Coïncidence ou corrélation ? Les zones les plus touchées en Allemagne par la deuxième vague de la pandémie sont des bastions de l’extrême droite, opposés aux restrictions et sensibles aux thèses complotistes.
« Il est frappant de constater que les régions les plus touchées sont celles où le vote AfD a été le plus élevé » lors du dernier scrutin législatif de 2017, résume le commissaire du gouvernement aux anciens Länder de l’Est, Marco Wanderwitz, lui-même originaire de Saxe.
Cet Etat-région d’ex-Allemagne de l’Est est le cas le plus emblématique. Il présente le taux d’incidence le plus élevé d’Allemagne, atteignant mardi 319,4 pour 100 000 habitants, quand la moyenne fédérale s’élève à 114,2, selon l’institut Robert Koch.
Ce même Land avait placé en 2017 l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) en tête (27%), et donné au parti d’extrême droite son meilleur score fédéral.
Une équipe de l’Institut pour la démocratie et la société civile, basée dans la région voisine de Iena, vient de lancer une étude sur la « corrélation statistique forte et très significative » entre vote pour l’AfD et intensité de la pandémie, a annoncé sur Twitter son directeur, Matthias Quent.
« Il pourrait y avoir des facteurs qui expliquent les résultats élevés de l’AfD et en même temps des valeurs d’incidence élevées », sans que cette corrélation soit le seul facteur explicatif, met toutefois en garde ce chercheur.
La proportion de personnes âgées et de familles nombreuses, la présence de travailleurs transfrontaliers ou encore l’organisation du système de soins, différente selon les Länder, influent aussi sur le dynamisme de la pandémie.
« Burqa pour tous »
Parmi les partis allemands, l’AfD est cependant le seul à avoir affiché son scepticisme, voire son opposition aux restrictions. Ses députés ont rechigné dans l’enceinte du parlement à porter le masque, comparé à une « burqa pour tous » par un des leurs.
Plus d’un électeur sur deux de l’AfD (56%) juge excessives les mesures de restriction, selon un récent sondage Forsa.
Et les passerelles sont nombreuses avec le mouvement allemand des « libres-penseurs », qui réunit dans des manifestations régulières un assemblage hétéroclite d’opposants aux vaccins, militants complotistes et sympathisants d’extrême droite.
Près d’un tiers de ces manifestants souhaiteraient voter pour l’AfD aux élections de 2021, révèle une étude pour le quotidien FAZ.
En Saxe, la situation sanitaire s’est tellement dégradée que les autorités ont annoncé mardi de sévères restrictions, avec la fermeture dès lundi des écoles, garderies et de nombreux magasins.
Dans des villes saxonnes comme Görlitz ou Bautzen, où l’extrême droite séduit plus d’un électeur sur quatre, le taux d’incidence avoisine les 400.
A l’inverse, dans la première ville du Land, Leipzig, en voie de gentrification et où la gauche a le vent en poupe, le taux d’incidence est proche de la moyenne fédérale, avec mardi 140,1.
« Corona-scepticisme »
Dans cette région, berceau du mouvement islamophobe Pegida, le « corona-scepticisme » trouve un large écho, y compris au sein du personnel médical ou parmi les décideurs économiques.
A Bautzen, le premier contribuable, Jörg Drews, dirigeant d’une entreprise de BTP, a financé des publications conspirationnistes, selon la chaine publique ARD. La Saxe n’est pas la seule concernée par ce phénomène.
Le district de Regen, en Bavière, présentait ainsi mardi le taux d’incidence le plus élevé de toute l’Allemagne, à 578,7. Il avait aussi offert il y a trois ans son meilleur score en Bavière à la formation d’extrême droite, à plus de 16%.
En Rhénanie du nord-Westphalie, la ville de Gelsenkirchen, où l’AfD a fait son plus haut score dans ce Land le plus peuplé du pays, l’incidence est trois plus élevée que dans la métropole proche de Münster (169 contre 56).
A l’inverse, les circonscriptions bénéficiant des taux d’infection les plus faibles, pour la plupart situées dans le Schleswig-Holstein (nord) votent à moins de 8% pour l’extrême droite.
« Le lien entre la scène conspirationniste et celle de l’extrême droite est malheureusement logique, car elles partagent de nombreuses théories. Ainsi, pour les deux, une petite élite contrôle secrètement les événements au détriment des +Allemands+ », explique à l’AFP le chercheur Miro Dittrich, chercheur à la Fondation antiraciste Amadeu-Antonio.
AFP