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Vaccins contre le Covid-19 : un an de sprint, et l’espoir au bout


L'arrivée prochaine des vaccins contre le Covid-19 soulève de nombreuses questions. (illustration AFP)

La vaccination contre le Covid-19 est un objectif que le monde touche désormais du doigt, un an seulement après l’apparition de cette nouvelle maladie : c’est le résultat de recherches menées à une vitesse inédite, même si toutes les inconnues sont loin d’être levées.

Le vaccin, c’est pour quand ?

Tout s’est accéléré en novembre, avec les premières annonces des fabricants sur l’efficacité de leur vaccin.

Sur le Vieux continent, l’Agence européenne du médicament (EMA) a indiqué lundi à l’AFP qu’elle pourrait approuver les premiers vaccins d’ici la fin de l’année ou début 2021. C’est le calendrier sur lequel se sont calés plusieurs pays en esquissant leurs plans ces derniers jours, comme l’Espagne, l’Italie ou la France.

Les Etats-Unis, eux, espèrent carrément commencer leur campagne de vaccination avant la mi-décembre, sitôt obtenue l’approbation de leur Agence du médicament (FDA).

De leur côté, les autorités chinoises ont déjà donné leur feu vert à une utilisation d’urgence de certains de leurs vaccins.

Ces délais ont été rendus possibles par une accélération tous azimuts des procédures de recherche, de production industrielle et d’évaluation, appuyée par des financements colossaux. Le développement et la mise sur le marché d’un nouveau vaccin prennent d’habitude dix ans en moyenne.

L’EMA insiste cependant sur le fait que « les mêmes standards réglementaires élevés de qualité, de sécurité et d’efficacité sont appliqués aux vaccins contre le Covid-19 » qu’aux autres.

Mais quelle que soit la date d’approbation des vaccins, tout le monde ne sera pas vacciné tout de suite.

« Dans un premier temps, les quantités de vaccins seront limitées et la priorité sera donnée aux soignants, aux personnes âgées et aux autres catégories à risques », a récemment rappelé le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Un autre enjeu majeur sera l’égalité dans l’accès aux vaccins entre pays riches et pauvres.

« Les vaccins ont été développés en urgence et la même urgence doit guider leur distribution équitable », a plaidé lundi le Dr Tedros. Les plus pauvres et les plus vulnérables « risquent d’être piétinés dans la ruée sur les vaccins », a-t-il dit.

Lequel est le meilleur ?

Impossible à dire pour l’instant. Depuis le 9 novembre, quatre fabricants ont annoncé que leur vaccin était efficace: l’alliance américano-allemande Pfizer/BioNTech, le laboratoire américain Moderna, l’alliance britannique AstraZeneca/Université d’Oxford et les Russes de l’institut d’Etat Gamaleïa.

Malgré cette surenchère d’annonces ayant boosté les bourses mondiales, ces données n’ont été dévoilées que par communiqué de presse, sans publication scientifique détaillée.

Tous ces résultats portent sur le dernier stade des essais cliniques, la phase 3, pour lequel des dizaines de milliers de volontaires ont été recrutés. L’efficacité est mesurée en comparant le nombre de malades dans le groupe de volontaires qui a été vacciné et dans le groupe qui a reçu un placebo.

Ils ont été dévoilés dès qu’un nombre prédéfini de malades du Covid a été atteint parmi les volontaires: 170 pour Pfizer/BioNTech, 95 pour Moderna, 131 pour AstraZeneca/Oxford et seulement 39 pour l’institut Gamaleïa.

Pfizer/BioNTech se prévaut d’une efficacité de 95%: sur ses 170 malades, 8 venaient du groupe vacciné et 162 du groupe placebo. Idem ou presque pour Moderna, avec 94,5% d’efficacité (5 malades dans le groupe vacciné, 90 dans le groupe placebo). Le vaccin Spoutnik V russe, lui, affiche une efficacité de 91,4% sur ses 39 malades (et 95% sur un nombre de malades non précisé).

Le calcul est plus compliqué pour AstraZeneca/Oxford. Son efficacité moyenne est de 70 %, si on combine les résultats de deux protocoles différents.

L’efficacité est de 90 % pour les volontaires qui ont d’abord reçu une demi-dose, puis une dose complète un mois plus tard. Mais ce taux a été obtenu sur un groupe de seulement 3 000 patients selon la firme, qui a aussi reconnu que c’était par erreur que seulement une demie-dose avait été administrée au départ.

Elle descend à 62% pour un autre groupe, qui a pourtant été davantage vacciné, avec deux doses complètes à un mois d’écart. Cela semble montrer que le premier schéma entraîne une meilleure réponse immunitaire.

Mais l’efficacité intrinsèque n’est pas tout. Le vaccin AstraZeneca a pour lui d’être le moins cher (environ 2,50 euros la dose). Ceux de Moderna et de Pfizer/BioNTech, eux, ont un handicap logistique: la technologie qu’ils utilisent nécessite leur stockage sur le long terme à très basse température (-20° Celsius pour le premier, -70°C pour le second).

