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France : vers une vaccination contre le Covid-19 en cinq étapes


Les 50-65 ans (13 millions) et les "moins de 50 ans mais à risque de forme grave" (4 millions) seront concernées qu'à partir de la troisième étape (photo d'illustration : AFP).

Cinq phases « progressives » en commençant par les personnes âgées en Ehpad, une stratégie dictée par les incertitudes qui persistent sur les futurs vaccins, des mineurs pas concernés dans un premier temps : la Haute autorité de santé (HAS) a dévoilé lundi ses recommandations pour la future campagne de vaccination contre le Covid-19.

Une stratégie basée sur ce que l’on sait pour le moment

La HAS se livre à un exercice « inédit », rendu nécessaire par l’urgence épidémique: élaborer des recommandations alors que les vaccins ne sont pas encore sur le marché et qu’on ne connaît ni toutes leurs caractéristiques ni les quantités qui seront disponibles.

La stratégie définie intègre deux données: d’une part, il y aura une « allocation limitée et progressive des doses de vaccins ». D’autre part, les candidats vaccins semblent empêcher de développer la maladie Covid-19, mais on ignore combien de temps et s’ils empêchent aussi de transmettre le virus Sars-CoV-2.

L’objectif est donc une « protection individuelle », et non collective, avec deux critères: « l’existence d’un facteur de risque de développer une forme grave de la maladie » et « l’exposition accrue au virus ». Et ce afin de réduire l’impact sanitaire de la maladie (hospitalisations, admissions en soins intensifs et décès).

« Pour que la stratégie vaccinale vise le contrôle de l’épidémie, il est nécessaire d’attendre que les études établissent la preuve que les vaccins ont une efficacité possible sur la transmission du virus et que la disponibilité des vaccins soit suffisante », ajoute-t-elle.

Les cinq étapes

Pour la HAS, les personnes âgées résidant en Ehpad doivent être vaccinées en priorité « à l’arrivée des toutes premières doses », car « elles cumulent les deux types de risque » (âge et exposition élevée du fait de la vie en collectivité). Une population d’environ « 750 000 personnes ».

Cette première étape devrait aussi concerner les salariés de ces établissements « qui présentent eux-mêmes un risque de forme grave (professionnels de plus de 65 ans et/ou avec comorbidité(s)) », soit environ 90.000 personnes.

Viendrait ensuite l’ensemble des personnes âgées, en commençant par « les personnes ayant plus de 75 ans, puis les personnes de 65 à 74 ans ayant une comorbidité, puis les autres personnes de 65-74 ans », ainsi que les « professionnels du secteur de la santé, du médico-social et du transport sanitaire, en priorisant les professionnels âgés de plus de 50 ans » ou présentant un facteur de risque.

Cette étape sera beaucoup plus massive : il s’agira de vacciner quelque 13,7 millions de personnes âgées et 1,2 million de professionnels.

La troisième phase concernerait tous les 50-65 ans (13 millions) et les « moins de 50 ans mais à risque de forme grave » (4 millions), « l’ensemble des professionnels du secteur de la santé et du médico-social » et les « professionnels issus des secteurs indispensables au fonctionnement du pays », dont la liste sera « à définir par le gouvernement » (sécurité ou éducation par exemple).

La HAS recommande d’élargir dans un quatrième temps aux « professionnels dont l’environnement de travail favorise une infection (contacts réguliers du public, milieu clos…) » et aux « personnes vulnérables ou précaires ayant un pronostic moins favorable en cas d’infection par la Covid-19 (résident en hôpital psychiatrique, sans domicile fixe, détenus…) ».

Dans une cinquième et dernière phase, « sous réserve que les allocations de doses vaccinales auront été suffisantes pour vacciner chacune des populations prioritaires, la vaccination des personnes de plus de 18 ans et sans comorbidité pourrait alors être initiée ».

Un calendrier à préciser

« Ce qui va déterminer le passage d’une phase à l’autre, c’est essentiellement la disponibilité des doses », souligne Elisabeth Bouvet, présidente de la commission des techniques de vaccination de la HAS.

Ainsi, « si pendant la phase 1 toutes les doses ne sont pas utilisées, il y aura un continuum entre la phase 1 et la phase 2 ». Dans le cas contraire, il faudra attendre un réapprovisionnement.

« Les phases 2 et 3 devraient suivre de très près la phase 1 alors que les phases 4 et 5 surviendront probablement plus tardivement », estime Daniel Floret, vice-président de cette même commission.

Le calendrier de la campagne dépendra aussi de son succès, observe la présidente de la HAS Dominique Le Guludec.

Le gouvernement a affirmé la semaine dernière que la campagne de vaccination commencerait dès le feu vert des autorités sanitaires et vise un lancement « fin 2020-début 2021 ».

Les facteurs de risque retenus

La HAS retient comme « comorbidités » celles « identifiées dans les publications scientifiques comme à risque avéré d’hospitalisations ou de décès »: l’obésité, certaines maladies respiratoires (BPCO et insuffisance respiratoire), l’hypertension artérielle « compliquée » (qui a donné lieu à un infarctus, un AVC ou de l’insuffisance cardiaque), l’insuffisance cardiaque, le diabète, l’insuffisance rénale chronique, les cancers de moins de trois ans, les personnes ayant reçu une greffe et celles porteuses de trisomie 21.

D’autres pathologies ou formes de handicap pourront être intégrées au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances.

Les mineurs pas concernés

Les mineurs ne font pas l’objet de recommandations car les études cliniques les plus avancées n’ont pas inclus cette population. « L’autorisation de mise sur le marché ne sera pas délivrée pour les enfants puisqu’il n’y aura aucune donnée d’efficacité et surtout de tolérance vis-à-vis de cette population », note Daniel Floret.

Des recommandations amenées à évoluer

La HAS formulera des « recommandations différenciées », « vaccin par vaccin », lorsqu’elle disposera d’informations plus détaillées. Ainsi, les vaccins pour lesquels on aurait la démonstration qu’ils bloquent la transmission du virus « seraient plus adaptés aux professionnels de santé », tandis que d’autres pourraient être « plus efficaces sur les personnes âgées ».

L’autorité sanitaire n’a par ailleurs pas encore tranché sur la conduite à tenir pour les personnes ayant déjà été infectées par le coronavirus.

Enfin, « il ne faut pas se priver (…) de s’interroger à nouveau sur l’obligation » vaccinale, « si on constate qu’à un moment, si on veut mettre fin à cette épidémie, on a besoin d’un taux de vaccination plus élevé » et que les vaccins disponibles ont prouvé leur efficacité, avance Elisabeth Bouvet.

AFP