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Machine à voter

Le rôle de la Chambre est clairement défini. Comme tout autre parlement, elle a comme mission de contrôler l’action du gouvernement. La Constitution précise que la Chambre «représente le pays» et que les députés «ne peuvent avoir en vue que les intérêts généraux du Grand-Duché». En réalité, l’indépendance qui est attribuée aux 60 élus du peuple s’amenuise de plus en plus. La politique politicienne prend clairement le dessus. L’actuel rapport de force avec une majorité parlementaire de 31 voix ne fait qu’accentuer les choses.

Les principes de la démocratie veulent que les partis qui représentent une majorité d’élus au Parlement forment une coalition gouvernementale. Au Luxembourg, la proximité entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif pose néanmoins problème. Les députés de la majorité sont très souvent considérés comme une machine à voter. Le terme est péjoratif, mais ces dernières décennies, peu importe la composition de la coalition, bon nombre de textes de loi hasardeux ont été votés sans broncher. Ce qui est reproché aujourd’hui à la majorité tricolore (DP, LSAP, déi gréng) a été longtemps pratiqué par les coalitions CSV-LSAP ou CSV-DP.

Le projet LUXEOSys démontre les failles de l’interprétation actuelle du rôle de député. Alors qu’ils estimaient déjà avoir l’impression d’acheter un «chat dans le sac», les élus du principal parti d’opposition CSV ont validé le projet de satellite d’observation militaire en juillet 2018. Les élus de la majorité n’ont également pas poussé plus loin l’analyse d’un projet ficelé à la va-vite. Les deux camps suivent souvent un peu à l’aveugle les textes introduits par les ministres.

Les errements dans le dossier LUXEOsys sont indéniables. Sont-ils suffisants pour instaurer une commission d’enquête parlementaire? Vu de l’extérieur, il est difficile de trancher. Seule certitude : une révision des règles pour permettre à un tiers de députés d’instaurer une telle commission ne pourrait que renforcer la crédibilité de la Chambre. En attendant, ni la théâtralité d’une large frange de l’opposition ni la passivité des députés de la majorité ne font avancer le travail parlementaire.

David Marques