Après l’urgence et la méconnaissance du virus, l’humanité et la dignité doivent reprendre leurs droits dans le quotidien des personnes en fin de vie très touchées par la crise.
Donner la vie seule, attendre des résultats médicaux seul, mourir seul… Les conséquences de la pandémie de Covid-19 ne sont pas qu’économiques ni sanitaires. L’urgence de répondre à la menace a entraîné une déshumanisation de ces moments dans lesquels on a le plus besoin des autres, de ses proches. Pour protéger la vie, on l’a isolée et la solitude a envahi de nombreuses existences depuis le confinement. Le secteur des soins a retenu la leçon et, au fur et à mesure de l’évolution des connaissances sur le coronavirus, il a adapté sa manière de procéder pour réunir les familles lors de ces moments clés.
Maintenir le lien
Mardi, Omega 90, association en faveur des soins palliatifs, a abordé ces aspects lors de ses assises placées sous le thème de «Covid-19 et la fin de vie». Des leçons ont été tirées. Les mesures d’isolement ont été vécues comme un fardeau pour les patients, leurs familles et le personnel soignant, alors que les moyens de protection et les tests rapides existent. Partant de ces deux constats, les groupes de discussion composés de professionnels de la santé se sont interrogés sur les alternatives à mettre en place et les moyens d’y parvenir pour le bien-être de tous. Ils en ont notamment déduit qu’il était important d’informer les personnes concernées afin qu’elles puissent décider pour elles-mêmes, de ne pas isoler les personnes testées négatives au virus, de continuer d’organiser des activités en extérieur, de considérer légalement les bénévoles au même titre que le personnel des maisons de soins et de repos et pas uniquement comme des visiteurs, et de légaliser les visites aux patients des soins palliatifs, entre autres.
Les ministres de la Santé et de la Famille, Paulette Lenert et Corinne Cahen, ont réagi à ces conclusions lors d’une table ronde. La ministre de la Famille a reconnu l’importance des bénévoles : «Souvent, quelqu’un de la famille vient s’occuper du malade. Si cette personne ne peut plus effectuer cette tâche, elle retombe sur le personnel. Ce ne sont pas uniquement des visiteurs, ce sont des personnes qui facilitent la vie des maisons de soins et de repos. L’absence de kinésithérapeutes ou de coiffeurs a aussi eu un impact. (…) Il ne faut pas oublier la dimension de santé mentale et les bienfaits des interactions sociales pour les personnes âgées.»
Protection et déshumanisation
Les témoignages de détresse s’accumulent. Certaines personnes âgées qui ne sont plus sorties de leur chambre dans des maisons de retraite depuis le mois de mars, des personnes désorientées ou victimes de démence qui se sentent perdues face à toutes ces nouvelles mesures qu’elles ne parviennent pas à appréhender, cette dame que l’époux, vulnérable, n’a pas pu accompagner dans la mort parce que les mesures sanitaires dans les hôpitaux ne sont pas adaptées à ce type de situations…
La présence des familles et des proches est également indispensable au chevet des personnes en fin de vie et mourantes. «Les bénévoles ont tenté de maintenir un contact par téléphone ou par des moyens digitaux, mais les contacts avec les mourants sont chargés d’émotions. Ces émotions ne passent souvent pas par les mots, elles passent par un regard, un geste, une simple présence… Une tablette ne les remplace pas», indique Diane Duhr, la présidente d’Omega 90. Ceux qui restent ont également besoin de ces moments pour faire leur deuil. Nombreuses seraient les familles choquées d’avoir «dû» laisser un parent mourir seul.
Les mesures prises en urgence au début de la pandémie manquaient donc d’humanité. Heureusement, le personnel soignant a compensé ce manque et tenté de remplacer les membres des familles. «De la femme de ménage au médecin en passant par les soignants, il y a eu beaucoup d’humanité. Il ne faut pas oublier ni négliger le rôle qu’ils ont joué. Leur humanité nous a sauvés durant cette crise», a souligné Corinne Cahen.
La solitude a un impact certain sur le moral de tous et plus particulièrement des plus vulnérables. Elle emprisonne et crée l’incompréhension. Heureusement, une certaine flexibilité est déjà de mise au cas par cas dans les maisons de soins et de repos, tant que les gestes barrières et les mesures sanitaires sont respectés.
Sophie Kieffer