Menés par Luc Lauer, les Anges de la rue continuent d’apporter un peu de lumière et de chaleur à des familles dans le besoin au Grand-Duché, en cette période de Noël.
Si la crise du Covid donne cette année une tonalité particulière aux célébrations de Noël et du nouvel an, elle a aussi et surtout renforcé la misère de certains habitants du Grand-Duché pour qui les réjouissances auront d’autant plus une saveur amère. C’est le constat implacable qu’a fait Luc Lauer, le fondateur et président de l’association les Anges de la rue (Stroossen Englen), jeune ASBL fondée en 2018 qui vient en aide aux plus démunis en leur distribuant de la nourriture ainsi que des vêtements ou des couvertures.
Appuyés par la Banque alimentaire et le Lions Club, les Anges de la rue ont en effet mis sur pied un programme appelé «Food Box», qui consiste à livrer chaque semaine aux familles en difficulté à travers tout le pays une caisse contenant des denrées alimentaires standard : des pâtes, des conserves de fruits et de légumes, des céréales, de la confiture. Or avec la pandémie, le nombre de familles pauvres auprès desquelles ces Anges interviennent a explosé. «Il y a un an, lorsque nous avons commencé le programme Food Box, nous nous occupions d’une quinzaine de familles. Un chiffre passé à 60 en milieu d’année. Et aujourd’hui, elles sont plus d’une centaine… Hier encore, j’ai reçu une mère de deux enfants âgés de 13 et 15 ans. Elle travaillait dans un garage qui vient de mettre la clé sous la porte. Bien sûr, elle va déposer un dossier à l’Adem mais elle ne touchera pas son chômage avant fin janvier et, en attendant, elle n’a pas d’argent de côté», fait savoir Luc Lauer.
Les personnes dont les Anges s’occupent ont tous les profils : il y a des jeunes parents, des familles monoparentales, des personnes âgées qui n’ont que de petites pensions… Et ces familles qui se retrouvent dans la pauvreté à la suite d’une perte d’emploi ou de la faillite d’une société directement liée à la crise du Covid, assure Luc Lauer, qui s’insurge aussi contre l’attitude de certains patrons profitant du système durant cette période compliquée : «Certains de nos bénéficiaires ont été embauchés au moment où le travail reprenait puis licenciés juste avant l’échéance des trois mois, lorsque la période d’essai devait se transformer en CDI! Moi-même j’ai eu une société, il faut trouver d’autres solutions!».
Le président de l’association craint que la situation continue de s’aggraver et s’attend à devoir venir en aide à encore plus de familles l’an prochain. Il en est persuadé, le nombre de déclarations de faillites va grimper début 2021 et il s’inquiète déjà du manque de moyens auquel son association risque d’être confrontée pour faire face à toute cette misère. «Nous sommes une douzaine de bénévoles (sept sur le terrain), et effectuons toutes les distributions le soir car nous travaillons la journée. Nous n’avons en effet pas le budget pour toucher un salaire en travaillant au sein de l’association. Le problème c’est que si la demande augmente, nous ne serons peut-être plus suffisamment nombreux et nous manquerons de véhicules. Et trouver des personnes prêtes à s’engager comme nous, tous les soirs, ce n’est pas une mince affaire.»
Des familles contraintes de fouiller dans les poubelles
Pour bénéficier de l’aide des Anges de la rue, pas besoin de justificatifs, comme le demandent les services sociaux. Le bouche-à-oreille et les rencontres faites au hasard, la confiance, sont le mode de fonctionnement de ces Anges. «Les familles dont on s’occupe nous signalent d’autres familles dans le besoin. Nous avons aussi apporté notre aide à des familles que nous avons vues fouiller dans les poubelles. Ces personnes m’ont montré où elles vivaient et c’est catastrophique… Lorsqu’on voit ça – des matelas par terre pour dormir, des cuisines vides –, je ne crois pas qu’on ait besoin de demander un quelconque justificatif de revenu. On ne donne pas aux gens qui ont une Mercedes devant la porte et qui sont couverts de dettes. On sait repérer les abus!»
Si rien n’est pour l’instant prévu pour le jour même de Noël, Luc Lauer et ses camarades restent sur le pied de guerre, toujours prêts à rendre service. «Si des boulangeries nous appellent par exemple, nous irons faire une distribution. Et mon téléphone reste également toujours allumé. La misère ne connaît pas les jours fériés.»
Tatiana Salvan
Aide aux sans domicile fixe
Après deux ans sur le terrain, les Anges de la rue ont cessé la distribution de nourriture directe aux sans domicile fixe à Bonnevoie, la faute aux trop nombreuses insultes et menaces (verbales et au couteau) auxquelles l’équipe a dû faire face et aux incessantes bagarres. «Nous exigions que les personnes mangent sur place et n’emportent pas les sandwiches avec elles. Cela déplaisait à certains. Nous effectuions cette tournée sans protection et avons dû appeler la police une trentaine de fois», déplore Luc Lauer, qui a déchanté depuis notre dernier reportage. Du coup, les Anges apportent les invendus des boulangeries au bistrot social «Le Courage», où «passent en moyenne entre 120 et 150 personnes par jour». «Ils se chargent de la distribution directe pour nous car ils disposent d’un service de sécurité. Nous travaillons aussi, entre autres, avec Médecins du monde et le presbytère de Bonnevoie, quand nous recevons des vêtements ou des couvertures par exemple. Nous n’avons pas complètement coupé le projet auprès des sans-abri, mais nous l’avons adapté.»