Façonnées dans les profondeurs de la Terre, les pierres précieuses sont placées sous les projecteurs par le natur musée qui leur consacre une exposition.
«Les pierres sont déjà lumineuses quand elles sortent de terre, mais elles ne sont vraiment mises en lumière qu’une fois taillées.» L’éclairagiste du musée national d’Histoire naturelle a su sublimer les pierres de l’exposition «From Dark to Light» en leur offrant un écrin lumineux à la hauteur de leur pureté. Jusqu’au 6 juin 2021, ces pierres précieuses se racontent dans le cadre d’une exposition conçue par Simon Philippo, conservateur de la section géologie/minéralogie du natur musée. Expulsées des profondeurs de la Terre qui les a façonnées par des cheminées volcaniques (jusqu’à 250 kilomètres pour les diamants et 8 kilomètres pour les topazes), elles fascinent par leur singularité, leur beauté et leur rareté. On leur prête des pouvoirs et elles magnifient ceux qu’elles parent. Mystérieuses, leurs couleurs vibrent sur les panneaux noirs de l’exposition plongée dans la pénombre.
«L’exposition ne montre pas que des pierres précieuses. Elle explique où elles se forment, pourquoi et où les trouver», explique Simon Philippo. «J’ai voulu apporter un aspect éducatif et montrer que les pierres magnifiques ne se trouvaient pas comme ça dans la nature. Seuls 3% des diamants servent à la joaillerie.» Les autres, les visiteurs le découvriront plus tard, ont, comme d’autres pierres, des applications dans différents domaines de l’industrie.
Simon Philippo a profité de la donation de la collection Chassedanne pour suggérer la thématique de l’exposition. Sa mise en place a été «rock’n’roll». «Les pierres de la collection – 2,4 tonnes – devaient arriver en mars, mais avec le Covid-19 elles sont arrivées en août», se souvient le conservateur. «Heureusement, nous avions réalisé un inventaire informatique complet à l’emballage. Nous avons dû sélectionner les pierres, faire les socles et déterminer le volume des vitrines sur mesure.» Une trentaine sont présentées dans cette exposition qui en propose une centaine, prêtées par des collectionneurs ou issues de la collection du musée.
De la nuit des temps aux projecteurs
Améthystes d’Uruguay, diamants d’Inde, tanzanites bleues violacées, fluorines multicolores belges, émeraudes de Colombie, héliodores de Finlande, pierres de Bohème… L’exposition fait le tour du monde et plonge dans les méandres du temps pour présenter des objets précieux, comme une bague romaine en cristal de roche ou une hache en jade du Néolithique trouvées au Luxembourg – preuve que les pierres précieuses ont de tout temps fasciné les êtres humains – ainsi que de petits fossiles de gastéropodes transformés en émeraudes. «Nous en avons deux au musée, il en existe cinq au monde», précise Simon Philippo, pas peu fier.
Sa préférence va à une topaze bleue parfaitement transparente et à une topaze impériale du Brésil bicolore d’un rouge intense et d’un organe feu. «Elle est considérée comme une des dix meilleures pièces mondiales. Il existe des cristaux plus grands, mais ils n’ont pas la même intensité de couleur», indique le spécialiste. Deux joyaux aussi rares que beaux.
«La profondeur influe sur la dureté et la rareté. Plus on descend en profondeur, plus il y a de pression et de chaleur, plus la structure est dure», explique Simon Philippo. La dureté des pierres, de même que leur provenance ou leur composition chimique, est indiquée sur des panneaux qui présentent les différentes familles de minéraux. «Parfois, la structure chimique est similaire à la forme du cristal», note-t-il. «Un tout petit élément pousse dans une direction pour former un grand cristal. C’est la maille élémentaire de l’ordre d’un dixième de millimètre. Pour grandir, elle a besoin de la chimie d’un milieu, de pression et de température.»
Au fur et à mesure que l’on progresse dans l’exposition, les pierres dévoilent leurs charmes comme cette kunzite violette qui devient rose suivant l’angle de vue ou encore l’alexandrite. «Elle est verte à la lumière du soleil et devient violette à la lumière d’une lampe à filament. On dit qu’elle est une émeraude le jour et une améthyste la nuit», raconte notre guide. On apprend aussi que les émeraudes sont des béryls comme les améthystes ou les aigues marines, que le rubis est un saphir rouge et que depuis 1902, grâce au processus de Verneuil, on produit de faux rubis et saphirs.
Les aspects moins reluisants des pierres précieuses comme les dangers de l’exploitation minière pour l’écologie, les Blood Diamonds ou le travail des enfants sont aussi abordés. Des pièces d’artisanat d’art viennent clore la visite. Un clin d’œil à ceux qui parviennent à voir la beauté affleurer sous une coque parfois informe et qui lui permettent de briller.
Sophie Kieffer