Il faisait froid et nuit lorsque deux hommes avaient découvert, fin novembre 2018, l’enfant sur un parking de la capitale. Le père avait fini par sortir d’un cabaret. Son procès a eu lieu mardi matin.
Un enfant de trois ans seul dans une voiture, vers 4 h du matin, sur un parking près de l’ancien siège de l’ARBED, avenue de la Liberté à Luxembourg. La vidéo avait fait le tour des réseaux sociaux. C’était le 27 novembre 2018. Sans chaussures ni bonnet, gants ou foulard… le petit avait été découvert par deux hommes qui s’étaient garés à proximité. Un peu plus de deux ans plus tard, le procès du père (44 ans aujourd’hui) a lieu. Poursuivi pour avoir «délaissé en un lieu solitaire» son enfant, le quadragénaire a dû s’expliquer mardi matin à la barre.
La police n’avait pas été alertée sur le coup par les témoins de la scène. C’est par les nombreux appels de personnes ayant vu leur vidéo qu’elle avait eu vent de l’affaire. La section protection de la jeunesse de Grevenmacher s’était saisie de l’enquête. Les images montraient non seulement l’«enfant apeuré» assis à l’arrière de la VW Golf, mais la plaque d’immatriculation était également visible. Ce qui avait permis à la police d’identifier rapidement son propriétaire. Contacté, ce dernier avait déclaré avoir dû rejoindre d’urgence cette nuit-là son ex-femme qui travaillait dans un bar. Ce qui expliquait pourquoi il avait laissé son fils seul dans la voiture. Mais pas plus de 5 minutes.
Assez vite, on s’était toutefois aperçu que cette version ne tenait pas la route, car son ex était en arrêt de travail. Dans une deuxième version, le père avait indiqué être seulement parti quelques minutes, sinon la voiture se serait verrouillée d’elle-même…
«Il a dit que son papa était allé faire pipi»
L’enquête n’a pas permis de déterminer la durée durant laquelle le père s’est réellement absenté. Les témoins, qui ont découvert l’enfant et l’ont recouvert avec une veste, parlent de 20 à 30 minutes. «Sur le parking où on s’est garés, on a entendu un petit enfant. L’enfant ne criait pas, mais faisait du bruit», a déclaré hier face aux juges l’un d’entre eux. La voiture n’aurait pas été verrouillée. «Il a dit que son papa était allé faire pipi.» Le témoin précise encore que lui et son ami sont allés chercher pour l’enfant un verre d’eau dans un cabaret-club situé à proximité. C’est de là qu’était finalement sorti le père. Disant être «désolé» et parlant d’«une erreur», il serait monté dans sa voiture.
«Je m’excuse. Je suis responsable de tout ce qui s’est passé.» Tels étaient ses premiers mots mardi matin à la barre. Mais d’après lui, c’est pendant 15 minutes maximum qu’il a laissé son fils seul. Car il serait juste allé acheter des cigarettes. «Pourquoi ne pas avoir dit tout de suite la vérité?», a tenté de comprendre le président.
«Par panique…», a répondu le prévenu qui dit avoir suivi une psychothérapie après les faits.
Or, selon le second témoin entendu par la police, quand il est rentré dans le cabaret, le quadragénaire était en train de boire du champagne en compagnie de deux femmes qu’il avait dans ses bras. Le tribunal n’a pas manqué de l’y confronter.
– «Ce n’est pas vrai.»
«Laisser lors de températures froides son enfant de trois ans seul sur le parking pour aller aux toilettes, boire du champagne ou être avec des femmes…, que ce soit pour une minute ou une heure et demie n’est pas tolérable. Imaginez la peur de l’enfant quand il se réveille», a tenté d’inculquer le président.
Aujourd’hui, le quadragénaire a toujours la garde de son fils. À entendre son avocat, il y a eu une assistance éducative à la suite de cette affaire. Le lendemain, le père avait présenté à la police un certificat d’un pédiatre attestant que son fils était «en bonne santé» et n’avait «pas de signe de maltraitance». «Ce n’était pas pour se déculpabiliser, mais pour être certain que l’enfant allait bien», a argué Me Philippe Stroesser. Il demande au tribunal une suspension du prononcé. Ce qui signifierait que la culpabilité du père serait bien retenue, mais aucune peine prononcée.
La partie civile réclame 150 000 euros de dommages
Dans son réquisitoire, le parquet a parlé de «faits graves» : «Ce n’est pas tolérable de laisser un enfant seul. C’est irresponsable!» Soulevant la circonstance aggravante que le coupable est le père de l’enfant, sa représentante a requis 18 mois de prison. Pour la question du sursis, elle se rapporte à prudence de justice. Contre le second prévenu, âgé de 30 ans, qui accompagnait le quadragénaire cette nuit-là, mais qui visiblement n’a rien entrepris pour l’empêcher de laisser l’enfant seul, 9 mois de prison ont été requis. Contrairement au père, le trentenaire ne s’est pas présenté au procès.
L’administrateur ad hoc de l’enfant mineur s’est constitué partie civile et réclame 150 000 euros de dommages et intérêts à chacun des deux prévenus. «Pour qu’il comprenne à quel point ce qu’il a fait est grave», a lancé l’avocate au père.
La 18e chambre correctionnelle rendra son jugement le 14 janvier.
Fabienne Armborst