembourg (NDLR : en 2012, au F91), les agents me disaient : „Mais où tu vas mettre les pieds, là?“ Aujourd’hui, c’est eux qui viennent nous voir. Non seulement, ils suivent la DN, mais en plus ils connaissent bien les clubs. C’est un signe fort.» Luxembourg, nouvel Eldorado du ballon rond?
Julien Mollereau