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Transfrontalier : si on « changeait de modèle » ?… Puisqu’on a déjà commencé


L'Agence d'urbanisme de Lorraine-Nord (Agape) propose un rapport franc et lucide sur ce que la crise a changé dans le transfrontalier. Et le chemin qu'il reste encore pour un territoire plus fort (Photo d'illustration : Agape).

L’Agence d’urbanisme de Lorraine-Nord (Agape) publie une étude sur l’impact du Covid-19 en Grande Région. Le virus a joué le rôle d’un puissant révélateur des interdépendances entre la Lorraine et le Grand-Duché. Et maintenant ? L’Agape suggère la nécessité de « changer de modèle », pour voir s’accomplir une transition sociale, économique et écologique incontournable.

Vous les avez vues, toutes ces images d’élus luxembourgeois, français ou allemands, postés derrière leur écran, si pro-actifs pour surmonter le virus « ensemble » ? On a envie de crier « fake news ! », en lisant le dernier rapport de l’Agape. Si les chercheurs lorrains admettent quelques élans transfrontaliers, le soufflet retombe à l’épreuve des faits.

Un exemple concret ? La gestion médicale : oui des patients français (une dizaine) ont pu être accueillis au Luxembourg au début de la crise. Oui, « la stratégie de dépistage massif du Luxembourg, en portant sur la population et la main-d’œuvre, donc les frontaliers, a permis d’assurer indirectement le dépistage d’une partie de la population du Nord-lorrain », note l’Agape. Mais quelques pages plus loin : « En 2018, l’ensemble des frontaliers ont généré un excédent de cotisations sociales de 211M€ pour les finances publiques luxembourgeoises. C’est peut-être cette contribution qui a permis, au moins en partie, au Luxembourg d’être aussi efficace dans la lutte contre l’épidémie, lui permettant de mobiliser rapidement les moyens de mettre en œuvre une stratégie de dépistage massive (40 M€) et d’assurer la distribution de 10 millions de masques (70 M€) à sa population et aux frontaliers ». Aïe…

Le besoin d’une frontière ouverte

Mais le cœur du rapport est ailleurs : nous avons vu concrètement ce que donne la fermeture des frontières en Grande Région. Ce n’est qu’au prix de contorsions énormes (fin des plafonds fiscaux du télétravail, démarches diplomatiques complexes etc.) que la machine a pu continuer à tourner. Aux bénéfices des deux côtés. Mais ces rustines de fortune ne pourront tenir éternellement : « la qualité du dialogue franco-luxembourgeois et la solidarité affichée durant cette crise plaident désormais pour un changement de posture » dans la coopération transfrontalière, écrit l’Agape.

S’attaquer enfin aux problèmes de fond… avec la même ardeur !

Le rapport évoque le problème persistant d’un territoire à deux (trois, quatre…) vitesses, qui ne donnera jamais une métropolisation harmonieuse, à défaut d’être exemplaire. L’un des principaux problèmes reste le même : le manque à gagner fiscal local (ancienne taxe pro) pour les entités politiques de Lorraine-Nord, du fait du défaut d’entreprise dans les zones frontalières, alors qu’elles ont une main d’œuvre à assumer : ce trou dans les caisses est estimé à 55,8 M€ pour la seule année 2018 ! Comment faire un espace transfrontalier plus résilient, le terme est à la mode chez nos politiques, avec de telles carences ?

Le rapport s’interroge aussi sur l’avenir du télétravail : près de 144 000 déplacements quotidiens ont été évités à l’échelle du Nord-lorrain pendant le confinement, majoritairement du fait des frontaliers à la maison, soit 10% de l’ensemble des déplacements économisés. Problème : le pérenniser de façon trop franche mettrait numériquement encore plus en concurrence les entreprises lorraines et luxembourgeoises. Ne pas lui donner un nouvel élan briserait ces bons chiffres écologiques : « les mesures montrent une baisse de la concentration en dioxyde d’azote (NO2) de 54% aux abords de l’A31 entre Metz et Thionville et de plus de 30% au Luxembourg ». On a encore jusqu’au 31 mars 2021 pour y réfléchir…

Le rapport évoque enfin un problème de cadre de concertation adapté en Grande Région : « Dans le Nord-lorrain, la coopération transfrontalière apparaît hétérogène et morcelée […] Il y a là une échelle intermédiaire à trouver pour la coopération transfrontalière, celle d’un « Grand Luxembourg-Ville », associant le Grand-Duché et l’ensemble des territoires inscrits dans son sillage. »

Hubert Gamelon

Le rapport est disponible dans le lien suivant.

 

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