Quelles questions en suspens ?

Il en reste plusieurs, et de taille. « Un vaccin va compléter les autres outils que nous avons, pas les remplacer », a d’ailleurs prévenu le patron de l’OMS, même si « la lumière au bout du tunnel brille désormais plus fort ».

La question la plus importante est celle de l’efficacité de ces vaccins à long terme, puisque les chiffres ont été calculés une à deux semaines seulement après la dernière injection. « Combien de temps la protection durera-t-elle? Le virus finira-t-il par muter pour échapper au vaccin, ce qui limiterait alors l’efficacité de la vaccination? », résume une experte britannique, la Dr Penny Ward (King’s College de Londres), citée par l’organisme Science Media Centre (SMC).

Autre question cruciale : on ignore si l’action de ces vaccins est identique chez les populations les plus à risque, à commencer par les personnes âgées, dont le système immunitaire est moins efficace. Elles sont beaucoup plus susceptibles d’avoir une forme grave de Covid-19, et il est donc essentiel qu’un vaccin fonctionne dans ce groupe de population.

Enfin, il reste à savoir si ces vaccins font barrage à la transmission du virus, en plus de réduire la sévérité de la maladie chez ceux qui les ont reçus. C’est un point essentiel pour stopper la pandémie. Là encore, des experts estiment qu’AstraZeneca/Oxford pourrait avoir un atout supplémentaire. « Contrairement aux autres essais, l’équipe d’Oxford/AstraZeneca a testé tous les participants chaque semaine pour détecter les infections asymptomatiques », a commenté la Pr Eleanor Riley (Université d’Edimbourg), citée par le SMC.

« Nous avons de premières indications selon lesquelles ce vaccin pourrait réduire la transmission du virus, car une diminution des infections asymptomatiques a été observée », a pour sa part indiqué l’Université d’Oxford. AstraZeneca a précisé que la détection systématique des patients asymptomatiques ne concernait pas l’ensemble des 23 000 volontaires mais une partie seulement, sans révéler le chiffre exact.

Enfin, si les essais n’ont révélé aucun effet secondaire important, un « suivi continu » est nécessaire pour s’assurer « qu’il n’y ait pas des effets indésirables rares mais plus sérieux dans une utilisation à large échelle », souligne la Dr Ward.

Combien de vaccins dans les tuyaux ?

En comptant les quatre les plus avancés, onze en sont au dernier stade de développement, la phase 3, selon le dernier point de l’OMS, daté du 12 novembre. Parmi eux, on trouve plusieurs projets de différents laboratoires chinois (Sinovac, Sinopharm ou CanSino).

Au total, 48 « candidats vaccins » sont testés dans des essais cliniques sur l’homme à travers le monde: les 11 en phase 3 et 37 autres encore en phase 1 (qui vise avant tout à évaluer la sécurité du produit) ou en phase 2 (où on explore déjà la question de l’efficacité).

En plus des essais déjà entamés, l’OMS comptabilise 164 projets de vaccins en phase préclinique.

Quelles techniques ?

Les laboratoires ont misé sur des méthodes différentes, certaines déjà éprouvées, d’autres inédites.

Plusieurs équipes travaillent sur des types de vaccins classiques qui utilisent un virus « tué » : ce sont les vaccins « inactivés » (comme ceux des Chinois Sinovac et Sinopharm). Il y a également des vaccins dits « sous-unitaires », à base de protéines (des antigènes) qui déclenchent une réponse immunitaire, sans virus.

D’autres vaccins, dits « à vecteur viral », sont plus innovants: on prend comme support un autre virus qu’on transforme et adapte pour combattre le Covid-19. C’est la technique choisie par AstraZeneca/Oxford et les Russes, qui utilisent des adénovirus (famille de virus très courants).

Enfin, d’autres projets novateurs sont basés sur des vaccins « à ADN » ou « à ARN », des produits expérimentaux utilisant des morceaux de matériel génétique modifié. C’est le cas de ceux de Moderna et de Pfizer/BioNTech.

Quel vaccin contre la défiance ?

Quelle que soit la date des premières vaccinations, il restera une ultime question, de taille: les gens accepteront-ils de se faire vacciner, dans un contexte de défiance grandissante ?

Selon une étude parue mi-octobre dans la revue britannique Royal Society Open Science, une part non négligeable de la population de certains pays croit à des théories complotistes sur le Covid-19, qui augmentent la méfiance envers la vaccination.

Par exemple, la fausse affirmation selon laquelle la pandémie « fait partie d’un plan pour imposer la vaccination mondiale » est jugée fiable par 22 % des Mexicains sondés pour cette étude.

Une enquête publiée début novembre par le Forum économique mondial et menée dans 15 pays montre même que la proportion de personnes prêtes à se faire vacciner a diminué par rapport au mois d’août. Seulement 73 % sont d’accord avec l’affirmation « si un vaccin contre le Covid-19 était disponible, je me ferais vacciner », contre 77 % en août.

AFP/LQ