Des vignerons sur les marchés à Luxembourg ? C’est un grand «oui !» que les vignerons adressent à Patrick Goldschmidt qui avait lancé l’idée ici même il y a deux semaines.
Le 14 novembre dernier, dans ces colonnes, l’échevin de la capitale Patrick Goldschmidt évoquait son envie de voir les vignerons luxembourgeois sur les marchés de Luxembourg les mercredis et les samedis. «Je serais très content de mettre ces produits locaux et de qualité en avant, expliquait-il. Je peux d’ailleurs vous dire que je vais très prochainement proposer au collège échevinal de réfléchir à un concept qui permettrait aux vignerons luxembourgeois de venir sur nos marchés.»
Ce n’est pas une surprise, ces mots ont reçu un accueil très favorable sur la Moselle. «L’idée est excellente, nous apprécions fortement cette proposition de Patrick Goldschmidt qui permet d’intensifier la visibilité mais aussi l’accessibilité des vins et crémants luxembourgeois dans notre capitale», avance Claire Sertznig, qui coordonne Vins et Crémants Luxembourg depuis l’Institut viti-vinicole de Remich.
Le président de l’Organisation professionnelle des vignerons indépendants (OPVI), Ern Schumacher (domaine Schumacher-Lethal, à Wormeldange), est lui aussi très enthousiaste. Cela fait d’ailleurs un bout de temps que les domaines portent cette envie. «Ce serait très intéressant parce que chaque vigneron pourrait se faire connaître, ça nous ferait une bonne publicité ! apprécie-t-il. Et puisque l’on tournerait, les clients verraient toute la diversité des producteurs. Ils pourraient acheter quelques bouteilles pour les boire à la maison et, s’ils ont aimé, ils pourraient passer commande chez nous. Nous pourrions créer pas mal de contacts comme ça.»
Guy Krier (domaine Krier-Welbes, à Ellange-Gare), vice-président de l’OPVI, rappelle que ce concept existe déjà à Trèves : «Les vignerons tiennent un stand dans les rues piétonnes et ils viennent à tour de rôle présenter leurs produits, explique-t-il. C’est un système qui fonctionne bien et dont on tirerait certainement beaucoup d’avantages.»
«Intégrer la totalité des vignerons»
Bien que sa maison n’ait pas du tout la même surface, le directeur général de Bernard Massard, Antoine Clasen, serait lui aussi partant. «Toutes les idées sont bonnes à prendre !, sourit-il. Que la Moselle ait une belle visibilité sur le Knuedler, on ne peut pas le refuser, cette idée est sympa. En ce qui me concerne, je ne pense pas que je viendrais représenter Bernard Massard, qui est déjà une marque très présente et bien connue, je préférerais plutôt porter le Clos des Rochers ou le Château de Schengen (NDLR : propriétés de sa famille), que le grand public connaît moins.»
Du côté du plus grand faiseur du pays, les Domaines Vinsmoselle, l’enthousiasme est là, mais avec un peu plus de mesure. Patrick Berg, le directeur de la coopérative : «L’idée est bonne en soi, mais je me rappelle une action similaire lors d’un marché de Noël en Ville, qui avait eu peu de succès. Probablement à cause de l’emplacement et de la différence de caractère entre un marché de Noël et un marché classique.» Pour lui, le concept du vigneron sur le marché a des limites : «La question principale pour moi, c’est le rapport coût-résultat. Une vente à emporter me semble difficile, car je vois mal des clients se balader en ville avec un ou deux cartons de vin en plus de leurs courses. À mon avis, ce serait donc plutôt une dégustation pour déclencher une prise de commande avec livraison par la suite.» Ce qui, dans le fond, ne serait pas si mal.
Si, comme le relevait Patrick Goldschmidt, «tout reste à écrire», Claire Sertznig estime qu’un tel stand pourrait parfaitement se placer «sous la bannière commune des Vins et Crémants Luxembourg, ce qui permettrait d’intégrer la totalité des vignerons luxembourgeois dans ce beau projet». Vues de la Moselle, les intentions de l’échevin ont fait mouche : il va désormais falloir qu’il soit convaincant avec ses collègues élus, car toute la Moselle est derrière lui !
Des vins trop peu visibles dans la capitale
«C’est vrai que lorsqu’un touriste arrive en Ville, rien ne lui dit qu’il se trouve dans un pays producteur de vins», regrette le directeur général de Bernard Massard, Antoine Clasen. Il y a bien les cartes des restaurants qui jouent le jeu, mais force est de constater qu’ils ne sont pas si nombreux.
Créer une Maison des vins du Luxembourg est une idée qui revient régulièrement, mais qui se heurte à un mur : le montant des loyers pratiqués dans les endroits qui comptent. Pour autant, certains vignerons ne lâchent pas le concept, arguant que le futur musée du Vin d’Ehnen (où se trouvera également une vinothèque) ne suffira pas. Guy Krier (domaine Krier-Welbes, à Ellange-Gare) évoque un argument qui fait sens : «Il faut aller où sont les gens. La belle vallée de la Moselle et la belle architecture du musée attireront du monde en été, mais Ehnen, en hiver, c’est mort… Cette période est propice au changement, pourquoi n’en profiterions-nous pas pour tester le concept d’une Maison des vins à Luxembourg avec un pop-up store, par exemple ?»
Claire Sertznig, qui fédère les vignerons sous la bannière Vins et Crémants Luxembourg, estime elle aussi que la visibilité de la Moselle viticole pourrait être meilleure en Ville, mais veut rester positive : «Il ne sert à rien de se plaindre tout le temps. D’autant que nous constatons que de plus en plus de restaurants et de bars mettent en avant les vins et les crémants locaux. Il est important d’accompagner et de motiver ces restaurants, vinothèques et épiceries fines pour enrichir les belles relations entre le vigneron, l’intermédiaire et le client.»
De notre collaborateur Erwan Nonet