La Chambre des députés crée un nouveau service, celui de l’expertise, et recrute des doctorants pour le composer. Des renforts pour les députés parfois perdus.
Les renforts sont sur le point d’arriver. Enfin ! Les députés émettaient ce vœu pieux depuis longtemps, perdus dans le jargon des démonstrations scientifiques, juridiques ou éthiques de textes qui leur donnent souvent du fil à retordre. Pour mieux comprendre et appréhender les projets de loi que leur soumet l’exécutif, la Chambre des députés crée un service d’experts, trois doctorants dans trois domaines distincts, en droit, en sciences naturelles, en économie et/ou en finances.
Le président de la Chambre des députés, Fernand Etgen, reconnaît que cela faisait longtemps que ce projet était discuté «sans jamais aboutir», affirme-t-il au Quotidien. Le nouveau secrétaire général de la Chambre des députés, Laurent Scheeck, élu en février dernier, a accéléré le mouvement. «Le recrutement a commencé et les candidatures arrivent déjà», nous assure Laurent Scheeck.
Comment va fonctionner cette cellule d’experts et pour qui exactement? L’objectif est de mettre à la disposition des députés cette cellule de manière à ce qu’un groupe politique, voire une commission, puisse faire une demande auprès de la Conférence des présidents pour obtenir une expertise. Tout le monde peut émettre une demande, mais les députés ne pourront pas adresser leur demande directement à la cellule d’experts. «L’idée n’est pas de cadenasser l’opposition. C’est une procédure normale, c’est le fonctionnement normal de la Chambre», précise Laurent Scheeck.
Jusqu’ici, les députés puisaient leurs informations auprès des experts des ministères qui venaient en commission expliquer un projet de loi. «Le problème est que ces experts des ministères sont bien souvent les auteurs des projets de loi. Ils sont certes les mieux placés pour en parler, mais ils ne vont pas forcément en révéler les défauts», ajoute le secrétaire général. D’où la raison d’être d’une cellule «politiquement neutre et indépendante».
Les députés peuvent également mener des recherches eux-mêmes via leur fraction et s’inspirer des études internationales et européennes, les assemblées interparlementaires sont aussi un lieu propice d’échanges d’expériences. «Les députés n’étaient pas totalement dépendants des informations qui leur parvenaient des ministères. L’idée est de donner une source d’informations supplémentaire pour élever encore davantage le niveau global des débats», souligne Laurent Scheeck.
Cette expertise se fera en collaboration avec le Fonds national de la recherche (FNR), «qui va jouer un rôle d’intermédiaire», selon le secrétaire général. «Il va nous aider à chercher des experts sur un sujet particulier en puisant dans les instituts de recherche du pays. Nous pourrons externaliser une partie de l’expertise avec une exigence de neutralité politique des rapports que l’on recevra», ajoute-t-il.
Évaluation des politiques publiques
Un autre dossier est toujours en souffrance, il concerne l’évaluation des politiques publiques. C’est un autre vœu pieux des députés. «J’ai l’intention de mettre en place un autre service avec d’autres acteurs pour atteindre cet objectif-là aussi», annonce Laurent Scheeck. «Pour l’instant, nous avons une coopération avec l’université du Luxembourg pour débattre de cette évaluation, mais rien n’est en place d’un point de vue institutionnel. J’ai déjà eu des réunions pour conceptualiser la chose et l’idée est de lancer le service assez rapidement», poursuit-il.
Là encore, les députés ne partent pas du néant. «Au parlement, on évalue en permanence en quelque sorte. On demande des bilans, des institutions comme le Liser pratiquent des analyses régulières des politiques publiques et des fondations privées en font autant», rappelle le secrétaire général.
Pour l’heure, c’est le service d’expertise qui se met en place, un premier pas franchi.
Geneviève Montaigu
La Chambre et le monde scientifique
Le service s’inspire des pratiques en cours dans d’autres parlements nationaux, à l’instar des «Wissenschaftliche Dienste» (Services scientifiques) du Bundestag allemand, des spécialistes du Parlement européen ou encore des comités scientifiques du Parlement britannique.
Parmi les missions des futurs experts figurent des recherches approfondies et des publications sur des sujets stratégiques et la rédaction de fiches d’information sur des sujets scientifiques d’intérêt politique. Les membres de la cellule devront également approfondir des liens avec la communauté de recherche et organiser des conférences et des colloques.
La Chambre des députés dit entretenir des liens étroits avec le monde scientifique. Elle cofinance la chaire de recherches en études parlementaires de l’université du Luxembourg, soutient des publications, organise des colloques et lance des projets-pilotes comme le «Pairing Scheme» en collaboration avec le Fonds national de la recherche qui met en tandem des élus et des chercheurs.