La caissière licenciée en 2017 conteste avoir volé. Elle l’a répété à la barre du tribunal correctionnel. Mais son ex-employeur s’appuie sur les images de vidéosurveillance de la boutique…
«Tout ce qui est payé en cash ne figure pas dans le journal de caisse.» Les images des caméras de vidéosurveillance de la boutique proposant snacks, boissons, tabac et services Post, située dans une petite commune du centre du pays, défilent sur l’écran de télévision installé dans la salle d’audience. La gérante commente les séquences où, selon elle, la caissière tapait dans la caisse. «Elle n’a pas à faire toutes ces manipulations sur l’écran. Elle doit juste scanner l’article. La caisse s’ouvre, elle encaisse l’argent et c’est bon.»
Les opérations douteuses qui font l’objet de la citation directe, il y en a un paquet. Voilà pourquoi la 12e chambre correctionnelle avait décidé de visualiser les images sur lesquelles l’employeur appuie ses reproches. Il est convaincu que, lorsqu’un client payait en espèces, la caissière en profitait pour ne pas enregistrer certaines ventes. «Elle manipule « le plan de table » comme si elle servait un café ou un croissant au comptoir.» Un modus operandi qui lui aurait permis de soustraire des petites sommes par-ci par-là. Car à l’époque la fonction permettait d’effacer par la suite l’opération sans laisser de traces dans le journal de caisse.
Ce sont des heures et des heures de vidéos qui ont décortiquées pour ce procès. Dans la matinée du 27 mars 2017, on peut ainsi voir un client acheter l’hebdomadaire Spiegel et un livre de poche, mais, selon la gérante, la caissière n’enregistre qu’un simple café de 2 euros dans la caisse. Pour un gros bretzel à 12,20 euros, ce n’est qu’un cookie à 1 euro qu’elle aurait enregistré. Un peu plus tard, elle aurait encaissé deux paquets de cigarettes d’une valeur de 6,25 euros, mais n’en aurait encodé qu’un seul…
La calculette et le petit bout de papier
Confrontée à ces images, la caissière, licenciée mi-avril 2017, conteste le moindre vol. À la question du tribunal «combien de fois avez-vous mis la main dans la caisse, Madame?», sa réponse est catégorique : «Jamais.» Si elle a manipulé l’écran de caisse, c’était pour rechercher l’article qui ne passait pas. Mais l’employeur n’y croit pas. «Les cigarettes passent toutes. Car c’est un produit en gestion de stock. Il y a juste à le scanner.»
Autre scène qui dérange la gérante : pourquoi la caisse reste-elle très souvent ouverte? Et ce petit bout de papier qu’elle glisse ensuite dans sa poche? «Il n’y a aucun intérêt.» Ce n’est toutefois pas ce que déclare la caissière. «Quand un article ne passait pas, il fallait exactement savoir ce que c’est pour l’encoder dans l’ordinateur. Je notais donc le montant pour dire à ma responsable la somme qui n’était pas enregistrée.» Et la calculette? «C’était pour rendre la monnaie», se défend encore l’employée. La gérante a toutefois une autre explication : «Elle compte ce qu’elle va se prendre à la fin de la journée…»
C’est plus particulièrement la disparition d’une cartouche de cigarillos, début avril 2017, qui avait éveillé les soupçons envers l’employée. L’article que venait acheter un client particulier avait disparu. Mais il n’était pas sorti du stock. En comparant les ventes enregistrées dans la caisse et les images des caméras de surveillance du magasin, la gérante avait pu mettre la main sur la transaction douteuse : la caissière n’avait pas scanné correctement le paquet, mais avait pourtant bien vendu les cigarillos. Elle affirme également avoir constaté que la caissière visée par la citation directe avait beaucoup moins de ventes en cash que ses collègues.
À l’issue de quatre jours de procès, mercredi après-midi, la partie requérante a réclamé au titre du préjudice matériel 30 000 euros et demandé une indemnité de procédure de 1 500 euros. «On a les images vidéo comme preuves. La caissière manipule inutilement la caisse. Ce qui lui permet de s’approprier des fonds», appuie Me Nora Dupont.
«La monnaie échangée provenait des brocantes»
L’avocat de la partie adverse n’est pas d’accord. Il se demande d’où sort cette somme. Car en additionnant tous les montants qui figurant dans la citation directe, on arrive à quelque 850 euros. Et dans la lettre de licenciement, il était question de 400 euros. Me Nicolas Duchesne constate également que la gérante, qui est l’épouse de l’employeur et qui a analysé toutes les images, a un intérêt financier direct dans la condamnation. Il plaide l’acquittement au bénéfice du doute et sollicite une indemnité de procédure de 5 000 euros. «Le motif idéal pour la mettre à la porte était le vol.» La partie citante avait, par ailleurs, avancé que la caissière apportait régulièrement de la monnaie à un autre commerçant. «Cette monnaie à échanger provenait surtout des produits vendus lors de brocantes», estime Me Duchesne.
«Je suis innocente», a répété la citée directe avant que les juges ne prennent l’affaire en délibéré. Dans son casier judiciaire figure déjà une condamnation pour vol domestique : 3 mois avec sursis. Ses derniers mots à la barre : «Plus jamais je n’ai volé depuis que j’ai été jugée.» Comme régulièrement dans les affaires de citation directe, le parquet se rapporte à prudence de justice.
Prononcé le 28 janvier.
Fabienne Armborst